Les charges pour lesquelles Idamange est poursuivie

Idamange Iryamugwiza Yvonne

Par The Rwandan Lawyer

Introduction

Au Rwanda, l’incrimination des déclarations politiques hostiles au régime prend de plus en plus de l’ampleur. Déclarer au public ce qui ne marche pas devient un crime alors que cela devrait réveiller les autorités pour qu’ils redoublent d’efforts pour mieux servir la population et bien gérer la chose publique. Le présent article traite de l’analyse des charges retenues contre Idamange Iryamugwiza Yvonne en détention provisoire et dont le procès est en cours devant la chambre de la haute cour chargée des crimes internationaux et transfrontaliers.

1.Charges

Elle est accusée d’incitation au désordre public, de résistance à une arrestation légale et de voies de fait graves contre un agent des forces de l’ordre. En utilisant des plateformes médiatiques, la femme de 42 ans aurait « exhibé un comportement qui mélange politique, criminalité et folie ». Avant son arrestation, Idamange avait utilisé son YouTube pour appeler à des manifestations contre le président, exhortant les manifestants potentiels à porter des bibles.

L’article 204 de la loi nº68/2018 déterminant les infractions et les peines en général  stipule que toute personne qui publiquement, soit par un discours, des écrits de toute nature, des images ou tous symboles, qu’ils soient affichés, distribués, achetés ou vendus, ou publiés de quelque manière que ce soit, incite la population à rejeter le gouvernement établi, ou qui provoque un soulèvement dans la population avec l’intention d’inciter les citoyens les uns contre les autres ou perturbe la population avec l’intention de provoquer des troubles dans la République du Rwanda commet une infraction.

En cas de condamnation, il est passible d’une peine d’emprisonnement d’au moins 10 ans et d’au plus 15 ans.

La police nationale du Rwanda a déclaré que les enquêtes sur les crimes présumés sont en cours.

2.Des faits au droit

1)Faits

Sur son blog Youtube, Idamange Iryamugwiza Yvonne avait ciblé les différents crimes que le régime a commis contre les différents rescapés du génocide tels que Kabera Assiel, Mucyo Jean de Dieu ; Rwigara Assinapol ;Kizito Mihigo ; des arrestations arbitraires ;des jugements politisés ;les expropriations injustes sans compensation qui ont préjudicié les habitants de Kangondo ;Bannyahe ;les ménages qui résidaient dans les localités proches des marais, etc.; la passivité du Président Kagame face aux problèmes de la population qui laisse croire qu’il serait décédé ; le marketing du génocide ;le mauvais traitement des corps des victimes du génocide critiquant le fait de les exposer dans des mémoriaux au lieu de les remettre à leurs familles pour une sépulture digne.

2)Une qualification juridique controversée

Toutes ces opinions peuvent être considérées comme des critiques d’un opposant politique qui évalue les faiblesses du régime au pouvoir quant à ses capacités à satisfaire les attentes des citoyens.Tous les éléments relevés ne sont pas nouveaux chez quiconque suit de près la politique du FPR et les abus qu’il exerce sur la population dans le cadre de sauvegarder les intérêts de quelques individus. 

Les qualifications données aux faits sont juste fabriquées de toutes pièces car ells n’ont à voir avec les faits. D’abord, exprimer une opinion contraire à la façon dont les reliques des victimes du génocide sont gérés n’est pas en soi une infraction; par contre, c’est un conseil que l’activiste prodigue aux autorités afin qu’elles puissent prendre en considération les avis de la population rescapée du génocide au lieu de leur imposer des pratiques qui ne font qu’exacerber leurs douleurs.

Dans la même optique, il est s’avère inconcevable qu’un rescapé du génocide puisse commettre une idéologie du génocide.Dans tous les cas, l’on se demanderait son animus nocendi car il a lui-même perdu les siens dans ces atrocités.

La charge de mobilisation de la population à la révolte contre le pouvoir se heurte aussi au défi d’évaluation des effets qu’ont eu les déclarations sur le public à tel point que ce dernier se soulèverait contre le régime.En effet ce que l’activiste Idamange a dit n’est pas un secret mais tout simplement elle a osé extérioriser ce que tous les rwandais pensent en silence. Pour ainsi déduire que cela ne pousserait personne à se soulever contre le pouvoir oppresseur du FPR car ce qu’elle a dit n’est nouveau pour personne.

Somme toute, il transparait sans nul doute que les organs d’investigation et de poursuite judiciaire ont dû se creuser les meninges suite aux injonction venues d’en haut afin d’incriminer coûte que coûte les déclarations de notre Idamange Iryamugwiza Yvonne et d’ainsi la museler.

Conclusion 

Les autorités rwandaises craignent progressivement l’impact des dénonciations de leur faible gouvernance et s’efforcent d’arrêter les médias à titre préventif contre toute réaction populaire. Aussi recourent-elles à la justice qui a déjà perdu son indépendance.

Les institutions judiciaires rwandaises perdent de plus en plus de crédibilité à force de se livrer au jeu de politisation des procès et à l’incrimination de toute contestation politique face au régime au pouvoir.En s’y improvisant, elles violent automatiquement tous les principes garantissant le procès équitable et la bonne administration de la justice consacrés par les différents instruments internationaux et régionaux auxquels le Rwanda est partie. Raison d’ailleurs pour laquelle les pays étrangers redoutent de ce pays quant au respect des droits fondamentaux des politiciens poursuivis devant ses cours et tribunaux.