Le 15 juillet 2024, le Rwanda a organisé des élections présidentielles, où le président Paul Kagame a remporté une victoire écrasante avec plus de 99 % des voix. Le scrutin législatif, qui s’est tenu parallèlement, a également vu le triomphe du Front Patriotique Rwandais (FPR) et des partis alliés, consolidant leur contrôle sur la Chambre des députés. Le 16 août 2024, le Bureau du Premier ministre a annoncé la formation d’un nouveau gouvernement composé de 21 ministres et de 9 secrétaires d’État. Cette nouvelle composition suscite des questions sur la direction politique du pays, la diversité des voix au sein du gouvernement, et les perspectives de gouvernance sous le leadership de Paul Kagame.
Composition du nouveau gouvernement : continuité ou changement ?
La nouvelle équipe gouvernementale comprend plusieurs ministres qui occupaient déjà des postes dans le cabinet précédent. Cependant, quelques changements notables sont à signaler, notamment dans les ministères des Sports, du Commerce et de l’Industrie, ainsi que dans celui de la Fonction publique et du Travail. Ces remaniements semblent plus être des ajustements que de véritables changements, car la plupart des anciens membres ont conservé leurs portefeuilles.
Christine Nkulikiyinka, nommée ministre de la Fonction publique et du Travail, est l’une des nouvelles figures du gouvernement. Née en 1965 à Kigali, elle a fait ses études en Allemagne et possède une solide expérience diplomatique, ayant représenté le Rwanda dans plusieurs pays européens. Sa nomination pourrait signaler une volonté d’apporter une expertise internationale dans la gestion de la fonction publique rwandaise, bien que cela reste à démontrer dans les faits.
Un autre nouveau venu est Prudence Sebahizi, nommé ministre du Commerce et de l’Industrie. Économiste de formation, il a acquis une expérience considérable au sein du Secrétariat de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) et à la Commission de l’Union africaine. Son profil international pourrait être un atout pour le Rwanda dans ses ambitions commerciales sur le continent, mais la question demeure quant à sa capacité à répondre aux défis internes du secteur commercial et industriel rwandais.
Le nouveau ministre des Sports, Richard Nyirishema, est une figure bien connue du sport rwandais, ayant occupé divers postes au sein de la Fédération de basketball du Rwanda (FERWABA). Sa nomination semble indiquer une volonté de renforcer la place du sport dans la société rwandaise, bien que la continuité de son engagement envers les infrastructures sportives et les athlètes reste une préoccupation majeure.
Absence de diversité et continuité du pouvoir : un gouvernement monolithique ?
Un aspect notable de ce remaniement est l’absence de membres de l’opposition dans la nouvelle composition gouvernementale. Tous les ministres et secrétaires d’État nommés sont des alliés fidèles du président Kagame, renforçant l’image d’un gouvernement monolithique. Cette absence de diversité politique est un sujet de préoccupation, car elle reflète un manque de représentativité et de pluralité des voix au sein de l’exécutif rwandais.
La formation de ce gouvernement intervient dans un contexte où plusieurs figures de l’opposition, telles que Victoire Ingabire, Bernard Ntaganda et Diane Rwigara, ont été empêchées de se présenter à l’élection présidentielle. Ces exclusions ont été perçues comme une tentative de restreindre la compétition politique et de s’assurer que Paul Kagame reste pratiquement sans opposition. De plus, lors des élections législatives, un seul candidat indépendant a été autorisé à se présenter, tandis que de nombreux autres ont été disqualifiés. Ce manque de diversité politique dans les processus électoraux et au sein du gouvernement soulève des questions sur la véritable nature de la démocratie au Rwanda.
Le processus électoral : un système à réformer ?
Le système électoral rwandais est également critiqué pour sa nature centralisée et le mode de scrutin qui favorise les partis politiques plutôt que les individus. En effet, les élections législatives au Rwanda se déroulent sur la base de listes de partis, plutôt que sur une base individuelle. Ce système empêche les électeurs de choisir directement leurs représentants, ce qui crée un décalage entre les députés et les citoyens qu’ils sont censés représenter.
Dans les zones rurales du Rwanda, de nombreux citoyens ne connaissent pas leurs représentants au Parlement, en grande partie parce que ces derniers vivent et travaillent principalement à Kigali, loin des réalités locales. Ce manque de proximité entre les élus et les électeurs contribue à l’idée que les députés sont plus redevables à leurs partis qu’aux citoyens. Ainsi, les députés rwandais sont souvent perçus comme étant plus enclins à suivre les directives de leurs partis, en particulier celles du FPR, plutôt qu’à défendre les intérêts de leurs électeurs.
Un paysage politique verrouillé : quel avenir pour l’opposition ?
La nouvelle composition du gouvernement rwandais, dominée par les fidèles du président Kagame, pose également la question de l’avenir de l’opposition politique au Rwanda. L’exclusion systématique des voix dissidentes du processus politique est un indicateur inquiétant de la concentration du pouvoir. Malgré les déclarations officielles sur la nécessité d’une gouvernance inclusive, la réalité sur le terrain montre une marginalisation continue de l’opposition et une absence de débat pluraliste au sein du gouvernement.
Cette situation pourrait avoir des conséquences sur la stabilité politique du pays à long terme. En effet, l’absence de véritable opposition au sein du gouvernement pourrait limiter la capacité du régime à s’adapter aux besoins et aux préoccupations de la population. De plus, l’absence de mécanismes de contrôle et d’équilibre au sein de l’exécutif pourrait conduire à une gouvernance de plus en plus autocratique.