Affaire Karasira : un procès purement politique

Aimable Karasira Uzaramba

Par The Rwandan Lawyer

Introduction

Karasira Aimable est désormais hospitalisée à l’hôpital de Nyarugenge situé à Nyamirambo près du siège du tribunal de grande instance de Nyarugenge et souffrirait du covid-19 comme facteur pathogène de toutes les violations des droits fondamentaux. Son conseil, Me Dr Kayitana Evode, a récemment déclaré que son état de santé était catastrophique et qu’il pourrait éventuellement décéder si des mesures urgentes, notamment une libération immédiate, ne sont pas prises. A qui profite cette hospitalisation? Les lignes ci-dessous évoquent les tenants et aboutissants de cet état de santé exceptionnel où se trouve désormais Karasira Aimable.

1.Les faits

L’organe chargé des investigations a déclaré qu’il n’interférerait pas avec le droit de quiconque à la liberté d’expression et d’expression, mais que personne ne devrait utiliser ces droits en violation d’autres lois et dans le but de déstabiliser le pays.

L’ancien universitaire controversé a été arrêté après être apparu dans une série d’interviews sur Youtube sur sa chaîne, interviewées par Agnès Nkusi Uwimana, au cours desquelles il a tenu des propos scandaleux sur le génocide de 1994 contre les Tutsis.

Entre autres choses, il a déclaré qu’il n’y avait pas eu de planification du génocide, qu’avant l’attaque du Front patriotique rwandais (FPR-Inkotanyi) le 1er octobre 1990, les Rwandais coexistaient pacifiquement, sans tenir compte du fait que de nombreux Tutsis avaient fui le pays et vivaient en exil.

RIB a en outre précisé qu’il détenait Karasira, 40 ans, après avoir enquêté sur une série de talk-shows dans lesquels il avait fait des commentaires équivalant à enfreindre la loi, et non à cause d’une pétition lancée appelant à son arrestation.

Selon l’article 5 de la loi n°59/2018 du 22/8/2018 relative au crime d’idéologie du génocide et aux crimes assimilés, toute personne coupable de négationnisme en déclarant ou en indiquant que le génocide n’était pas planifié ; commet une infraction.

En cas de condamnation, il est passible d’une peine d’emprisonnement d’au moins 5 ans et d’au plus 7 ans, avec une amende d’au moins 500 000 Rwf et d’au plus 1 000 000 Rwf.

La même loi à l’article 7 stipule que toute personne qui, délibérément et en public, tente de justifier ou de légitimer un génocide commet un crime et, sur condamnation, est passible d’une peine d’emprisonnement de 5 ans au moins et de 7 ans au plus, avec une amende d’au moins 500 000 Rwf et d’au plus 1 000 000 Rwf.

L’article 164 sur le délit d’incitation à la division stipule qu’une personne qui utilise la parole, l’écriture ou tout autre acte qui divise les personnes ou peut les opposer les unes aux autres ou provoquer des troubles civils sur la base d’une discrimination, commet une infraction.

Une personne reconnue coupable d’incitation à la division est passible d’une peine d’emprisonnement d’au moins 5 ans mais d’au plus 7 ans et d’une amende d’au moins 500 000 Rwf mais pas plus de 1 000 000 Rwf.

2.Analyse

Soumettre l’accusé aux poursuites judiciaires et au jugement n’arrangerait pas l’affaire à long terme. Le régime voudrait mettre fin aux séquelles de ses activités journalistiques qui gênaient depuis peu. Aussi devra-t-il recourir aux opportunités qui s’offrent pour l’éliminer une fois pour toutes.

2.1.Facteurs favorables

Trois facteurs pourraient pousser l’Etat rwandais à assassiner subrepticement le patient. 

Primo, le patient est un rescapé du génocide et il dérange le régime en voulant inciter ses frères et sœurs survivants à la désillusion ; oser attaquer de front le FPR et ne plus le considérer comme un libérateur mais comme un vulgaire criminel qui a profité de son malheur pour prendre le pouvoir et d’ailleurs y avoir contribué comme l’affirme Deo Mushaidi dans le livre co-écrit avec le Dr. Charles Onana et la raison pour laquelle il est enfermé à vie.

Secundo, le libérer lui permettre d’intoxiquer les rwandais car il incrimine le FPR qui a tué ses parents malgré qu’ils étaient tutsi et la criminalité attribuée aux seuls hutu risque de s’atténuer en faveur du double génocide et le marketing du génocide dont le régime survivait budgétairement s’étiolerait de plus en plus au niveau des bailleurs de fonds.

Tertio, le condamner à travers un procès bidon qui ne respecte pas les règles du procès équitable servirait à le museler et à stopper la pression qui commençait à se faire sentir dans les milieux rescapés et au niveau international dans le sens qu’il constitue une preuve vivante de la criminalité attribuable aux forces du FPR durant la guerre qualifiée de crimes de guerre et cela touche le régime là où le bas blesse.

2.2.L’occasion fait le larron 

Le « larron » est un voleur, un brigand. Quand il lui est donné l’occasion de commettre un larcin ou pire, il le fait.

Bien que ce personnage reste malhonnête par définition, cette expression française lui enlève son aspect négatif. Elle tend plus à justifier l’opportunisme ou la non- préméditation, une façon ou carrément un art  de profiter de circonstances.

Cette expression française en fait donc un être plutôt excusable et enviable car chanceux. En effet il a su profiter de la chance qui lui est offerte. De ce fait il n’est plus possible de porter un jugement de valeurs sur les actes de ce larron et même si le qualificatif de truand plane autour de cette expression, il serait plus fort dans une autre expression française semblable comme « s’entendre comme deux larrons en foire » où le désaveu est plus prononcé.

En somme, le FPR dans son animus necandi décroche une opportunité pour tramer son forfait sur la personne de son détracteur qu’est Karasira Aimable car les voies judiciaires le garderaient en vie et ne résoudraient pas définitivement la question mieux que sa disparition de la surface de la terre.

2.3.Faisabilité du forfait 

L’état de santé du suspect Karasira est une bonne occasion pour ses médecins d’aggraver officiellement sa situation et par conséquent l’isoler pour bloquer l’accès à ses amis et proches parents et ainsi lui administrer des substances mortifères et l’affaire sera conclu sans une moindre trace. Car comme tout le monde le sait quand on est gravement malade, les médecins font ce qu’ils peuvent mais au-delà de leurs moyens le patient trépasse, ce n’est que normal.

Conclusion 

D’aucuns croient que Karasira aurait été empoisonné pour occasionner son hospitalisation ainsi médicalement l’éliminer sans autres traces. Qu’il l’ait été ou non, le fait qu’il est sous les soins n’assure pas son auto-contrôle car il est sous la dépendance des médecins qu’il ne connait et parmi lesquels peut se trouver des agents du régime ayant pour mission de le faire disparaitre. Son avocat a requis sa libération immédiate ; mais si elle n’est pas accordée, on prie juste pour qu’il quitte l’hôpital car cet endroit n’est pas non plus salutaire en termes de sécurité.