LO au Président français Emmanuel Macron à l’occasion de sa visite annoncée au Rwanda en 2021

Introduction de la Lettre

L’actualité en France sur le Rwanda est marquée par la sortie du rapport Duclert pointant « des responsabilités lourdes et accablantes » de la France dans la dérive ayant abouti au génocide des Tutsi en 1994. ». Un groupe de Français d’origine rwandaise et ressortissants rwandais a souhaité alerter les hommes politiques français ainsi que les principales parties prenantes en France souhaite sur la situation actuelle au Rwanda en 2021. 

Une Lettre Ouverte a été adressée au président français Emmanuel Macron pour l’informer de l’inquiétude du groupe « face à la dégradation de la situation politique et de l’absence de la Démocratie, de l’Etat de droit et du manque de respect des Droits Humains au Rwanda ».

Cette lettre s’inscrit dans le cadre d’une manifestation globale ayant eu lieu aux quatre coins du monde samedi dernier le 20 mars 2021 : au Canada, aux Etats-Unis, en Argentine, en Afrique du Sud, en Espagne, aux Pays-Bas, en Suisse, en Suède, au Norvège, au Danemark, en Allemagne, en Belgique, au Royaume-Uni et en France. En France les manifestations ont eu lieu à Lyon, à Strasbourg, à Mayotte et sur internet à Paris.

Si la manifestation à Paris n’a pas pu avoir lieu après annonce du confinement, le groupe a pu réunir en 72h, 120 personnes vivant dans 72 villes françaises pour manifester leur soutien en cosignant la Lettre Ouverte.  Les noms des personnes qui ont cosigné la lettre ne peuvent pas être divulgués car une partie de ces personnes ont peur de représailles sur leurs familles au Rwanda ou sur leurs propres personnes ici en France et ce d’autant plus que Emmanuel Macron soutient aveuglement le régime dictatorial, autoritaire et sanguinaire de Paul Kagame et son Front Patriotique Rwandais.

De lors la situation est d’autant préoccupante lorsque les citoyens français en viennent à vivre dans un climat de peur ici en France car une partie d’hommes politique français préfèrent fermer les yeux sur les violations des droits fondamentaux d’un régime « raciste » (apartheid mémoriel et ségrégation ethnique, « corrompu » (la richesse rwandaise appartient aux oligarques du FPR) et « violent » (exécutions extra-judiciaires, Mapping Report) » du « président tutsi Paul Kagame ». C’est ce que pourra dire le « rapport Duclert 2 » qui analysera la politique de Macron au Rwanda.

Emmanuel Macron reproche à Mitterrand ce que lui même fait à savoir : fermer les yeux pour garder intact son amitié avec Paul Kagame. A quand le rapport Duclert 2?

Il est du devoir du groupe d’alerter Emmanuel Macron, le Quai d’Orsay, les parlementaires, les sénateurs, les ambassades, tous les bailleurs de fond du régime de Paul Kagame et tous les organismes pouvant agir afin d’éviter que le pire ne continue de se reproduire au Rwanda.

Lettre Ouverte au Président français Emmanuel Macron à l’occasion de sa visite annoncée au Rwanda en 2021

Monsieur le Président de la République,

Nous avons l’honneur, Monsieur le Président, de nous adresser à vous afin de vous interpeller sur la situation préoccupante des droits de l’Homme au Rwanda, avant votre visite dans le pays annoncée entre avril et mai 2021 selon Jeune Afrique[1].

Nous sommes un groupe de Français d’origine rwandaise et ressortissants rwandais inquiets face à la dégradation de la situation politique et de l’absence de la Démocratie, de l’Etat de droit et du manque de respect des Droits Humains au Rwanda.

C’est avec des sentiments mitigés que nous accueillons votre visite au Rwanda. Nous ne pouvons que nous réjouir des bonnes relations entre la France et le Rwanda. Néanmoins, nous sommes préoccupés par la realpolitik ignorant les violations des droits fondamentaux, au risque de porter préjudice au peuple rwandais.

Nos préoccupations sont les disparitions, les emprisonnements arbitraires, les assassinats politiques et les exécutions extrajudiciaires qui deviennent de plus en plus fréquents et alarmants au Rwanda.

Le cas que nous souhaitons vous parler en premier est très inquiétant et est l’élément déclencheur de notre mobilisation. C’est le cas d’une mère isolée de 4 enfants, rescapée du génocide et aujourd’hui incarcérée pour avoir dit la vérité et exprimé publiquement son opinion sur sa chaîne YouTube. Elle s’appelle Madame IDAMANGE IRYAMUGWIZA Yvonne. Dans sa prise de parole elle a dénoncé :

  • La mort par la faim d’une grande partie de rwandais confinés dans leurs maisons, dans le contexte du covid-19, par un système de copier/coller des mesures occidentales qui, hélas, n’accorde aucune aide compensatoire.
  • La dégradation du système éducatif dont les victimes sont les enfants des classes moyennes et pauvres.
  • L’abandon des rescapés à leur sort, rappelant qu’elle est rescapée elle-même. Elle en déduisait une sorte d’instrumentalisation du génocide par le gouvernement rwandais qui obtient des fonds et des aides au nom des victimes.

Madame IDAMANGE est actuellement détenue par le Rwanda Investigation Bureau (RIB) qui l’accuse d’incitation au trouble à l’ordre public et du non-respect des mémoriaux de génocide.

Madame IDAMANGE IRYAMUGWIZA Yvonne 

L’autre cas récent est celui de Paul RUSESABAGINA, qui a acquis la nationalité belge. Ce héros du génocide dont l’histoire a inspiré le film Hôtel Rwanda pour avoir sauvé plus de 1200 Tutsi, devenu opposant au régime du FPR dont il critique les exactions, a été kidnappé. Enlevé à Dubaï par les autorités rwandaises à l’aide d’un jet privé le 27 août 2020, il s’est réveillé à Kigali où il est actuellement détenu. Dans sa Résolution du 11 février 2021, le Parlement Européen, dont la France est membre, a dénoncé et condamné ce kidnapping.

Troisième cas, celui de Kizito MIHIGO, chanteur-compositeur chrétien. Sa mort est survenue le 17 février 2020 dans un cachot de la police où il était détenu depuis 3 jours. Selon la police il se serait « suicidé » dans sa cellule. Le gouvernement rwandais reste sourd aux nombreux appels d’organismes internationaux des Droits de l’Homme[2] réclamant une enquête indépendante. Les morts suspectes dans les geôles rwandaises, souvent qualifiées de « suicide », sont très fréquentes.

A ces cas nous ajoutons quelques chiffres relevés portant uniquement sur la période 2019 et 2020 pour illustrer la situation, veuillez trouver ci-après :

  • 102[3] personnes ont été victimes des exécutions extrajudiciaires par l’un des nombreux organes qui composent les forces de l’ordre rwandaises.
  • 23 prisonniers politiques tels que Déogratias MUSHAYIDI, Dr Théoneste NIYITEGEKA, Theophille Ntirutwa ou Phocas Ndayizera sont incarcérés dans différentes prisons du Rwanda.
  • 14 personnes, en grande majorité des jeunes, sont portées disparues. La dernière victime est le jeune poète Innocent BAHATI qui dénonçait au travers de son art la mauvaise gestion du pays. On ne l’a plus revu depuis le 7 février 2021, jour où il était parti à un rendez-vous dans le sud du Rwanda. Sa famille ignore le lieu de sa détention.

Ces chiffres non-exhaustifs sont documentés, mais ne reflètent pas malheureusement la réalité du terrain. Beaucoup de rwandais terrassés par la peur n’osent pas parler.

Le cas de Kizito MIHIGO, fondateur de l’Association Kizito Mihigo pour la Paix, est le reflet majeur de l’injustice subie par le peuple rwandais, en particulier les rescapés du Génocide perpétré au Rwanda contre les Tutsi en 1994. Kizito prônait la paix, l’unité et la réconciliation des Rwandais. C’est le message de l’une de ses chansons « Igisobanuro cy’urupfu » (L’explication de la mort), laquelle chanson a été le motif de son arrestation en 2014. Il dénonçait toute sorte de crimes et condamnait la ségrégation mémorielle et ethnique au Rwanda.

Permettez-nous, Monsieur le Président, de vous remettre le livre posthume de Kizito MIHIGO dont le titre, « Rwanda : embrasser la Réconciliation pour vivre en Paix et mourir Heureux » et celui de Judi REVER, journaliste Canadienne, portant le titre « Rwanda, l’éloge du sang ». Livre d’investigation sur les crimes du FPR.

A la lecture de ces ouvrages, vous en apprendrez davantage, avant votre rencontre avec votre homologue rwandais, sur la réalité non édulcorée que vit globalement le peuple rwandais et particulièrement le chemin de croix traversé par Kizito.

Comme l’ont fait 29 députés de la République française dans leur courrier de soutien au Dr Denis MUKWEGE daté du 25 novembre 2020, nous souhaitons également, Monsieur le Président, demander que la France soutienne la création d’un Tribunal Pénal International pour les crimes répertoriés dans le Mapping Report et la lutte contre l’impunité dans la région des grands lacs.

Le 12 octobre 2018[4] , en confiant la Francophonie à Madame Louise MUSHIKIWABO, vous avez fait le pari que cette nomination allait changer et transformer le Rwanda. Vous avez déclaré : « Je ne fais pas partie de celles et ceux qui pensent qu’il faut ….faire des mauvais compromis sur les sujets des Droits de l’Homme ».

Monsieur le Président, en vous alertant, notre démarche a pour but de vous permettre d’atteindre le noble objectif que vous êtes assigné à cette occasion. C’est pour cela que nous vous demandons, lors de votre visite, d’user de tous les moyens en votre possession pour que Madame IDAMANGE recouvre sa liberté et puisse s’occuper de ses enfants. De façon plus générale ce sera, nous osons l’espérer, l’occasion de vous entretenir avec votre homologue sur les Droits Humains et les valeurs fondamentales d’une démocratie.

Au-delà de cette Lettre Ouverte, Monsieur le Président, notre délégation est disponible pour vous rencontrer en vue d’un échange davantage édifiant. Nous vous prions de croire, Monsieur le président de la République, à l’assurance de notre plus haute considération.

Signataires :

En leur qualité des porte-paroles l’initiative Idamange France

Marie Goretti Byukusenge         Mutimukeye Constance          Patrick Nkubana