Idamange Yvonne requiert une audience publique au lieu d’une procédure à huis clos

Par The Rwandan Lawyer

Introduction

L’examen du fond de l’affaire IDAMANGE YVONNE a été fixé mardi devant la chambre jugeant les crimes internationaux et transfrontaliers et le tribunal a décidé de juger les intéressés à huis clos conformément aux dispositions de la constitution et des procédures judiciaires rwandaises en vertu desquels les audiences sont publiques mais le juge pourrait décider un procès à huis-clos quand sont en jeu l’ordre public et les bonnes mœurs. L’accusé IDAMANGE YVONNE conteste et demande l’audience publique. Le tribunal après délibération a rejeté son exception et confirmé le huis clos ; décision contre laquelle elle a réagi en exigeant la récusation de tout le jury et en avertissant qu’elle n’attend plus justice d’un tel tribunal si sa demande n’est pas accueillie favorablement. Quelles sont les raisons qui amènent le tribunal à soumettre le procès de cette dame à huis clos ? Quels sont les intérêts d’Idamange Yvonne à privilégier l’audience publique pour son affaire ? Le présent article aborde une analyse de ce cas sui generis.

1.Les faits

Idamange Iryamugwiza Yvonne est inculpé de six chefs d’accusation, dont dénigrement d’objets commémoratifs du génocide, incitation au soulèvement de la population, publication de rumeurs, coups et blessures volontaires, blocage de l’exécution des ordres du gouvernement et émission d’un chèque sans provision. Lors de la dernière audience, l’accusation avait demandé au tribunal de détenir préventivement la suspecte au motif qu’elle représente un risque de fuite et qu’elle pourrait tout aussi bien continuer à commettre les crimes présumés en utilisant sa chaîne YouTube une fois libérée sous caution ou/et détruire des preuves. Cependant, l’accusée a plaidé non coupable de crimes présumés et a demandé une libération sous caution, affirmant qu’elle voulait aller s’occuper de ses quatre enfants et n’avait pas l’intention de détruire des preuves. En annonçant le verdict, le président du tribunal a déclaré qu’Iryamugwiza serait détenue provisoirement en raison de la gravité des crimes qu’elle aurait commis.

Le juge a également expliqué que les vidéos qu’Iryamugwiza a publiées, qu’elle a admises être les siennes, contiennent des informations qui prouvent qu’elle aurait pu commettre les accusations auxquelles elle fait face.

Pendant ce temps, le tribunal, entre autres, a jugé que les allégations d’Iryamugwiza d’arrestation illégale et de fouille sans mandat de perquisition par les autorités étaient infondées.

Après le jugement, la suspecte qui s’est présentée virtuellement et était accompagnée de l’un de ses deux avocats a déclaré qu’elle faisait appel de la décision du tribunal. La date de l’audience d’appel n’a pas encore été annoncée.

Iryamugwiza a été arrêtée le 15 février après être apparue à plusieurs reprises sur sa chaîne YouTube pour avoir prétendument inciter au désordre public, entre autres accusations.

Selon l’accusation, via sa chaîne YouTube, l’accusée a publié une litanie de rumeurs malveillantes, dont une annonçant la mort du chef de l’État, et a appelé les Rwandais de tout le pays à se soulever et à se rebeller contre le gouvernement.

2. Audience publique versus procès à huis clos

2.1.Procédure à huis clos

La procédure à huis clos est utilisée dans les affaires sensibles essentiellement pour protéger la vie privée des parties. En termes simples, une procédure « à huis clos » est une procédure menée en privé, en l’absence du public et de la presse. Essentiellement, les procédures se déroulent par vidéoconférence pour protéger la vie privée et la protection de l’accusé. Le public et les médias sont exclus de telles procédures pour des raisons de sensibilité.

2.2.Facteurs pour choisir un tel mécanisme

La procédure à huis clos est une exception à la règle d’une audience publique. Une audience publique ou une justice ouverte, c’est lorsqu’une affaire est entendue en présence du peuple et de la presse, qui rendraient compte de l’affaire au public. Le déroulement habituel d’une procédure est une audience publique. Les audiences à huis clos se font rarement, dans des cas exceptionnels lorsque le tribunal le juge opportun.

Des affaires entières peuvent être entendues à huis clos lorsque, par exemple, des questions de sécurité nationale sont en cause. L’examen à huis clos par un juge peut être utilisé lors de procès autrement ouverts, par exemple, pour protéger des secrets commerciaux ou lorsqu’une partie fait valoir un privilège (comme des communications privilégiées avocat-client). Cela permet au juge d’examiner les documents en privé pour déterminer si la révélation de documents en audience publique sera autorisée.

Dans la plupart des tribunaux, l’examen à huis clos décrit un processus ou une procédure où un juge examine en privé des informations confidentielles, sensibles ou privées pour déterminer quelles informations, le cas échéant, peuvent être utilisées par une partie ou rendues publiques. Un examen à huis clos peut se faire à la demande de quelqu’un (comme l’avocat dans l’affaire) ou sur ordonnance du tribunal.

Un exemple d’« examen à huis clos » par le tribunal : un prévenu poursuivi pour le meurtre présumé d’un lycéen affirme qu’il s’agissait d’un acte de légitime défense, un dernier recours après que le défunt a agressé physiquement le prévenu. Des témoins racontent aux enquêteurs et aux avocats que la victime « se battait toujours à l’école » et devait fréquemment se rendre dans le bureau du directeur. Le défendeur cherche à obtenir les dossiers du lycéen du défunt pour voir s’il y a quelque chose prouvant que le défunt se bat à l’école. Une partie de la famille du défunt pourrait s’opposer à la divulgation au motif que les dossiers scolaires qui sont vraisemblablement privés ne devraient pas être fournis au défendeur. Alors qu’un juge peut reconnaître la présomption générale, le tribunal peut autoriser le défendeur à utiliser au procès tout dossier scolaire susceptible d’établir les tendances physiquement agressives du défunt.

Dans cet exemple, avant d’autoriser la divulgation des dossiers au défendeur, ou pour la révélation des dossiers au jury, le juge effectue une inspection à huis clos sur les dossiers de l’école secondaire du défunt pour déterminer quels dossiers, le cas échéant, seraient divulgués au défendeur. Le juge peut interdire l’utilisation de tout ou partie des dossiers qui sont examinés, limiter l’utilisation ou le but des dossiers, et peut ordonner à une partie de prendre toutes les mesures nécessaires pour garder privées et confidentielles les informations divulguées.

3. Analyse

Le dossier d’Idamange Iryamugwiza Yvonne a suscité la curiosité de plus d’un; raison pour laquelle il mérite une analyse spécifique même s’il est toujours pendant.

3.1.Une affaire déjà jugée

Le cas d’Idamange Yvonne ainsi que celui de Karasira Aimable sont apparemment poursuivis dans le même cadre de rescapés du génocide qui osent désapprouver la gouvernance du FPR comme les libérateurs du génocide qui a été perpétré contre eux. Leur sort ne différera pas de celui qui a été décidé par les juridictions pénales rwandaises contre Deo Mushaidi qui a eu la malchance d’être rapatrié contre son gré au Rwanda. Combattre cette vision imposée par les maîtres du pays et médiatiser une nouvelle position hostile qui présente les autorités de Kigali comme des criminels ayant commis des crimes de guerre ; qui commercialisent le génocide pour obtenir une légitimité auprès de la communauté internationale et des bailleurs de fonds ; qui pillent vraiment le trésor national, n’ont rien fait pour les survivants du génocide en termes de réhabilitation économique et d’emploi car la majorité sont sans emploi ainsi que d’autres groupes sociaux défavorisés est considéré comme un crime impardonnable.

3.2.La peur du régime

En effet, si les Hutu vivant à l’intérieur du Rwanda se sont résignés et acceptent de souffrir de la pauvreté ; la discrimination dans tous les avantages constitutionnellement reconnus aux citoyens, le régime du FPR mentait encore aux rescapés du génocide tutsi en leur accordant des postes si insignifiants qui ne comblaient pas les épreuves qu’ils rencontrent quotidiennement. Avec le temps, ils ont découvert le vrai visage de ce régime où le népotisme, la corruption, le capitalisme féroce et sauvage et autres indicateurs d’une mauvaise gouvernance qui ne prend point en compte les intérêts de ses citoyens et ont eu le courage de le dévoiler au public. Le processus a été lancé par Kizito Mihigo et il a payé de sa vie ; la famille Rwigara a subi la prison et la destruction de ses biens estimés en milliards et est toujours menacée. Le régime du FPR craint que la timide révolution ne grandisse avec le temps et mobilise tous les Tutsi souffrant indûment à cause de sa politique malveillante et ne la combatte sans pitié. La solution provisoire retenue contre eux est donc d’emprisonner ou de tuer les leaders d’opinion qui s’efforcent sans crainte de permettre au maître du régime de tuer dans l’œuf l’initiative par ailleurs appréciable de la part du groupe social victime. Une audience publique est dès lors dangereuse car Idamange pourra réitérer ce qu’elle avait déjà déclaré sur son blog et la population la suivait en masse et avec soif.

Conclusion

Les dés sont jetés. Comme Rusesabagina Paul a réagi lorsque toutes ses exceptions qu’il avait soulevées avaient été rejetées par le tribunal, Idamange Yvonne semble lui emboiter les pas car un dossier comme le sien s’avère être sensible et politisé et les tribunaux perdent automatiquement leur indépendance habituellement théorique et sont obligés de se conformer aux argumentations et décisions dictées par d’autres autorités invisibles mais qui gouvernent réellement pays et les peines qui sont alors prononcées n’étonnent personne. Qui survivra‚ verra.