Risque d’expulsion par le Niger de 8 Rwandais acquittés ou libérés par le Mécanisme Résiduel du TPIR

Invité : Maître John Philpot, interrogé par JMV Ndagijimana.

Résumé : Le 15 novembre 2021 à Niamey, le Gouvernement de la République du Niger, représenté par son Ministre des Affaires Étrangères et de la Coopération, et l’Organisation des Nations Unies, ont signé un accord relatif à la réinstallation en République du Niger de personnes libérées ou acquittées par le Tribunal Pénal International pour le Rwanda ou le Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des tribunaux pénaux.

Cet accord concerne des citoyens rwandais sous protection des Nations unies, à savoir Messieurs Jérôme-Clément Bicamumpaka, Prosper Mugiraneza, Tharcisse Muvunyi, Anatole Nsengiyumva, André Ntagerura, Alphonse Nteziryayo, François-Xavier Nzuwonerneye, Innocent Sagahutu et Protais Zigiranyirazo.

Pour raisons médicales, Monsieur Jérôme-Clement Bicamumpaka est resté à Arusha, République-Unie de Tanzanie.

Les acquittés par jugement du TPIR sont Zigiranyirazo Protais, Ntagerura André, Nzuwonemeye François Xavier, Mugiraneza Prosper, et Bicamumpaka Jérôme.

Ceux qui ont été libérés à l’issue de l’exécution de leurs peines sont, Nteziryayo Alphonse, Muvunyi Tharcisse, Nsengiyumva Anatole, et Sagahutu Innocent.

Ces personnes n’ayant pas souhaité être rapatriées au Rwanda où leur sécurité serait menacée, c’est dans ce cadre que l’ONU a conclu un accord avec la République du Niger.

Dans l’article 11 de cet accord, il est stipulé que tout différend ou controverse ou litige découlant de cet accord seront réglés par négociation par un moyen mutuellement convenu.

En dépit de ce bouclier protecteur, un arrêté ministériel signé par Monsieur Mamadou Adamou Souley, Ministre de l’Intérieur de la République du Niger, a brusquement signifié leur expulsion à ces citoyens rwandais sous protection des Nations unies, avec interdiction permanente de séjour, en invoquant des raisons diplomatiques, sans autre motif ni base de cette décision.

Cette expulsion surprise constitue une violation flagrante de l’Accord susmentionné entre le Gouvernement de la République du Niger représenté par son Ministre des Affaires Étrangères et de la Coopération, et l’Organisation des Nations Unies. L’accord du 15 novembre 2021 engage le Niger et les Nations unies dans la responsabilité de protection de ces personnes.

Dans le respect de la personne humaine énoncé par la Déclaration Universelle des droits humains et les pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques, ces personnes acquittées ou libérées après l’exécution de leur peine doivent être protégées comme tout autre citoyen réfugié ou déplacé à cause de l’insécurité sur leur personne dans les pays d’origine.

En leur ôtant le statut de résident permanent et en refusant de conférer aux personnes libérées ou acquittées auxquelles la République du Niger les a reconnus conformément à l’article 5 de l’accord, le Ministre nigérien de l’Intérieur engage la responsabilité de son État dans l’irrespect des conventions signées entre des institutions étatiques et des institutions internationales.

Il est important de rappeler qu’aux termes de l’article 7, alinéa 2 dudit accord « La République du Niger n’extrade ni ne remet de quelque autre manière les personnes libérées ou acquittées à la République du Rwanda ou à tout autre État afin qu’elles soient jugées à raison de faits qui seraient constitutifs de violations graves du droit international humanitaire au sens du Statut du TPIR ou du Mécanisme pour lesquels elles ont déjà été jugées par le TPIR ou le Mécanisme».

Afin de mieux saisir le contexte et la portée de cette décision nigérienne, la Voix des Grands Lacs a invité Me John Philpot, avocat de l’une des personnes menacées d’expulsion par le gouvernement nigérien.