La Vraie Richesse d’un Homme se Mesure au Bien qu’il a Fait Autour de Lui.

Par Jean-Paul Nsonzerumpa

Le 31 août 2020 a été l’un des pires jours de ma vie. J’ai été dans le déni pendant des heures. C’est le jour où Paul Rusesabagina, mon oncle, mon mentor et l’homme qui est devenu mon père, a été kidnappé à Dubaï et a fait surface à Kigali, au Rwanda. 95 jours plus tard, il reste injustement emprisonné sous de fausses accusations, et mon cœur saigne encore.

Le courage, la foi et l’activisme de Paul dans le monde entier lui ont valu d’innombrables récompenses et de nombreux ennemis. Grâce son histoire qui a été mis sur écran où il a sauvé 1268 personnes pendant le génocide rwandais en les hébergeant dans l’hôtel. Il a réussi à inspirer les gens à travers le monde à se battre pour la dignité, la justice et les droits de l’homme. Mais pour moi, il représente bien plus que cela, Comme beaucoup de gens au Rwanda, j’ai perdu un de mes parents pendant le génocide dans mon cas c’est mon père. Vivre avec Paul Rusesabagina m’a permis d’atténuer la douleur insondable de la perte de mon propre père. J’ai vécu avec lui pendant plusieurs années et il a joué un rôle essentiel en m’enseignant la grâce, le courage, l’amour et la force de pardonner. Il était mon roc, et les leçons que je l’ai regardé vivre m’ont profondément marqué jusqu’à ce jour.

Lorsque j’étais au lycée, je me suis cassé le pied et je me suis remis pendant près de deux mois. Il m’a demandé d’emménager avec lui pendant cette période car sa maison était proche de mon école, ce qui me permettait d’avoir un soutien à proximité. Il se levait tous les matins pour me conduire à l’école et revenait me chercher à 16 heures précises. Il n’avait jamais une minute de retard. Il avait beaucoup de travail à faire à ce moment-là, mais il le faisait quand même parce qu’il voulait s’assurer que je me sentais en sécurité et aimée. C’est un homme de valeurs et de principes qui aime sa famille plus que tout au monde. Je l’ai vu incarner nombre de ces valeurs et principes par ses paroles et ses actions courageuses, et il a saisi toutes les occasions pour essayer de m’inculquer ces valeurs — y compris la valeur d’apprendre à pardonner.

J’ai besoin qu’il revienne à la maison pour qu’il puisse m’expliquer comment pardonner au gouvernement rwandais en ce moment. Parce que je suis incapable de leur pardonner maintenant ce qu’ils lui ont infligé — le kidnapper, l’attacher pendant des jours, lui bander les yeux, l’emprisonner sur de fausses allégations, l’empêcher d’utiliser ses propres avocats pendant 92 jours, lui refuser une caution médicale malgré sa santé fragile. Ce n’est là que le dernier exemple, le plus laid, d’un combat qui dure depuis près de deux décennies. Il a dit la vérité et a exigé le respect des droits de l’homme, même si cela n’était pas populaire. Il n’a jamais flatté l’ego des Rwandais, il a refusé leurs offres de devenir ambassadeur ou ministre. Il a décidé de combattre l’injustice et les inégalités sociales et de plaider pour la paix, la réconciliation et la protection des droits de l’homme. Même lorsqu’il était atteint d’un cancer et qu’il suivait des traitements, il est resté fort, malgré le harcèlement continu du gouvernement rwandais.

Je n’ai jamais vu un seul jour où il a perdu ses forces. C’est la personne la plus courageuse que j’ai jamais connue qui, malgré les luttes monumentales qu’il a menées et l’incroyable obscurité qu’il a combattue, croit encore en la rédemption et au pardon.

Il a le don puissant de pouvoir rester fort et d’endurer les pires moments de l’histoire. Il a une âme qui ne perd jamais la foi. Ses paroles, ses pensées et ses actes sont toujours en harmonie avec sa quête d’équité, de justice et de décence humaine. Malgré la douleur que le gouvernement rwandais lui a infligée, il a toujours défendu avec ardeur l’idée que nos efforts pour la paix doivent être étendus à ceux qui nous ont fait du mal.

Son amour pour nous, pour l’humanité et pour la vérité nous a donné la force de nous appuyer en ce moment. Il nous a mobilisés pour nous battre pour sa libération — une libération que nous gagnerons, parce que nous avons la vérité de notre côté.

Paul Rusesabagina est mon héros, mon modèle et mon mentor. Cela fait 95 jours que la vie de toute ma famille a changé. Quand il rentrera à la maison, je me demande s’il m’apprendra à leur pardonner.