Débat 4: Karasira Aimable incarcéré

Aimable Karasira

Par Mukundente Ariane

Rescapé du génocide contre les Tutsis, il échappe aux génocidaires, mais ces derniers tuent sa famille et sa familles nucléaire est tué par le FPR. Pour cela, les associations des rescapés du génocide contre les Tutsis lui refusent le statut de rescapé. Par conséquent, lui et son frère ne sont pas sur la liste des rescapés aidés par le fond d’assistance des reacapés du génocide (FARG). Il est marginalisé par les autres rescapés qui lui inventent des pères biologiques ( Bucyana Martin et Froduard Karamira) pour le sortir de la famille des rescapés.

À cause de cette vie infernale, son frère tombe en dépression aigüe et Karasira doit prendre soin de lui, alors qu’il est lui-même très jeune. Il noie son chagrin en chantant et mais en appelant au secours. Silence radio, personne ne fait pas attention à lui. Ensuite, il a commencé à avoir des idées suicidaires et il s’ouvre au monde entier à travers son Youtube “Ukuri mbona”. Il s’attire la sympathie du public, car il dit tout haut ce que beaucoup de gens pensent tout bas.

Ils s’expriment librement sans tabou sur toutes les sujets qui concernent le Rwanda. Son employeur, l’Université du Rwanda, n’aime pas ça et Il est remercié. Il se consacre à temps plein sur ses émissions et est invité par plusieurs radios pour donner son point de vue sur un sujet particulier. Depuis, il vit de la charité du public et peut-être des revenus de sa chaîne Youtube “ukuri mbona” aux 62 000 abonnés.

Mais voilà que, le 31 mai 2021, il reçoit un appel d’un employé de RIB(Rwanda Investigation Bureau) par un simple coup de téléphone. Arrivé là-bas, il est tout de suite arrêté. Vice de procédure? Probablement! Il fallait une convocation par écrit. On n’arrête pas quelqu’un par un coup de téléphone. Mais bon!

De quoi est-il accusé, au juste? Depuis qu’il est devenu Youtubeur, Karasira ne mâche pas ses mots. Il refuse cette politique où on te dicte quoi faire, quoi dire et qui côtoyer. Il l’a exprimé dans sa chanson “cishwa aha” (obéis, fais ce que je te dis). Il refuse la politique de ce qu’il appelle “munyangire” (déteste mes ennemis). Il condamne les injustices que subissent les habitants de Kagondo. Il montre sa peine publiquement suite à la mort de Kizito en étant à Kigali. Et surtout il crie haut et fort que c’est le FPR qui a tué sa famille… Son esprit libre lui vaut les attaques des sbires du pouvoir de Kigali.

Une pétition est lancée pour son arrestation et à moins de 24 heures, il est arrêté par la Police. Il est accusé:

– Négation du génocide contre les Tutsis.

– Banalisation du génocide (gutesha agaciro génocide)

– Possession de beaucoup d’argent (don reçu après avoir perdu son emploi).

Je vous rappelle que Karasira est un rescapé du génocide contre les Tutsis. Et ses émissions sont publiques. On l’entend plusieurs fois en train de condamner ce génocide qui lui a pris tout. Il condamne même les génocidaires que le pouvoir de Kigali protège, à savoir, Lewis Murahoneza alias Kigurube, employé de Rwanda Air au Bureau de Bruxelles. Il a été à l’école primaire avec Karasira. C’est un génocidaire qui a tué et violé les jeunes filles et qui a été condamné par les tribunaux Gacaca. Les associations des rescapés avaient écrit une lettre aux autorités pour son arrestation, mais protegé par le pouvoir, ils ont été réduits au silence.

Arrêter Karasira, un rescapé du génocide, pour négation du génocide et protéger un génocidaire comme Kigurube qui a tué et violé les femmes pendant le génocide, disons qu’une telle justice ne se voit qu’au Rwanda seulement.

Dans un des ses vidéos, Karasira parle de la préparation du génocide. Et le délit de négation du génocide dont il est accusé proviendrait de cette discussion. C’est seulement au Rwanda que dire que le génocide n’a pas été préparé est qualifié de négation du Génocide. C’est ce que Karasira explique. Car selon la définition du mot “génocide”, la préparation du génocide n’est pas un préalable pour que des tueries soient qualifiés de génocide. L’organe qui a qualifié les tueries de 1994 de “génocide” au Rwanda est le TPIR (Tribunal Pénale Internationale sur le Rwanda), or ce même Tribunal a dit qu’il n’y a pas eu de “préparation du génocide” faute de preuve. C’est grâce au TPIR que le génocide contre les Tutsis est reconnu internationalement par les Nations Unis. Or selon la logique de la loi Rwandaise qui qualifie la “non-préparation” de négationisme, le TPIR niérait le génocide contre les Tutsis. Comment nier quelque chose “un génocide”, alors que c’est toi-même qui lui a donné ce nom de “génocide”? Mystère!

Soit dit en passant, moi je crois qu’il y a eu préparation du génocide. Car autant des tueries en si peu de temps, maison par maison ne pourraient qu’être l’oeuvre d’une bonne préparation. Mais comme la définition du génocide le montre la “préparation” n’est pas un préalable pour que ça soit un génocide. Je ne sais pas pourquoi la loi rwandaise a fait de cela un délit de négation du génocide, alors que ça n’a rien à voir avec la définition du génocide. C’est pour cela, d’ailleurs, que c’est un délit seulement au Rwanda et nul part ailleurs dans des pays qui ont des lois pour punir le négationisme du génocide.

Une chose est sûre, on attend avec impatience le procès de Karasira. Il paraît qu’il aurait attrapé le Covid-19 et qu’il a été déplacé de la station de police de Kicukiro vers un lieu inconnu. Sa vie et sa santé sont aux mains de l’État Rwandais, nous attendons un mot des autorités sur ça, sinon, son procès pour que justice soit rendue.

Le souhait d’un commun de mortel comme moi: Karasira est le produit d’une société sans pitié qui écrase les plus faibles. Il devrait être relâché, recevoir son passeport et le laisser partir, si c’est son souhait, pour aller faire sa vie ailleurs. Le condamner, c’est confirmer tout ce qu’il a dit dans ses vidéos et ses chansons depuis le début: tandis que les rescapés du génocide contre les Tutsis sont appelés “abacikacumu” (ceux qui ont échappé au génocide), lui il est appelé “umushingwacumu” (celui qui est toujours traqué), car son calvaire continue, même après 27 ans. Quel bilan!

1 COMMENT

  1. Karasira Aimable, en prison et atteint du covid-19, selon la Voix d’Amérique, afin d’éviter de lui faire subir le sort de Kizito Mihigo. Il faut espérer que l’irréparable ne se produira pas.

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