Il y a 20 ans, les camps de réfugiés rwandais de l’est du Congo étaient détruits

C’était le 2 novembre 1996, très tôt le matin, quand les réfugiés des camps deKashusha et INERA ont été réveillés par le bruit des armes lourdes et des mitrailleuses des militaires de L’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) et de l’Armée patriotique rwandaise (APR).

Ces camps regroupaient plus de 350.000 réfugiés dont une partie venait de la région d’Uvira, fuyant les massacres dont ils étaient victimes suite à destruction de leurs camps à l’arme lourde et la mitrailleuse par les armées de l’AFDL/APR.

En effet, après la création officielle de l’AFDL le 18 octobre 1996, ses troupes, appuyées par l’APR et des FAB (Forces armées burundaises) ont attaqué les villages situés dans la plaine la Rusizi, frontalière avec le Burundi. Au cours de leur progression, ils ont mené des attaques généralisées et systématiques contre les onze camps de réfugiés rwandais et burundais installés dans cette région tuant des milliers de personnes et poussant des centaines de milliers d’autres à fuir vers la ville de Bukavu et ses environs.

Après la prise de la ville de Bukavu le 29 octobre 1996, les troupes de l’AFDL/APR ont continué leurs opérations contre les camps des réfugiés rwandais de la région. Le 2 novembre 1996, ils ont attaqué à l’arme lourde le camp de Kashusha et d’INERA, situés à une trentaine de kilomètres de la ville de Bukavu, tuant des centaines de réfugiés. Les rescapés se sont enfuis en direction du Nord-Kivu. Ils sont passés soit par le parc national de Kahuzi-Biega, soit par Nyabibwe, sur la route de Goma. Les réfugiés qui sont arrivés à Nyabibwe n’ont cependant pas pu atteindre la province du Nord-Kivu car ils ont été pris en étau par les troupes de l’AFDL/APR qui arrivaient de Goma et de Bukavu.

Au cours du mois de Novembre 1996, plusieurs milliers de réfugiés fuyant les camps de Bukavu seront massacrés dans les camps de fortune ; dans le parc national de Kahuzi Biega et dans les forêts du territoire de Kalehe. Certaines victimes ont été tuées par balles, par des éclats d’obus ou de roquettes. D’autres, parmi lesquelles de nombreuses personnes âgées, des malades et des enfants, ont été tuées le long de la route.

Dans la région de Goma, à partir de la mi-octobre 1996, les infiltrations en provenance du Rwanda se sont intensifiées et les militaires de l’AFDL/APR ont commencé à tirer de manière sporadique, à l’arme lourde et à l’arme légère sur les trois camps situés le long de l’axe Goma-Rutshuru. Le camp de Kibumba, situé à 25 kilomètres au nord de Goma, a été le premier à tomber dans la nuit du 25 au 26 octobre 1996. Près de 194 000 réfugiés ont pris la direction du camp de Mugunga.

camps-zaireLe 26 octobre 1996, des militaires de l’AFDL/APR ont attaqué le camp de Katale à l’arme lourde, tuant plusieurs dizaines de réfugiés ainsi qu’un militaire zaïrois du Contingent zaïrois pour la sécurité des camps (CZSC). Ils ont également tué un nombre indéterminé de réfugiés à l’arme blanche. Le 31 octobre 1996, des militaires de l’AFDL/APR ont tué plusieurs centaines de réfugiés qui se trouvaient encore dans les camps de Kahindo et de Katale. Le Rapporteur spécial sur la question de la violation des droits de l’homme au Zaïre, M. Roberto Garretón, qui s’est rendu sur place quelques mois plus tard a estimé le nombre de victimes à 143 dans le camp de Katale et entre 100 et 200 dans celui de Kahindo.

Selon l’équipe du projet Maping, au moins 5.257 réfugiés ont été tués pendant les attaques menées contre les camps de Kibumba, Katale et Kahindo. Certains corps ont été découverts dans les latrines publiques. Les rescapés de ces massacres ont essayé de rallier les camps de Mugunga et du lac vert à travers le parc national des Virunga. Un nombre indéterminé d’entre eux a été tué au niveau des barrières établies entre le volcan Nyiragongo et le camp de Mugunga et dans des camps de fortune établis dans le parc national des Virunga. Ces tueries ont continué jusqu’en février 1997.

camps-zaire1Le camp de Mugunga, et ses environs, a été attaque le 14 novembre 1996. Un nombre indéterminé de réfugiés furent tués au cours du bombardement. Beaucoup de réfugiés ont tenté de fuir le camp en direction de Masisi. Les militaires de l’AFDL/APR positionnés sur les collines autour de Sake ont tué un grand nombre d’entre eux de manière indiscriminée, à l’arme lourde et à la mitrailleuse. Des centaines de corps de réfugiés ont été enterrés dans une fosse commune située dans la plantation de café de Madimba près de Sake.

Le 15 novembre 1996, des éléments de l’AFDL/APR sont entrés dans le camp et ont commencé à tuer de manière délibérée des réfugiés. Un journaliste qui est entré dans le camp le 16 novembre a dénombré 40 victimes tuées par balles et à l’arme blanche, parmi lesquelles des femmes, des enfants et deux bébés. Par ailleurs, un nombre indéterminé de réfugiés ont été tués entre Mugunga et la cité de Sake.

Entre le 15 et le 16 novembre 1996, des éléments de l’AFDL/APR ont arrêté un nombre indéterminé d’hommes hutu rwandais en provenance du camp du lac Vert et de Mugunga et les ont exécutés. Certains ont été ligotés puis jetés vivants dans le lac Vert où ils sont morts noyés. D’autres ont été exécutés d’une balle dans la tête et leurs corps ont été jetés dans le lac.

Les tueries dans les environs de Mugunga et du lac Vert ont continué pendant plusieurs semaines. Des rescapés ont raconté que les militaires de l’AFDL/APR les ont attaqués fin novembre 1996 alors qu’ils cherchaient à se faire rapatrier au Rwanda. Certains réfugiés qui sortaient du parc ont été regroupés puis exécutés.

Dès le 15 novembre 1996, les militaires de l’AFDL/APR se sont lancés à la poursuite des réfugiés rescapés qui fuyaient à travers le Masisi en direction de la cité de Walikale. Ils ont rattrapé et tués les éléments les moins rapides de la colonne, essentiellement des femmes, des enfants, des personnes âgées et des malades.

Le massacre des réfugiés rwandais par les armées de l’AFDL/APR vont continuer jusqu’en 1997. Ils seront poursuivis, traqués et tués à travers tout le Congo pendant plusieurs mois.

Marie Béatrice Umutesi

Source : Rapport du Projet Mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République démocratique du Congo Août 2010.