Rwanda:Happy Kagame Day…

Non, je ne blague pas… je vous la souhaite tous bonne cette belle journée que j’espère ensoleillée partout où vous êtes en ce 4 juillet. Je la souhaite très bonne même à Tim Howard, le gardien de but de l’équipe américaine et à ses compagnons malgré leur élimination de la coupe du monde. Eux au moins pourront bien fêter leur Independance Day en ce jour de 1776 où Thomas Jefferson a déclaré l’affranchissement des colonies par rapport aux Britanniques. Et cela dure depuis… Dans mon pays par contre, personne ne veut plus célébrer le jour où le drapeau du colonisateur a été descendu, cédant la place au tricolore de la République rwandaise. Pourquoi ?

Tout gauchement parce que célébrer un premier juillet ferait de l’ombre à une autre date qui, elle, est pleine de signification pour le maître actuel de Kigali. Au premier juillet 1962, le Rwanda recouvrait son indépendance vis-à-vis des Belges, mais en même temps, des cohortes de paysans prenaient, à la suite d’un monarque déchu quelques années plus tôt, le chemin de l’exil. Au pouvoir aujourd’hui, les descendants de ces exilés n’ont naturellement aucune envie d’entacher leur bonheur en évoquant ce « caillou » dans leur soulier. Aux oubliettes donc toute la lutte menée par le peuple pour gérer ses affaires sans la condescendance du muzungu ! Aux oubliettes tout autant, l’esprit démocratique qui animait la démarche politique des pères de cette indépendance-là.

A cette confiscation, on aurait cru que le pouvoir préférât ou célébrât une autre date, celle du premier octobre… Aux oubliettes une fois encore, car il n’est pas question de fêter le début ni de la république (1959 – 62), ni celui de la « libération » (1990). Depuis quand, en effet, a-t-on vu Dieu abandonner sa gloire à un autre ? Les chrétiens qui lisent le prophète Isaïe (chapitre 48) savent la chose tout à fait  impossible. Ainsi en est-il donc du demi-dieu qui règne sur l’Afandie depuis exactement vingt ans. Et pourquoi le général Kagame céderait-il sa gloire à la mémoire du général Rwigema, le commandant de l’attaque « libératrice » d’Octobre 1990 ? L’un a gagné saguerre, l’autre pas ! A chacun son quart de siècle de gloire. Voilà pourquoi nous célébrerons encore (pour combien de temps ?) le quatre juillet…

Cette date est également un clin d’œil manifeste au 5 juillet 1973, date à laquelle le général Habyarimana avait fait son coup d’état, renversant un des pères de l’indépendance rwandaise. Révolution morale et concorde nationale disait-il, avant d’entonner umuganda et développement. Dans cette philosophie kagamienne de tabula rasa, il est donc symboliquement et éminemment important de gommer définitivement cette date de l’histoire du Rwanda. Sauf que la même histoire rappellera en temps opportun que le pays a été militairement conquis par l’Apr de Kagame (lui préfère dire « libéré »), non pas le 4 juillet, mais bel et bien le 21 du même mois (chute de la ville de Gisenyi). En fin de compte, que célèbre-t-on donc en ce jour ? Ni l’indépendance, ni le début du struggle et encore moins la fin du génocide. Qu’est-ce alors ?

Il ne s’agit, ni plus ni moins, que du jour où, accompagnés par des hordes de mercenaires, les soldats d’un homme entraîné au Kansas (Etats-Unis) et soutenu par divers services de Sa majesté Elisabeth sont entrés dans Kigali, la capitale rwandaise, préludant ainsi à la victoire militaire du Fpr, synonyme – on se rendra à l’évidence un peu plus tard – d’une véritable mise sous tutelle du pays tout entier. Soyons donc clairs : le Rwanda n’a pas été libéré : il vit aujourd’hui enchaîné par les appétits miniers des conglomérats américains ainsi que le cynisme des profiteurs de la trempe d’un Tony Blair. Que ces derniers aient choisi un fils du pays (général de son état) comme leur procurateur ne change rien à la perfidie de cette néo-colonisation, pire que celle défaite en 1962.

Happy Kagame Day tout de même… et qu’on ne tire à vue sur personne, qu’on ne fasse personne disparaître, qu’on nous libère quelques prisonniers (je rêve, oui !) et qu’à la tombée de la nuit, le Très-Haut rentre encore dans mon pays.

Cecil Kami