Les oubliés du deuil !

Dans son article « Frères et sœurs, les oubliés du deuil », Sarah GANDILLOT écrit qu’il existe souvent des enfants ou des adultes qui perdent leurs proches et qui n’ont pas par la suite l’opportunité de faire le deuil. Ces personnes souffrent énormément en silence. Ils souffrent davantage lorsque la mort injuste de leur proche n’a pas été réellement considérée par la famille, la société ou par l’entourage.

Ce constat s’applique au contexte rwandais d’après 1994, où il existe jusqu’à présent, certains Rwandais qui ont perdu les leurs et pourtant qui n’arrivent pas à faire le deuil. C’est bien notre cas, les natifs de la Commune Giti, qui avons perdu nos proches en 1994 sans avoir droit, jusqu’à présent, à la récupération de leurs corps ni leur inhumation.

Le deul est, rappelons-le, un processus nécessaire de délivrance (nommé résilience) suite à un événement tragique vécu notamment la mort d’un proche.

Comment faire le deuil ?

Faire son deuil, c’est avant tout accepter et vivre cette souffrance qui nous accable. Ne pas la renier mais la ressentir, sans la fuir pour avancer avec elle et doucement s’en émanciper. Il faut éviter de se muer dans un silence ou chercher à garder pour soi tant de douleur éprouvée. C’est pourquoi il est conseillé de s’entourer, d’autant plus si vous ressentez le besoin de parler.

Il est important de comprendre ou de chercher à comprendre ce qui s’est réellement passé, avoir une certaine clarté sur les circonstances de la mort de vos proches. Dans les contextes de massacres collectifs ou de génocide, la justice doit être équitable pour toutes les victimes, sans exception. Cela offre à chacun les conditions favorables à la réalisation du deuil et c’est un passage obligé pour une vraie réconciliation.

Aider toute personne éprouvée :

Empêcher à une personne éprouvée de s’exprimer, d’évoquer la mort de son proche, c’est un crime parmi tant d’autres. J’ai récemment entendu, entre autres, un témoignage émouvant d’un jeune rwandais qui a perdu ses parents il y a environ 22 ans. Il connait les bourreaux mais ne peut oser les dénoncer (auprès de qui ????).

Ce jeune homme qui s’est réfugié dans l’alcoolisme ne peut pas organiser une quelconque cérémonie publique en mémoire de ses parents, de peur d’être réprimé. Il est très confus dans ses idées car ne connaissant pas réellement les circonstances de la mort de ses parents. Il est voué au silence et à la douleur perpétuelle. Il en veut à juste titre à la terre entière car personne ne vient à son secours.

D’autres cas similaires existent au Rwanda mais personne ne veut en parler car ce sont des sujets très sensibles. Pourtant ce sont des bombes à retardement. Si nous voulons construire un pays où chacun aura le plaisir de vivre, on doit éviter de bâtir sur des souffrances non dites, sur des conflits non extériorisés.

Il est donc du devoir de chacun d’apporter son soutien à son voisin (ou à toute autre personne) qui n’a pas pu faire le deuil, pour ainsi l’aider à exprimer cette douleur, cette souffrance. A l’heure actuelle, il ne faut plus rester prisonnier des haines ethniques ou des revanches sans fin. Les efforts individuels finiront par entraîner les efforts collectifs.

Faustin Kabanza