Frederik De Klerk est mort. Qui va pleurer ce raciste ?

Presqu’anodine, la nouvelle est tombée le jour même où sur le (vieux) continent de ses ancêtres l’on célébrait l’armistice, le wapenstilstand en néerlandais, la langue qui a enfanté l’afrikans que parlaient les racistes d’Afrique du sud. Comme le silence des armes donc, Frederik Willem De Klerk s’est définitivement tu, closant ainsi un chapitre des plus douloureux du peuple africain. C’est, apprend-on, le cancer qui a eu raison de ce boer (85 ans), fils et petit-fils de boer qui a été au sommet de l’appareil (le Parti national) qui avait conçu et qui gérait l’aberration qu’était le nazisme afrikaner. A part ses cousins occidentaux et quelques nostalgique fils spirituels d’Adolf Hitler, qui d’autre va/peut pleurer ce « Tueur géant » ainsi qu’on le surnommait ? Qui ?

Il a mis fin à l’apartheid, nous répète-t-on déjà comme pour nous faire oublier sa cruauté ainsi que celle du système qu’il représentait. Il a libéré Nelson Mandela. Il est Prix Nobel de la paix ; etc. Il a fait ci, il a fait ça…Et quoi d’autre encore ? Les médias occidentaux (et certains de leurs « amis » en Afrique) vont essayer de nous vendre un « mort » honorable. Il paraît même qu’à titre posthume, cet ex-président a présenté ses excuses « pour la douleur, la souffrance, l’indignité et les dommages que l’apartheid a causés aux Noirs, aux Bruns et aux Indiens en Afrique du Sud ». Ça fait rire les chats sauvages (gusetsa imikara), dit-on au pays des mille collines. De qui se moque-t-il ici ? Car qui va oublier de sitôt cette insulte arrogante proférée par celui qui a servi dans les gouvernements de l’ouvertement pro-nazi Balthazar Johannes Vorster ? Avec un mépris scandaleux, le De Klerk avait osé déclarer que « Apartheid was not a crime against humanity ». Vraiment ? Ses excuses, il pourra donc les présenter à son Dieu. S’il en avait un.

Ainsi donc ce petit fils d’Huguenots (que la France a déversés sur l’Afrique à la suite de ses intolérances religieuses) a mis fin au régime ségrégationniste de ses parents… Ses thuriféraires feraient pourtant mieux d’inventer une autre fake news car il est de notoriété publique que le pays dont a hérité De Klerk était un paria que sanctions internationales et boycott avaient mis presqu’à genoux. Le changement était i-né-vi-table. Ceux qui veulent en attribuer la paternité à FW De Klerk rappellent curieusement Malcolm X disant : « Je ne peux plus faire un pas sans entendre qu’il y a eu du progrès dans les droits civiques pour les Noirs. Les Blancs semblent penser que l’homme noir devrait se mettre à chanter ‘Alléluia ! Pendant quatre cent ans, l’homme blanc a laissé son couteau de 30 centimètres planté dans le dos de l’homme noir et maintenant l’homme blanc commence à retirer le couteau de  15 centimètres ! L’homme noir est supposé en être reconnaissant ? Pourquoi le serait-il, si l’homme enlevait totalement le couteau de la plaie, il en resterait toujours une cicatrice ! »

S’il est vrai que les traditions africaines exigent un respect pour les défunts, un proverbe sud-africain rappelle lui que « la mort est préférable à la honte ». Comment sinon concevoir que FW De Klerk qui avait du sang noir dans ses veines (Il a lui-même reconnu avoir comme parent lointain une femme khoïsan nommée Eva- Krotoa), comment donc a-t-il pu adhérer à l’une des pires idéologies racistes connues à ce jour ? Honteux. Tout simplement La mort engloutit l’homme, elle n’engloutit pas son nom et sa réputation dit un autre proverbe africain. FW De Klerk est et restera donc l’avocat qui a défendu l’indéfendable et qui partagera à tout jamais les responsabilités du gouvernement des criminels (il était alors ministre) qui ont assassiné Stephen Bantu Biko, dit Steve Biko ainsi que des nombreux militants noirs du Black Consciousness Movement.

Enfin, à l’actif du raciste disparu, l’on veut mettre la libération de Nelson Mandela. Quel pacte ce dernier avait-il passé avec son geôlier pour recouvrer sa liberté ? Quelle est la nature exacte du deal Mandela – De Klerk ? Malcolm X (encore lui) disait que « Si je suis sous le commandement d’un général qui me mène à la guerre et que l’ennemi tend à lui donner des récompenses, je commence à le suspecter. En particulier s’il obtient un prix célébrant la paix avant que la guerre ne soit terminée ».De Klerk a en effet reçu son prix Nobel en même temps que Mandela ! Cela a mis à jour le fait qu’il y avait en effet deux Mandela : celui des Blancs, c’est-à-dire celui qui a avalisé la dépossession de son pays de l’arme nucléaire entre autres « trahisons » ; et le Mandela des Noirs : celui que Juilus Malema décrit si bien et qui est l’antipode de Karigamombe Robert Gabriel Mugabe qui a osé une redistribution des terres. Dans son indignation, le jeune Malema ne mâche pas ses mots en affirmant que Mandela sold out Freedom Charter after separating with Winnie Mandela. He went to stay in the house given by white males who own SA. Cela est toutefois une autre histoire.

Frederik De Klerk s’en est donc allé et sa disparition devait marquer la fin d’une période que les Sud-africains ne demandent qu’à oublier. En faire un héros est une blague de mauvais goût, une escroquerie qui fait dire à l’éditorialiste Mthokozisi Dube que It, therefore, brings back the wounds that were never healed.

Pierre Rugero, écrivain