RDC-Rwanda : embarras de la Belgique face à la nouvelle guerre au Nord-Kivu

Depuis mai 2012, le Nord- Kivu est de nouveau déchiré par une guerre initiée par une rébellion qui s’est donnée le nom de M23 mais qui est la résurgence de l’ancienne rébellion du CNDP dont les éléments avaient été intégrés dans l’armée congolaise en 2009. Ces « rebelles » sont des Tutsi ayant acquis la nationalité congolaise mais qui se considèrent obstinément comme « rwandais » sous prétexte qu’ils sont tutsi (ethnie au pouvoir au Rwanda depuis 1994) et rwandophones.

Dès l’éclatement de cette nouvelle guerre dont les populations du Nord-Kivu font les frais, plusieurs observateurs dont des ONG très connues comme Human Right Watch ou Amnesty International ont tiré la sonnette d’alarme en disant que cette nouvelle guerre est l’œuvre du Rwanda de Paul Kagame. La force des Nations-Unies en RDC, connue sous le nom de MONUSCO, a abondé dans ce sens. Et pour couronner le tout, des experts mandatés par l’ONU ont produit un rapport prouvant l’implication du régime de Kigali dans la création, l’entrainement et l’envoi en RDC des rebelles dits « M23 » et du soutien dont ils bénéficient de la part du gouvernement de Kigali.

En réaction, plusieurs gouvernements parmi lesquels les alliés traditionnels et inconditionnels du régime du FPR, ceux-là même qui l’ont amené sur les fonts baptismaux, comme les Etats-Unies et la Grande Bretagne, ont annoncé avoir suspendu leurs aides financières, certes symboliques, au gouvernement de Kigali.

Et la Belgique dans tout cela ?

L’on se souviendra que la Belgique fut la puissance coloniale du Congo jusqu’à son indépendance le 30 juin 1960, et qu’elle a administré le Rwanda sous mandat de l’ONU depuis 1919 jusqu’à l’indépendance de ce territoire le 01 juillet 1962. Il est donc évident, et dans l’ordre des choses, que le Royaume de Belgique ait quelques intérêts dans cette régions et qu’elle possède une connaissance supérieure à celle que pourrait avoir un autre pays sur ces pays. Paradoxalement, au moment où des pays qui ont une expertise approximative, en tout cas pas comparable à celle de la Belgique en ce qui concerne ces pays, la Belgique officielle reste muette. Comment comprendre et expliquer ce mutisme de la Belgique sur un sujet dont pourtant elle maitrise les contours ?

Tous les milieux politiques belges sont embarrassés !

L’on se souviendra que dès l’agression du Rwanda le 01 octobre 1990 par les éléments d’origine rwandaise de l’armée régulière de l’Ouganda, la Belgique a servi de plate-forme des assaillants pour se présenter à l’opinion publique comme des combattants « de la liberté et de la démocratie » et en même temps diaboliser le régime en place à Kigali. La presse tant écrite que audio- visuelle leur fut ouverte, alors que les points de vue du gouvernement légitime étaient soit occultés soit superbement dénigrés. Nous avons en mémoire que même le gouvernement belge est allé jusqu’à renier les engagements qu’il avait pris auparavant à savoir le refus de livrer le matériel militaire commandé et dûment payé par le Rwanda avant le 01 octobre 1990. Pendant toute la guerre de conquête du Rwanda par les Tutsi venus d’Ouganda, le soutien des milieux belges de la droite libérale, sous la houlette d’abord de Jean Gol puis de Louis Michel, fut permanent et décisif quant à la victoire du FPR. L’on se souviendra aussi qu’une certaine presse belge fut au premier plan pour transformer l’opération de démantèlement des camps des réfugiés hutu à l’Est du Zaïre à une croisade pour renverser le Maréchal Mobutu par les troupes de Paul Kagame commandées par James Kabarebe qui deviendra après la prise de Kinshasa « Chef d’Etat-Major de l’Armée Congolaise » en passant sur des milliers de cadavres rwandais et congolais. L’on se souviendra enfin que Monsieur Louis Michel était Ministre des Affaires Etrangères du gouvernement belge et qu’il a été le premier à promouvoir et à soutenir l’obscur et illustre inconnu Joseph Kabila pour succéder à Laurent Désiré Kabila qui venait d’être assassiné dans ses bureaux en janvier 2001.

Le dilemme belge

La Belgique, qui avait soutenu Paul Kagame et qui a tout fait pour que Joseph Kabila affermisse son pouvoir, est confrontée à un dilemme cornélien. Ces deux créatures ne sont plus en harmonie et même le « petit » de Kinshasa à osé reprocher ouvertement l’agression de son pays par le « grand Kagame ». Maintenant, tout le tissu qu’avaient confectionné Jean Gol, Louis Michel et actuellement Didier Renders, se trouve très fragilisé dès lors que leurs créatures sont en conflit.

Ceci explique peut-être le silence assourdissant de la Belgique au sujet de cette Nième crise à l’Est de la RDC dont tout le monde sait qu’il est initiée par le régime de Paul Kagame du Rwanda.

Emmanuel Neretse

07/08/2012

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