Le 30 août 2024, le président du Rwanda, Paul Kagame, a pris une série de décisions marquantes concernant l’état-major de l’armée rwandaise. Il a mis en retraite le Général Jean Bosco Kazura, ancien chef d’état-major des forces armées, ainsi que quatre autres généraux : Brigadier Général John Bagabo, Brigadier Général John Bosco Rutikanga, Brigadier Général Johnson Hodari, et Brigadier Général Firmin Bayingana. Ces retraites ont été officialisées par un communiqué du ministère de la Défense rwandais, qui a également annoncé la mise à la retraite de 170 autres militaires de haut rang et de 992 soldats de divers grades.
Ces décisions surviennent après une réunion stratégique tenue le 29 août 2024 à Kigali, au siège des forces armées rwandaises (RDF), entre le président Kagame et les hauts gradés de l’armée. Le même jour, le président Kagame a révoqué deux autres officiers supérieurs et a annulé les contrats de près de 200 autres militaires.
Qui est le Général Jean Bosco Kazura ?
Le Général Jean Bosco Kazura, 61 ans. Né au Burundi de parents réfugiés rwandais, Kazura a fait ses premières armes au sein des Forces du FPR-Inkotanyi, mouvement rebelle qui a pris le pouvoir en 1994.
Promu au grade de Général quatre étoiles en novembre 2019, Kazura a été nommé Chef d’État-Major Général des armées rwandaises, poste qu’il a occupé jusqu’en juin 2023. Cependant, après son limogeage de ce poste, aucune affectation précise ne lui avait été attribuée, laissant planer le doute sur sa position au sein de l’appareil militaire rwandais.
Outre ses responsabilités militaires, Kazura s’est également illustré sur la scène internationale en tant que chef adjoint de la mission de l’Union Africaine au Darfour et chef de la mission des Nations Unies au Mali (MINUSMA). Cependant, son nom est également associé à des accusations graves portées par certains observateurs et ONG concernant des crimes de guerre commis par les forces de la FPR pendant la guerre civile rwandaise. Le livre « In Praise of Blood » de Judi Rever mentionne son implication, bien que ces accusations soient vigoureusement rejetées par le gouvernement rwandais.
Son parcours académique est tout aussi remarquable, avec des diplômes en sciences sociales et en droit, obtenus en partie à l’Université de La Rochelle en France et à Ottawa au Canada. Kazura a également dirigé plusieurs institutions militaires au Rwanda, notamment les écoles de Gako et Gabiro, et a été conseiller principal du président Kagame en matière de sécurité.
En dehors de l’armée, Kazura a été président de la Fédération Rwandaise de Football (FERWAFA) de 2006 à 2011, période au cours de laquelle il a été brièvement emprisonné pour « insubordination » après avoir quitté le pays sans autorisation militaire pour assister à la Coupe du Monde de la FIFA en Afrique du Sud. Cette arrestation avait alimenté des rumeurs de tensions entre lui et le cercle restreint du pouvoir rwandais. Libéré après avoir présenté des excuses, Kazura avait par la suite retrouvé des fonctions de haut niveau au sein de l’armée, jusqu’à sa mise à la retraite en 2024.
Les Autres Généraux Concernés : Qui Sont-Ils ?
Les autres généraux mis à la retraite avec Kazura ont également des parcours notables :
- Brigadier Général John Bagabo : Ancien président de la Haute Cour Militaire, Bagabo a également été commissaire à la Commission de démobilisation et réinsertion des anciens combattants.
- Brigadier Général John Bosco Rutikanga : Commandant de la 204ème Brigade et ancien commandant des forces militaires dans la Province du Nord.
- Brigadier Général Johnson Hodari : Ancien commandant des forces dans les districts de Bugesera, Ngoma et Kirehe, puis à la tête de la 305ème Brigade opérant dans la région de Musanze et une partie de Burera.
Ces officiers ont été salués par le ministre de la Défense, Juvenal Marizamunda, pour leur contribution à la libération du pays et à son développement post-génocide. Toutefois, au-delà des hommages officiels, leur retraite forcée s’inscrit dans une série de purges militaires qui caractérisent le régime de Kagame, souvent justifiées par la nécessité de maintenir la discipline et de lutter contre la corruption.
Cependant, ces retraites ne sont pas exemptes de controverses. Le même jour, le Président Kagame a également limogé d’autres hauts responsables militaires, notamment le Général Major Martin Nzaramba et le Colonel Dr. Etienne Uwimana, ainsi que 19 autres officiers. Les raisons officielles avancées pour ces limogeages incluent des accusations de corruption et de mauvaise conduite, notamment contre le Général Nzaramba, qui aurait été accusé de détournement de fonds destinés aux soins des militaires. Néanmoins, ces justifications ont suscité des doutes chez certains observateurs, notamment en raison du fait que Nzaramba ne dirigeait plus le centre de formation militaire de Nasho depuis un certain temps. Certains soupçonnent donc qu’il pourrait y avoir des motifs politiques cachés derrière ces décisions.
Le Colonel Dr. Etienne Uwimana, qui était un médecin éminent à l’Hôpital militaire de Kanombe, a également été limogé pour des raisons similaires, bien que des sources internes à la RDF suggèrent que son renvoi pourrait être lié à un faux certificat médical qu’il aurait délivré pour permettre à Nzaramba d’éviter une affectation en République Démocratique du Congo.