RWANDA : Karasira, enfin arrêté !

Aimable Karasira

Par RUGEMINTWAZA Erasme

Un homme d’un courage exceptionnel, un vrai révolutionnaire, vient de s’ajouter sur la longue liste de ceux qui ont poussé très loin leur témérité de parler, d’avoir et de voir d’un œil diffèrent que le l’homme fort de Kigali, d’avoir une voix  qui sonne discordante dans les oreilles du régime du FPR-Inkatanyi. Il s’agit de Karasira Aimable, Tutsi rescapé du Génocide rwandais qui a préféré le YouTube comme la seule voie de faire entendre sa voix, le seul moyen de chasser le spectre qui le hante et ainsi se défaire d’une angoisse qui le ronge. Devenu orphelin de la guerre civile qui ravagea le Rwanda, il a été continuellement blessé par le régime du FPR jusqu’au licenciement au travail qu’il occupait pour sa survie et celle de son frère handicapé par cette folie fratricide. Dimanche passé, le 30 mai 2021, sur sa chaîne YouTube, « Ukuri Mbona » qu’on peut littéralement traduire de « La vérité que je vois », une chaîne très prisée, il a enfin tire sa dernière cartouche aux pétitionnaires qui réclament sa tête. Qu’est ce que Karasira Aimable a-t-il dit jusqu’à devenir une «  bête noire » qu’il faut à tout pris abattre? De quoi est-il accusé? 

Il n’est pas le premier et jamais le dernier rwandais d’être arrêté pour le faire taire, le ridiculiser et par là le ruiner. Il n’est pas non plus ni le premier ni le dernier rescapé Tutsi à prendre le risque de dire que les soldats du FPR ont commis des massacres, et ainsi déchanter les sacro-saints « libérateurs » des Tutsi. Mais pourquoi prendre un tel risque? La réponse est très simple : Trop c’est trop! Et le silence profite au prévenu! C’est ainsi que Karasira Aimable était depuis quelques temps dans la ligne de mire du régime du  FPR qui depuis son avènement à Kigali atteste une volonté ferme de museler toute voix « dissidente ». Les séquestrations tant corporelles que morales, les violences, arrestations arbitraires condamnations truquées constituent le lot quotidien des rwandais. Beaucoup de rwandais, ont vu leur image ternie par le régime de Paul Kagame. D’aucuns ont fermé la bouche, d’autres les portes de leurs demeures et d’autres se sont vus forcés de quitter leur douce terre, de fuir leur douce patrie qu’ils croyaient pourtant servir en disant la vérité! Karasira Aimable est  parmi ces courageux fils du Rwanda qui n’a pas voulu fermer la bouche. Car il sait que seule la vérité guérira ce pays.

Ce matin du 31/05/2021, Karasira a répondu avec dignité, à la convocation de l’Office Rwandais d’Investigation (désormais RIB), mais il a tenu à rappeler qu’avant d’être interpellé, il y a eu un forte campagne  dans les journaux pro-gouvernementaux, pour intoxiquer le public. C’est toujours une étape ultime pour éliminer qui on ne veut, comme l’adage « Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage » le souligne. Car en fait, il y a une forte campagne par un groupe qui se dit « Umurinzi Initiative » qui demande l’adhesion à la pétition lancée à l’internet, qui réclame l’arrestation de Karasira Aimable et Nkusi Uwimamna Agnès de la chaine «Umurabyo». Mais RIB annonce que l’arrestation de Karasira n’a aucun rapport avec cette pétition. Sur son compte tweeter, le RIB dit que Karasira est arrêté pour « le négationniste et révisionnisme du génocide contre les Tutsi de 1994 ainsi que le  divisionnisme », crimes qui auraient été commis dans les émissions via YouTube. 

Karasira accuse les soldats du FPR d’avoir tué ses parents

Karasira, est un informaticien de formation, qui était aussi professeur à l’Université du Rwanda, il choisit le Youtube comme une voie de bien passer ses idées, mais ceci  lui coûta son travail de professeur à l’Université du Rwanda en Aout 2020. Mais l’alibi official de son licenciement fut que sa conduite et mœurs étaient contraires aux valeurs de l’université et ainsi  incompatibles avec son job de professeur.

Dans son émission du dimanche le 30/05/2021, Karasira, en parlant da sa vie, a révélé qu’il était l’aîné d’une famille de quatre enfants, de parents Tutsi, né au Sud du pays pour grandir à Kigali. Il a  dit que pendant la confrontation entre l’APR et les FAR, une bombe lancée par l’APR,  s’est écrasée chez eux à Nyamirambo tuant sur le champ son frère. Quant à sa mère, son père et sa sœur, ils ont été massacrés par les soldats du FPR. Il raconta  ce qui se passa pour sa maman  qui travaillait travaillait dans Médecins Sans Frontières à Ririma (Bugesera). “Quelqu’un m’a dit: ’quand les soldats du FPR amenait les gens suspectes d’être les génocidaires Interahamwe, votre maman a parlé aux blancs, pour leur signifiait qu’il y a des massacres en cours. Depuis nous avons appris que ta famille a été massacrée»

Karasira n’est ni le premier, ni le dernier a accuse les soldats du FPR d’avoir massacre les siens. A Rulindo tres recemment, les paysans on candidement dit la meme chose quand les corps des leurs furent fortuitement deterres. A Byumba, Shyaka Gilbert parle de 40 membres de la famille massacrés par le FPR. Sur toutes les milles collines du pays les hecatombes dorment silencieusement, mais un jour elles parleront. Karasira ne fait que donner un petit détail de ce que Kagame lui-même a, à deux reprises, accepté. Le mois de mars passé, Kagame déclara dans l’interview avec Evgeny Lebedev ”OK, il ya beaucoup de Hutus qui sont morts. Mais ils ne sont pas morts comme une conséquence d’être pourchassés de ce qu’ils sont”. Dans la plus récente interview avec le Jeune Afrique, le 25 mai 2021, Kagame déclara, après le rugissement de tout le peuple congolais qui l’avait pris pour un négationniste des massacres des congolais relatés dans le fameux « Rapport Mapping »: « De nombreuses personnes sont mortes au Rwanda et au Congo, il n’y a aucun doute là-dessus ». 

Une double déception!

L’ONU a bien soutenu qu’au Rwanda il y a eu le Génocide contre les Tutsi, mais quelques rwandais dont Karasira affirment bel est bien qu’il y a l’autre face du génocide, massacres à grande échelle commis par le FPR-Inkotanyi, avant pendant et après 1994.

Ce sont ces autres massacres qui constituent un sujet tabou au Rwanda. Essayer d’en parler, c’est franchir la ligne rouge tracee par le regime de Kigali. Le sujet est pourtant un secret de polichinelle!

Le Mozart rwandais, Kizito Mihigo, mort dans sa cellule de cachot de police, dans un livre posthume, a précisé qu’avoir osé parler de ces massacres dans une chanson “Igisobanuro cy’urupfu” (La signification de la mort”), est la seule cause de son emprisonnement. Karasira a révélé,  ce dimanche fatal, qu’après le génocide, il n’a pas profité des avantages divers donnés aux rescapés du génocide comme les frais de scolarité, parce qu’”ils savaient que ses parents ont été tués par les soldats du FPR».

Karasira continue en disant qu’il vit avec son petit frère sujet d’un traumatisme psychologique, et confirme qu’il vit lui aussi, avec une angoisse irascible. Il a raconté qu’en arrivant au campus de l’Université du Rwanda, il n’a pas aimé les rescapes du  génocide par ce que « Dans l’Université ils ont créé des fausses informations que je suis le fils du génocidaire comme Karamira Frodouard, les autres disaient que je suis le fils de Bucyana Martin président [du parti génocidaire Ndlr] de la CDR, pour me faire  haïr, et pour en fait masquer ce que le FPR  a fait pour ma famille ». «Ceci m’a appris une bonne leçon de n’avoir aucune préférence ethnique pour que je puisse dire par exemple que ou tous les Tutsi ou tous le Hutu sont méchants », ajouta-t-il. Car en fait, les génocidaires Interahamwe ont massacrés beaucoup de membres de sa famille tutsie au sud du Rwanda et les soldats du FPR,Tutsi, ont tué ses parents, Tutsi comme eux!

Karasira dit que ses idées lui ont attiré beaucoup  d’ennuis et d’ennemis depuis 2010, qu’il a été interpellé à maintes reprises par le RIB, et qu’on lui a confisqué ses droits de citoyens comme celui d’avoir un passez-port. Il tire une conclusion importante: « Le Rwanda est un pays qui a une ségrégation, celui qui  n’épouse pas les idées du gouvernement est automatiquement mis à l’écart. Et moi je ne peux épouser leurs idées car je suis victime de deux côtés (Hutu et Tutsi. Ndlr) ».Il ajoute «  Eux, ils sont victimes d’un seul côté, et se prennent pour innocents  en jetant l’autre côté dans  l’enfer » 

Karasira a bravé tout avertissement et a préféré nager à contre courant. car avant de répondre à la convocation de RIB, pour être enfin incarcéré dans le cachot, il avait reçu « un avertissement  de cesser de parler sur le génocide »

Pour le Prof Kananura, professeur d’universités et politologue, l’arrestation de Karasira n’est sans aucun doute qu’une bonne façon de faire taire  toute déclaration sur ce qui s’est réellement passé.au Rwanda. Karasira est actuellement dans le cachot de la police de Kicukiro, il a refusé toute assistance d’un avocat. Toutefois les think-tanks des droits peuvent l’assister et lui trouver un avocat dans un proces qui naturellement devrait être simple, si l’appareil judiciaire était libre.

Conclusion

L’arrestation de Karasira est, sans ambages, une goutte d’eau puisée dans un océan. L’on sait bien la situation dans laquelle vit d’opposition au Rwanda, combien la presse est muselée, en un mot combien les droits de l’homme sont violés par le régime de Kagame. L’on sait surtout la force combien musclée du régime de Kagame pour traquer toute voix dissidente : les arrestations arbitraires, intimidations, les séquestrations, emprisonnement, les assassinats constituent le lot quotidien des rwandais. Où est Kizito Mihigo? Où est le jeune talentueux poète Innocent Bahati? Où sont les frères de Ntamuhanga? Où est Yvonne Idamange? Pour ne parler que d’eux, simples citoyens? Le Rwanda devient de plus en plus une prison pour toute personne qui ose parler, un cimetière béant et affamé! Chaque année, l’Examen Périodique Universel (EPU), en matières des droits de l’homme fait des remarques et critiques acerbes des horreurs du régime de Kagame dans ce domaine. Mais cela ne change rien. A nous, alors rwandaises et rwandais de prendre en main le destin de notre pays et de le faire sortir de griffes de l’oppresseur. Et surtout, n’attendons pas demain!