RWANDA : Le COVID-19 rend Kigali une ville morte!

Par RUGEMINTWAZA Erasme

Kigali, la Capitale  resplendissante du Rwanda est depuis le 17  juillet 2021, une  ville presque morte. Des petites routes qui serpentent même ses bas-fonds, aux grandes altères qui d’ordinaires sont bombées, la ville est bien déserte plutôt quadrillée par tous les organes de sécurités. Les check-points sont dressés ici et là pour ne pas laisser les gens aller flâner sans  sérieuses causes. Et la population est docile! Mais jusques à quand?

A l’attente de tout le monde, le Rwanda a, une nouvelle fois, décrété  le confinement de la capitale Kigali, à partir de samedi le 17 jusqu’au 26 juillet 2021, pour essayer de freine la flambée de la prévalence de Covid-19 enregistrée ces dernières semaines. « Les citoyens sont invités à réduire considérablement les interactions sociales et à limiter les déplacements aux seuls services essentiels« , a annoncé le gouvernement rwandais dans un communiqué diffusé le 14 juillet 2021. « Les mouvements et visites hors du domicile sont interdits sauf pour les services essentiels comme la santé, l’achat de nourriture, les banques » continue le texte. C’est le «Guma mu rugo» («Reste à la maison»), mot qui fait pousser la chaire de poule à des milliers de familles rwandaises, qui même dans les conditions normalement anormales ne mangent qu’une seule fois par jour, et ce, après avoir rendu des travaux manuels en dehors de leurs ménages. Les 10 jours d’espoir de diminution de la flambée de Covid-19 pour l’Etat, 10 jours macabres pour beaucoup de familles qui dépendent du secteur informel, et même formel, car seuls les services et points d’approvisionnement alimentaire, médical et financier sont permis d’ouvrir!

La ville est mise en quarantaine humaine vis-à-vis d’autres provinces sauf pour les approvisionnements alimentaires. Mais le Conseil du gouvernement n’osa pas toucher sur les hautes affaires du FPR car les arrivées et départs à l’aéroport de Kigali sont toutefois maintenus, ainsi que les activités touristiques, dans le respect des protocoles sanitaires en vigueur.

Tout cela est dû à la nouvelle flambée des cas de contamination au Covid-19, l’émergence de nouvelles souches du virus comme la souche Delta et l’augmentation des décès liés au coronavirus. C’est la troisième vague la plus meurtrière que jamais. En voici l’aperçu en chiffres.

Les chiffres qui justifient le confinement. 

Depuis le début de ce mois de juillet 2021, la flambée des cas de contamination ne fléchit jamais!

Les chiffres montrent que la première année de Covid-19 dans le pays de Milles Collines, c’est-à-dire l’année 2020, s’est terminée avec seulement 92 morts. Mais dans 16 jours, depuis le 1er au 16 juillet 2021, les cas de décès de covid-19 enregistrés sont 188. Dans 16 jours les cas de décès sont plus que le double de tous les neuf mois de 2020. Jusqu’au 16 juillet 2021, 1.762.774 personnes ont passé le test de Covid-19, dont 52.552 sont infectées, c’est-à-dire à peu près 3%, 624 décès soit à peu près 2% de cas d’infectés. La ville de Kigali, elle seule, compte 19.293 de personnes infectées, c’est-a-dire 52,4% dont 327 ont trépassé. Avec ces chiffres tout le monde s’attendait avec une certaine fatalité, le confinement.

Le 17 et 18 juillet 2021 ont fait leur lot macabre : le 17 juillet on a eu 1997 nouveaux cas d’infection sur 50.880 tests soit 3,9%, parmi ces nouveaux cas Kigali compte 1391, soit 69,65%, il y a eu 12 décès ; le 18 juillet on a enregistré 2.773 nouveaux cas d’infection sur 73.608 tests soit 3,7%, Kigali compte 2.225 soit 80,24%, il y a eu 11 décès. Mais pourquoi cette flambée qui ne fléchit pas? 

Les causes qui sont pointées du doigt pour cette troisième vague, la plus meurtrière que les précédentes sont d’abord l’incurie tant administrative que politique sans oublier un abandon des mesures de prévention par la population : les personnes en ont marre de vivre une vie qui n’en est pas une! Le Ministre de la Santé Dr, Daniel Ngamije s’est indigné dans les premiers jours de cette vague: « Dans ces derniers jours, les  cas positifs du Covid-19 et ceux des malades hospitalisés se sont augmentés, parmi les causes qui provoquent cette augmentation alarmante, c’est qu’il y a eu un laisser-aller vis-à-vis des mesures de prévention ». Le Ministre Daniel Ngamije avait prévenu : « Nous devons prendre des mesures draconiennes plus dures qu’avant et les mettre en pratique. Il le faut avant que la situation ne devienne plus pire qu’aujourd’hui, comme cela s’est observé dans certains pays ». 

 A côté de cela, il y a la souche variante de coronavirus de Delta, dont les cas infectés représentent déjà plus de 60% de nouveaux cas. Cette couche qui fait rage en Inde, est plus désastreuse car sa gravité d’infection est 1000 fois plus que les souches « ordinaires », et sa période d’incubation est de deux jours alors que c’était connu  que c’est 14 jours. Le Ministre Ngamije Daniel avait bel et bien prévenu la population, en ces termes : «  Les recherches scientifiques viennent de conclure que le virus se propage dans l’air et plus facilement dans les endroits exigus et mal aérés. Et quand il y a quelqu’un qui est malade, il contamine les autres par la simple respiration, quand il parle ou quand il tousse […] Prenons l’habitude de travailler en dehors des bâtiments, en plein air là où c’est possible, ouvrons les fenêtres pour aérer nos lieux de travail spécialement les classes et les services qui reçoivent beaucoup de gens comme les services sanitaires, les banques, les bureaux administratifs, les bus de transport en commun, durant les voyages ».

Mais la population n’est la seule à blâmer. A bien voir, il y a une incurie bien remarquable dans la politique sanitaire du Rwanda. Le peuple est abandonné à lui-même. En fait, le manque d’enthousiasme dans la vaccination montre que la vaccination avait commencé avec d’autres mobiles : c’était pour servir l’esprit mercantile du régime de Kagame. En fait la vaccination des catégories dites à haut risque a commencé le 5 mars 2021. Pire est de constater qu’après 4 mois et demie seules 406,004 personnes seulement ont reçu deux doses de vaccins AstraZeneca et Pfizer. Ce nombre ne représente que 3,05% de la population rwandaise estimée à 13.303.376 selon Worldometer. Pourquoi alors ce manque d’enthousiasme? En fait l’enthousiasme de vaccination du départ, en mars dernier, était dû à la préparation de la réunion des Chefs d’Etats et de Gouvernements du Commonwealth (CHOGM), une réunion que Paul Kagame souhaite beaucoup car elle reste le seul moyen de lui donner un peu d’air pour respirer après beaucoup de forfaits sur sa tête et l’isolement qui se profile, et da faire business aussi. Le Ministre de la santé lui-même s’alarme car la campagne nationale visant à vacciner 60% de la population d’ici l’année prochaine n’a atteint, jusqu’à présent, que 3% des habitants du pays. Ici on a droit de se poser la question de savoir les bases sur lesquelles cette planification aurait été faite. En fait le Rwanda s’est fixé les objectifs de vaccination suivants : 30% de sa population, c’est-à-dire 3.991.000 de personnes à la fin de l’année 2021 et  60% soit 7.982.000 de personnes en 2022. Une chimère si l’on trouve que dans plus de quatre mois l’on vient de vacciner 406.004 soit 3,05% au lieu de 10% si on fait de simples calculs avec la règle de trois! Et sans monter le canular, ceci donne les frissons à la population rwandaise. Tout rwandais digne de ce nom, même un simple paysan peut te dire, et on est surpris,  qu’il ne comprend jamais comment Kagamé peut envoyer des convois aéroportés de 1000 militaires au Mozambique, aux prix des milliards d’argent au lieu de vacciner sa population!

Pas plus d’incurie!

Le Rwanda avait dans un premier temps réussi à contenir la pandémie, imposant dès mars 2020 un des premiers confinements stricts sur le continent africain, ainsi que des campagnes poussées de détection et de traçage de cas. Mais la suite a été une incurie totale, ce qui a créé la deuxième vague jusqu’à cette troisième qui fait rage. Après ces mesures draconiennes annoncées ce 17 juillet 2021, ce qui restait c’est leur implémentation. Ainsi le Gouvernement mobilisa toute une panoplie d’organes de sécurités pour faire le contrôler strict. De l’entité administrative de base qu’est le village à l’échelle nationale les hommes en uniforme ont été mobilisés. Et il y en a beaucoup, de tout acabit.

Il y a d’abord l’observation du couvre-feu, de 18heures à 4heures du matin  qui d’ailleurs reste en vigueur dans l’ensemble du pays, où les commerces doivent fermer à 17 heures. La population est docile sur ce point, et rentre à la maison à temps. A partir de 18 heures tout le pays dort, les vacarmes de la ville de Kigali se taisent, on dirait un centre de recueillement!

Pendant la journée les check-points sont dressés partout dans les moindres recoins de la capitale, des banlieues jusque dans le centre ville aux lieux très chauds comme « Downtown » et Nyabugogo, la porte de la Capitale. Et l’on ne peut pas passer le check-point, sans justifier la raison du déplacement. Pour aller à un point d’ATM, dans le quartier de Nyamirambo, dans les parages du fameux lieu appelé «Cosmos», Nyamirambo le quartier des hommes débrouillards, j’ai dû passer au trois check-points sur un intervalle de plus ou mois 3 kilomètres. Les rues sont désertes, personne ne sort, et ça présage le pire! Et je me suis posé mille questions. Comment ces petits commissionnaires d’objets aussi simples comme l’écouteur, qui abordent chaque passant, vont-ils survivre? Comment les tenants de ces petits restaurants  grouillant sous les vérandas des grands magasins pour le thé, le chapati et samossa ou samoussa (Sambusa en Kinyarwanda) vont-ils affronter ces dix jours! Comment ces femmes qui vendent de maison-à-maison fruits et légumes, appelées «Abanyagataro», vont-elles réellement survivre ces jours? Pourtant ce sont là, le peuple auquel il faut penser avant toute mesure! Mes seuls interlocuteurs sur ce trajet furent les hommes en uniforme! Voilà Kigali, une ville morte qui attend reprendre la vie après dix jours. Mais les tests d’un échantillon de 20% de la population de Kigali fait craindre le pire. Le Covid-19 est bel et bien chez nous, avec sa souche terrifiante, le Delta. Le communiqué parlait aussi du confinement des  districts de Burera, Gicumbi, Kamonyi, Musanze, Nyagatare, Rubavu, Rwamagana et Rutsiro. Mais la campagne peut facilement de défaire de Coronavirus que la ville, car tout simplement leurs magasins sont leurs champs!

Ainsi voici encore une fois Kigali  mise au régime du confinement avec toutes les conséquences qu’il charrie! L’appauvrissement des pauvres, la faim qui aggrave la situation sempiternellement précaire qui prévaut dans le pays, car, rappelons-le, à peu près 4 millions de rwandais mangent à peine une fois par jour. Les familles sont exposées à la destruction, le chômage, la perte du sens ou du goût à la vie, en un mot l’Absurde. Une situation de vie ou de mort où le peuple est abandonné à lui-même. Et au lieu de penser à la vaccination de son peuple, Kagame pense à la démonstration de son pouvoir militaire, en envoyant 1000 militaires piller le Mozambique pour ses propres comptes. Kigali est maintenant une ville morte, un monstre qui risque d’avaler ses propres enfants, car la faim nourrit! Et, à voir la tendance des chiffres, on s’attend aux plus draconiennes mesures!