C’est l’histoire d’un voyage présidentiel autour duquel une grosse fumée a ingénieusement été entretenue. Jusqu’il y a encore quelques jours en effet, les résidents rwandais d’Amérique du Nord n’étaient pas sûrs de pouvoir tenir leur grand messe puisque l’arrivée du prédicateur principal n’était pas encore acquise. Sans le propriétaire-de-tous-les-dossiers, pas de meeting possible.
Finalement, avec tambours et trompettes, la propagande afandienne annonce le général Kagame sur les rives du lac Ontario (Canada) : du 27 au 28 courant il célébrera, à Toronto, un exercice d’auto-satisfaction connu sous le nom pompeux de Rwanda Day. Toronto au lieu d’Ottawa précédemment publié; septembre au lieu d’août… Pourquoi ce cache-cache quant au lieu et à la date ? La nuit n’est pas effrayante en soi, disent les Rwandais ; seule, disent-ils, la rencontre qu’on y a faite peut l’être. Et qu’ont donc rencontré les aficionados d’Afandie dans les nuits de leurs messes ? Fleurs et louanges certes, mais aussi et surtout clameurs et huées et, tout récemment, crottes de cheval et œufs pourris.
Voilà pour l’atmosphère. Alors journée du Rwanda ou afande day ? Depuis que se tiennent hors du pays ces rassemblements, orateurs et participants rappellent scrupuleusement les grands meetings en l’honneur des guides éclairés de Pyongyang. Vous vous souvenez du culte voué au « grand timonier » Kim Il Sung (et à sa progéniture) ? Pendant que privilégiés du régime paradent avec ostentation et se congratulent à tour de rôle, le peuple tire, dans sa majorité, la queue du diable et c’est un doux euphémisme. Le peuple a faim, ses enfants n’ont plus de bourses pour les études. Le peuple vit sous un joug ignoble. En son nom des citoyens courageux vont exprimer leur indignation par rapport à ce cynisme sans nom : des jets affrétés pour convoyer des militants du parti au pouvoir qui vont chauffer les salles et donner l’impression que tout le pays est derrière son général-président. Un budget détourné car tout cet argent peut servir à beaucoup de choses plus importantes que ces onéreuses opérations de communication qui ne séduisent plus grand monde. Que signifie ou quelle fierté retire le paysan rwandais de ces concerts lorsqu’il ne sait même pas comment faire face au prix du kilo de pomme de terre qui grimpe vertigineusement ?
Celle qui va brouter commence par (l’herbe de) l’enclos dit un adage rwandais. Ou, charité bien ordonnée commence par soi-même. Bien sûr ce clin d’œil de la tradition n’a pas sa place dans la dignité tel que décrétée par les idéologues d’Afandie. Épater le monde entier alors que ça se corse chez soi… Heureusement que, au cours de son escale new-yorkaise, le conférencier attendu à Ville Reine a eu droit à quelques « provisions » de la part de son grand allié, les Usa. A la tribune des Nations unies en effet, le président Barack Obama a dit : « I believe we can embrace a different future. If we don’t want to choose between inaction and war, we must get better – all of us – at the policies that prevent the breakdown of basic order. Through respect for the responsibilities of nations and the rights of individuals. Through meaningful sanctions for those who break the rules ». Droits de l’homme et sanctions pour ceux qui violent les règles… Y fera-t-on allusion lors du Rwanda Day ? Le Canada, il est temps de le rappeler, a eu Dallaire, mais aussi le père Guy Pinard froidement abattu par les afande de Kagame.
Comme à Londres il y a 5 mois, afande Kagame aura à composer avec la contestation des « combattants » congolais qui sont las de l’ingérence rwandaise dans leur pays. Il pourra, comme à Londres, ironiser sur la pauvreté de ses voisins (oubliant les disettes qui se sont déjà invitées dans plusieurs familles au Rwanda), mais il ne saura faire comme si il n’a pas entendu Obama prononcer devant lui cette phrase : « Ultimately, this is the international community that America seeks – one where nations do not covet the land or resources of other nations, but one in which we carry out the founding purpose of this institution ». Des pays (Rwanda?) qui convoitent des territoires (Kivu?) ou les ressources (coltan, or, diamant?) d’autres pays (RD Congo?) Était-ce là la contribution de l’Américain à Rwanda Day – Toronto ? Était-ce là la provision qu’il a voulu mettre dans les bagages d’un Kagame qui a de plus en plus mal à effectuer des visites officielles en Occident ? Une façon de lui dire clairement que son brigandage doit maintenant arriver à sa fin ?
Clôturant Rwanda Day à Boston (Usa) en 2012, le général-président a eu ce slogan passe-partout : « we shall overcome », mais comment ne pas penser à cette phrase que le réalisateur Matthieu Kassovitz a prêté à un acteur dans l’un de ses films « C’est l’histoire d’une société qui tombe et qui au fur et à mesure de sa chute se répète sans cesse pour se rassurer : « Jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien… » L’important c’est pas la chute, c’est l’atterrissage »…
Cecil Kami