France-Rwanda : pourquoi les lobbies pro-FPR de France s’agitent autour d’un banal télégramme diplomatique?

Depuis quelques jours, les milieux pro-FPR de France et d’Europe sont montés au créneau pour clamer haut et fort qu’un document explosif venait d’être découvert dans les archives de l’ancien Président français François Mitterrand désormais accessibles. Le document serait susceptible, d’après ces milieux, de faire accuser la France de complicité de génocide ou tout au moins d’en accuser certaines personnalités politiques et militaires français qui étaient aux affaires à l’époque.

Ces milieux qui vont, des associations comme “Survie”, “Ibuka-France”, jusqu’aux individualités comme la belge Colette Braeckman en passant par des médias comme RFIMédiapartLa CroixLa Libre Afrique, …, rivalisent d’efforts pour présenter ce document comme explosif par des titres plus ronflants et triomphalistes les uns que les autres:

Timing

Le timing adopté pour mener cette campagne autour de cette curieuse découverte en dit long sur leurs intentions et leurs calculs. Nous sommes en effet à quelques semaines de la sortie du rapport des historiens à qui le président français a demandé de se pencher sur le rôle de la France au Rwanda de 1990 à 1994. Ce rapport devrait sortir le 02 avril 2021.

Nous sommes aussi à quelques semaines du 07 avril 2021 qui marquera le 27ème anniversaire officiel du génocide rwandais et que ces milieux comptent exploiter pour marquer encore des points comme chaque année. Ils y mettent autant le paquet que le président français Emmanuel Macron avait souhaité se rendre au Rwanda en cette année 2021. Pour ces milieux, tout serait parfait s’il s’y rendait pour demander pardon après que la France ait été reconnue comme complice dans le génocide rwandais.

Le télégramme lui-même

Mais quel est ce document explosif et que révèle-t-il ?

Il s’agit en fait d’un simple télégramme diplomatique qui rapporte les échanges entre un ambassadeur sur le terrain en juillet 1994 et sa hiérarchie de Paris. Celui-ci demandait quelle attitude prendre envers les dignitaires du régime qui venait d’être renversé par le FPR et qui se retrouveraient dans la Zone Humanitaire Sûre instaurée suite à l’Opération Turquoise autorisée par le Conseil de Sécurité des Nations Unies en juin 1994.

Sa hiérarchie lui répondit qu’il fallait “inviter” ces dignitaires à quitter la Zone et pour le reste ils devraient être considérés comme toute personne se trouvant dans cette zone dans laquelle l’Opération Turquoise avait pour mission d’y protéger toute personne s’y trouvant et d’y empêcher toute violence.

Le télégramme date du 15 juillet 1994. A noter que Kigali avait été prise le 04 juillet, donc 10 jours auparavant.

D’après la résolution de l’ONU autorisant l’Opération Turquoise ainsi que les ordres opérationnels donnés par le Gouvernement et l’Etat-Major français, les militaires de l’Opération Turquoise, (non seulement Français mais aussi d’autres pays, on l’oublie souvent), n’avaient pas mandat pour exercer des missions de Police Judiciaire dans la zone Turquoise. En clair, ils n’avaient pas la possibilité d’enquêter sur les criminels présumés, de les inculper pour ensuite les arrêter. Ils ne devaient qu’assurer la sécurité de toute personne se trouvant dans la zone Turquoise.

A noter que le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) ne fut mis en place par l’ONU qu’en novembre 1994 et que ses premiers inculpés ne furent arrêtés qu’en 1997 et 1998.

Il est donc compréhensible que les militaires de l’Opération Turquoise ne pouvaient pas arrêter quelqu’un soupçonné de n’importe quel crime au Rwanda en juillet 1994 fusse-t-il membre du Gouvernement intérimaire qui venait d’être renversé.

Il n’y a donc aucune découverte sensationnelle à retrouver dans les échanges diplomatiques du message dans lequel la Hiérarchie rappelait à ceux qui étaient sur le terrain dans le cadre de l’Opération Turquoise en juillet 1994 qu’ils n’avaient aucune base légale ni moyens pour enquêter et arrêter les criminels présumés.

Membres du Gouvernement intérimaire présumés coupables en 1994 ?

Pour revenir aux membres du Gouvernement intérimaire que ces lobbies pro-tutsi voudraient qu’ils aient été arrêtés par les militaires de l’Opération Turquoise en juillet 1994, il est à noter que peu d’entre eux ont séjourné dans la Zone Humanitaire Sûre. Et parmi ceux qui y ont séjourné ou l’ont traversée en 1994, presque tous ont été inculpés et jugés par le TPIR depuis 1998. Curieusement ils ont tous été acquittés, que ce soit individuellement, que ce soit comme membre du Gouvernement car le TPIR n’a jamais pu établir que ce Gouvernement fut une “organisation criminelle”.

Nous citerons :

– Ministre des Transports et Communication : André Ntagerura, acquitté

– Ministre des Affaires Etrangères : Jérôme Bicamumpaka, acquitté

– Ministre de la Santé : Dr Casimir Bizimungu, acquitté

– Ministre de l’Enseignement primaire et secondaire : Dr André Rwamakuba, acquitté

– Ministre du Commerce et de l’Artisanat : Justin Mugenzi, acquitté.

– Ministre de la Fonction Publique : Prosper Mugiraneza, acquitté.

On se demande alors comment les militaires de l’Opération Turquoise non mandatés pour cette mission pouvaient en juillet 1994 inculper des personnalités envers lesquelles le TPIR, avec tous les moyes requis et pendant DIX ans d’enquêtes, allait être incapable de prouver leur culpabilité.

Motivations et but de la campagne actuelle

Ce qui suit est un essai de compréhension des motifs et du but de cette étrange campagne médiatico-judiciaire.

Nous pensons qu’il s’agit d’une diversion afin de maintenir le statut du régime du FPR : impunité garantie. En effet, après 27 ans d’impunité et du “tout permis” au régime du FPR de Paul Kagame, des voix commencent à monter et à s’indigner de ces violations systématiques des droits de l’Homme en toute impunité. Ceci est d’autant plus inquiétant pour ses lobbies que ces voix proviennent aussi des  protecteurs et alliés traditionnels jugés inconditionnels au régime tutsi de Paul Kagame : USA et Grande Bretagne.

Les mêmes lobbies font pression pour influencer la politique étrangère de la France en Afrique et spécialement au Rwanda en l’obligeant de faire profil bas.

Au passage les mêmes lobbies tentent de salir et diaboliser les personnalités politiques et militaires français qui ont pu résister au diktat et à la toute-puissance des lobbies pro-tutsi de France.

Ce faisant, ils comptent humilier les Armées Françaises sur le théâtre d’opérations d’Afrique.

Et au passage, ils cherchent à justifier l’invasion et l’occupation de la RDC par l’armée tutsi de Kagame depuis 1996 à nos jours au moment où les voix se lèvent pour réclamer justice (Mapping Report).

Bref, ceci constitue un cas illustratif de la transformation d’un fait banal et un non-événement en un tremblement de terre qui secoue la classe politique d’une puissance moyenne et frileuse comme la France. Le plus étonnant est que le coup réussit souvent.

Emmanuel Neretse