L’analyse erronée du problème rwandais par la communauté internationale consiste à le limiter aux seules FDRL (Forces Démocratiques de Libération du Rwanda). C’est par ces mots que Joseph Bukeye, du parti FDU-Inkingi, a conclu son discours après avoir conduit une délégation qui a été reçue par les autorités de l’Union Européenne (UE) en charge du Rwanda et de la région des Grands-Lacs.
En effet, le 11/02/2015, au cours d’une manifestation devant les locaux de l’Union Européenne au Rond Point Schuman à Bruxelles (Belgique), les délégués des organisations politiques et de la société civile ont présenté un mémorandum à la Directrice de Desk Rwanda de l’UE accompagné de son collègue en charge de la région des Grands Lacs.
L’objet de la manifestation et du mémorandum était de solliciter l’intervention des autorités de l’UE afin de sauver la vie de plus de 245.000 réfugiés rwandais de l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC). Ceux-ci risquent d’être décimés par 1’opération militaire de démantèlement des FDRL par la Mission des Nations Unies pour la Stabilisation en République Démocratique du Congo (MONUSCO), assistée par sa Brigade d’intervention de la Force (FIB), selon l’agenda, à parti r du 2 janvier 2015. On rappelle que les FDLR sont constituées, selon les estimations de la MONUSCO, d’environs 1.000 à 1.500 combattants entremêlés avec la population civile congolaise et plus de 245.000 réfugiés rwandais non armés.
Par le passé, lors des guerres dites « Kimia I, Kimia II et Umoja Wetu menées contre les FDLR, un nombre incommensurable de victimes rwandaises non encore identifiées ni répertoriées ont péri. Quand les quelques rescapés de ces hécatombes racontent les horreurs vécues, l’on ne s’empêche pas de constater avec les experts internationaux qu’il s’agit bel et bien de « crimes contre l’humanité ».
Il est tout à fait légitime que les organisations ayant initié la manifestation soient profondément préoccupées par la sécurité de ces populations civiles congolaises et celle des réfugiés rwandais non armés surtout qu’à ce jour, la MONUSCO ne donne aucune indication claire sur la façon dont elle envisage leur protection.
Pour dire vrai, qu’est-ce qui empêche le retour volontaire des réfugiés rwandais dans leur pays ?
Les obstacles viennent des actions et décisions du gouvernement rwandais. Pour mettre sur place un climat propice au retour volontaire des réfugiés, il doit mettre fin à sa campagne de harcèlement et de divisionnisme au sein des réfugiés rwandais et s’atteler à créer les conditions propices à leur retour en toute sécurité. Ceci signifie l’élimination de tous les obstacles notamment: la cessation d’un régime policier, l’organisation d’un dialogue inter-rwandais hautement inclusif, la mise en place des institutions complètement indépendantes du pouvoir exécutif, le respect des droits de l’homme, le démantèlement de toutes les lois liberticides, l’ouverture de l’espace politique, garantie de la liberté d’expression et d’association ; et la libération inconditionnelle de tous les prisonniers politiques.
Mais ces conditions sont loin d’être réunies et se sont même empirées ces derniers mois. Il y a de nouveaux meurtres et disparitions de personnes qui continuent d’être signalés dans le pays. En effet, plusieurs familles au Rwanda continuent de rapporter la disparition de leurs proches, et les corps sans vie viennent d’être découverts flottants dans des rivières et des lacs, des charniers sont repérés dans certaines régions, y compris la capitale Kigali (près de la prison centrale).
Pour que le désarmement des FDLR se fasse en épargnant des vies des populations civiles, les organisations politiques et la société civile sont convaincues que la communauté internationale devrait être plus persuasive tout en offrant des garanties plutôt que d’user des mesures de coercition. Les problèmes rwandais sont si compliqués que seule une solution politique est la meilleure car les opérations militaires causeraient d’autres bains de sang comme prouvé dans le passé très récent sans garantie d’aboutir à une paix durable dans la région.
Gaspard Musabyimana
Bruxelles, 12/02/2015