Par RUGEMINTWAZA Erasme.
Ce vendredi 12/11/2021, s’est répandu, la triste nouvelle du décès du petit-fils de Rukara fils Bishingwe, Ndagijimana Juvénal, un danseur traditionnel de renom, décédé des suites d’une maladie.
La nouvelle du décès de Ndagijimana Juvénal a commencé à se répandre sur les réseaux sociaux ce vendredi matin 12 novembre 2021, confirmant que cet homme, qui résidait dans la cellule Kidakama du secteur Gahunga dans le district de Burera, Province du Nord, est décédé des suites de la maladie dont il souffrait depuis quelques jours.
Juvénal Ndagijimana était un artiste de la danse traditionnelle du genre « ikinimba », genre qui nécessite une force physique, originaire des régions de la plaine des volcans d’Umurera et d’Ubukamba. Ndagijimana s’est fait un nom dans le ballet national’
« Urukerereza », où il fut appelé comme expert de cette danse « ikinimba » accompagnée de la musique dite « Urusengo », spécialité du clan Sindi, dans le Rwanda monarchique. L’Urusengo était une combinaison hormonieuse de sons de petites cornes d’antilope ou de cerf, utilisées comme des flûtes, accompagnant la danse. L’Urusengo s’exécutait dans l’ancien temps lors des soirées récréatives dédiées à bercer le Roi, afin qu’il puisse bien dormir. Cependant la corne Urusengo, ainsi que et le marteau sont des symboles du royaume indigène qui existait avant la dynastie Nyinginya.
La nouvelle de la mort de Ndagijimana Juvénal, fut confirmée par tous ceux qui le connaissaient, y compris son voisin, qui a indiqué que Ndagijimana était décédé de sa maladie: « C’est vrai que Ndagijimana est mort. Il serait mort aux petites heures de la matinée, parce qu’hier, j’ai entendu des gens dire qu’il était dans un très mauvais état. Il était malade depuis des jours », dit le voisin, ce vendredi, le 12/11/2021
Juvénal Ndagijimana est l’un des petits-fils de Rukara fils Bishingwe, ainsi que BATERA Charles, un ancien homme d’affaires qui vivait à Ruhengeri avant le génocide, mais ne vit propablemet plus au Rwanda.
Normalement, quand on parle de Rukara fils Bishingwe, au pays des Mille Collines, tout Rwandais entend immédiatement l’histoire d’un homme courageux qui a osé défier le pouvoir des colons blancs jusqu’à ce qu’il en tue un. Le missionnaire tué par Rukara fils Bishingwe fut taxé de se mêler des affaires politiques de la monarchie existante, au lieu de prêcher l’évangile. Ce missionnaire blanc, nommé Lupias ou Rugigana a tenté de prendre à Rukara ses vaches, en prétendant que ce sont des vaches du roi volées.
Il est à rappeler qu’à l’époque de l’arrivée des colons blancs au Rwanda, à la fin du XIXe siècle, le royaume du Rwanda, pour dire la dynastie Nyiginya, était dans des situations tumultueuses et de guerres intestines qui ont généré une situation chaotique dite « Coup de palais de Rucunshu » en 1896. Tout cela suite au roi Rwabugili, surtout sa succession. Le successeur de Rwabugili, Mibambwe Rutalindwa, dont la mère a été tuée par Rwabugili connue pour sa colère irrascible, eut comme reine mère adoptive Kanjogera issue du clan Bega, qui avait un fils qui pouvait lorgner sur le pouvoir. Kanjogera, avec ses frères Kabare et Ruhinankiko, hauts commandants des armées, fomenta et exécuta l’assassinat du roi Mibambwe Rutarindwa pour introniser son fils Musinga. Cette époque va cristaliser les rivalités Bega-Banyiginya au dépens des Nyiginya qui n’avaient presque plus de pouvoir.
Avec une régence de fer, Kanjogera, détruisit les Banyiginya. Dans le même temps, les royaumes du Nord-Ouest à moitié soumis au pouvoir central de la monarchie Nyiginya se rebellèrent surtout que les réprésentants du roi Rwabugili n’avaient jamais osé s’installer dans ces régions craignant ses populations bélliqueusement redoutables et n’étaient pas encore totalement soumises à la monarchie. Le prince Ndungutse s’y était réfugié pour se rallier à cette population pugnace et y préparer l’insurrection. Ce n’est que suite aux opérations de représailles meurtrières, menées dans la deuxième décenie du 20 siècle par Allemands, que les gens des royaumes du Nord-Ouest vont accepter le pouvour central du roi. Ces opérations dirigées par le capitaine allemand Godavius, ont commis des atrocités dans le Nord, tirant sur des civils pour les faire accepter la monarchie. Beaucoup d’anciens nés à l’époque juraient toujours « Mba ndi imbunda (Maudit, soit le fusil), en souvenir de ces représailles, parce que ceux qui ne se sont pas cachés dand les grottes ont été lâchement abattus. Rukara fils Bishingwe en cavale, a été trahi par Ndungutse chez qui il s’était réfugié vers 1912, après avoir tué le père blanc Lupias et appris que les Allemands le cherhaient. Dans le même temps, le Mutwa Basebya fils Nyirantwari fumait d’impatience de se rebeller dans la zone de Rugezi dans le Ndorwa. C’est au cours de ces années que les Hutus du nord ont été déshéritées de leurs terres ancestrales pour être données aux chefs Tutsis installés manu militari dans le nord. Ces terres furent redistribuées par ces chefs Tutsi à leurs serfs. En un mot, les royaumes du nord-ouest ont définitivement adhéré au pouvoir central du Rwanda au 20e siècle, avec l’utilisation d’armes à feu. Cela est d’ailleurs sujet de Dr. NAHIMANA Ferdinand dans son livre « Le Rwanda, Emergence d’un Etat, L’Harmattan, 1993″. Une soumission forcée du Nord du Rwanda, pareille à celle du temps de Rukara fils Bishingwe, a eu lieu après 85 ans pour encore une fois soumettre ce peuple bélliqueux au régime descendants de la monarchie tutsie revenus reconquérir, le royaume de leurs parents. Ainsi, il semble que les Abakiga (les gens du nord) ne négocient qu’avec les explosifs!
Ndagijimana Juvénal décédé et Batera Charles disparu, sont les descendants du Prince de Bukamba, Rukara fils Bishingwe, dans cette zone dite Agahunga des Archers. Ce sont les hommes que lorsque vous les voyez, vous sentez immédiatement qu’ils sont en effet les descendants d’un géant et grand patriarche: ils ont l’élégance et la confiance des vrais princes. En plus d’être dans le ballet national » Urukerereza », Ndagijimana Juvénal, avait son propre Groupe de danse appelée « Uruyenzi ». Ses bons chants accompagnés d’Urusengo sont abondants sur YouTube. Moi, qui ai une fois vu de mes propres yeux, Ndagijimana danser, dans une quelconque fête publique, pour admirer de près l’élégance de cet homme qui avait toujours le sourire aux lèvres, pour sentir la puissance de ses pieds qui faisaient trembler la terre quand ils touchaient le sol, je confirmerais que le Rwanda vient de perdre un artiste de talent, avec la mort de Ndagijimana Juvénal. Que son âme se repose en paix!