Depuis le début de cette semaine, les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) ont lancé des attaques contre les rebelles des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) près du centre de Sake et sur un camp de réfugiés proche de Goma, dans la province du Nord-Kivu, selon les agences AFP et Africa Intelligence. Cette opération soulève des questions cruciales sur les motivations du président congolais Félix Tshisekedi et sur l’impact que de telles actions pourraient avoir sur la stabilité de la région.
Les rebelles des FDLR, que des experts des Nations Unies ont désignés comme coopérant avec les FARDC dans les offensives contre le M23, nient cette collaboration, tout comme l’armée congolaise. Cependant, le récent assaut mené par les FARDC laisse transparaître une complexité d’alliances et de tensions qui sous-tendent les dynamiques militaires de la région.
Des Alliances Ambiguës et une Attaque Manquée
Africa Intelligence rapporte que l’attaque de cette semaine visait spécifiquement à éliminer le général Pacifique Ntawunguka, alias « Omega », le chef militaire des FDLR. Selon les sources, cette attaque n’a pas atteint son objectif, Omega ayant réussi à quitter la zone avant l’arrivée des troupes. Une fois de plus, la campagne militaire contre les FDLR semble refléter davantage une tentative de démonstration de force qu’une véritable opération stratégique visant à stabiliser la région.
Des affrontements ont également eu lieu entre les FARDC et les combattants de l’Alliance des Patriotes pour un Congo Libre et Souverain (APCLS), une milice opérant aux côtés de Kinshasa, au camp de réfugiés de Lushagala, près de Goma. Ces attaques, mal ciblées, révèlent un manque de coordination et de clarté dans les stratégies militaires des FARDC.
Le porte-parole des FDLR, se faisant appeler Curé Ngoma, a souligné que les attaques contre les FDLR avaient commencé mardi, affirmant que « ce ne sont pas les véritables FARDC » qui les attaquent, insinuant ainsi que d’autres forces pourraient être impliquées. De son côté, l’armée congolaise n’a fait aucun commentaire, malgré les sollicitations des médias.
Pression Internationale : Une Motivation pour Kinshasa ?
L’offensive des FARDC contre les FDLR semble être en partie motivée par la pression de la communauté internationale. Selon Africa Intelligence, Kinshasa a réagi face aux critiques accusant le gouvernement de Tshisekedi de soutenir les FDLR, alors que la RDC accuse Kigali d’appuyer le M23. Les deux parties nient ces accusations, mais des rapports indépendants de l’ONU confirment la présence de telles alliances.
La pression exercée par les États-Unis, en particulier, semble avoir joué un rôle décisif. Africa Intelligence affirme que cette pression a contraint Kinshasa à montrer sa volonté de se dissocier des FDLR, ce qui a conduit à l’attaque récente. Le général major Jérôme Chico Tshitambwe, commandant adjoint des opérations des FARDC, s’est rendu à Goma le 19 septembre pour superviser personnellement ces actions, un signe de l’importance accordée à cette opération.
Contexte des Pourparlers de Paix à Luanda
Les relations entre la RDC et le Rwanda continuent de se détériorer malgré les tentatives de négociation. Le mois dernier, les dirigeants de la RDC et du Rwanda ont participé à des pourparlers de paix à Luanda sous la médiation du président angolais João Lourenço. L’objectif principal était d’instaurer un cessez-le-feu et de résoudre les tensions croissantes entre les deux nations. Toutefois, ces discussions ont échoué à apporter une solution concrète, et les combats se poursuivent.
Kinshasa accuse Kigali de soutenir le groupe rebelle M23, tandis que Kigali accuse Kinshasa de collaborer avec les FDLR. Ces accusations croisées sont confirmées par des rapports d’experts de l’ONU, mais n’ont jamais été reconnues par les deux gouvernements.
Les divergences entre la RDC et le Rwanda se cristallisent autour de la question de la neutralisation des FDLR. Lors des pourparlers de Luanda, il a été convenu de démanteler les FDLR et de retirer les troupes rwandaises présentes en RDC. Cependant, peu de progrès ont été réalisés depuis, et les récentes attaques des FARDC contre les FDLR ne semblent pas s’inscrire dans un cadre coordonné de maintien de la paix.
Qui sont les Véritables Cibles ?
Il semble que les offensives contre les FDLR aient également pour but de montrer à la communauté internationale que Kinshasa s’efforce de résoudre la crise sécuritaire. Toutefois, cette posture risque de faire payer un lourd tribut aux civils. Les récents affrontements ont coûté la vie à plusieurs civils innocents, principalement d’origine hutu, qui sont souvent pris entre les attaques de diverses forces armées.
Des experts locaux estiment que la décision de Tshisekedi de cibler les FDLR est imprudente, voire contre-productive. Ils soulignent que l’élimination ou la capture des leaders des FDLR ne conduira pas nécessairement au retrait des troupes rwandaises de la RDC tant que le problème du M23 n’est pas résolu. En effet, le M23 est largement considéré comme une force supplétive de l’armée rwandaise (RDF), composée en grande partie d’anciens soldats du RDF de l’ethnie tutsi, parlant la même langue, ce qui rend toute séparation entre ces groupes quasi impossible.
Par ailleurs, il est tout aussi difficile de distinguer les combattants des FDLR de ceux du groupe Wazalendo, une milice pro-gouvernementale également composée majoritairement de Hutus. Cette similitude complique encore davantage les stratégies militaires dans la région.
Tshisekedi : Entre Opportunisme et Naïveté
Certains observateurs estiment que Tshisekedi tente de naviguer entre les pressions internationales et les réalités complexes sur le terrain. D’une part, il cherche à prouver à la communauté internationale qu’il est capable de prendre des mesures décisives contre les FDLR. D’autre part, ces actions pourraient avoir pour effet de fragiliser les défenses de Goma face au M23. Si les FDLR et les combattants hutus de Wazalendo abandonnent leurs positions, cela pourrait ouvrir la voie au M23 et à la RDF pour prendre le contrôle de Goma.
Il est également à noter que par le passé, le gouvernement de Tshisekedi a permis aux forces rwandaises de traverser la RDC pour éliminer des chefs rebelles anti-Kagame, tels que le général Sylvestre Mudacumura et le général Wilson Irategeka. Cela n’a cependant pas empêché le Rwanda de relancer le M23, qui, après avoir été défait il y a plus de dix ans, est à nouveau un acteur majeur du conflit.
La Raison Cachée : Les Richesses du Congo
Pour certains analystes, les FDLR ne sont qu’un prétexte. Le véritable objectif du Rwanda, soutenu par le M23, serait de s’assurer le contrôle des ressources naturelles de l’est de la RDC, en particulier les minerais rares. Cette théorie est corroborée par la persistance des attaques du M23 dans les zones riches en ressources, malgré les accords et les négociations.
La situation actuelle est également exacerbée par le soutien logistique de la MONUSCO aux FARDC et par les informations recueillies par les services de renseignement rwandais. Les populations civiles sont ainsi prises en otage par une guerre dont les objectifs sont souvent obscurs et qui, sous couvert de lutte contre des groupes armés, cache des enjeux économiques et géostratégiques bien plus vastes.
La Nécessité d’une Stratégie de Paix Durablement Coordonnée
La fin des hostilités dans l’est de la RDC semble de plus en plus dépendre de la capacité des dirigeants régionaux à établir une stratégie coordonnée et inclusive pour la paix. Le président angolais João Lourenço continue de jouer un rôle de médiateur essentiel, mais ses efforts se heurtent à la méfiance et aux rivalités entre Kinshasa et Kigali.
Les récents développements montrent que les opérations militaires isolées, telles que l’attaque des FARDC contre les FDLR, risquent d’aggraver la crise au lieu de la résoudre. Le processus de paix nécessite une volonté politique de la part de toutes les parties prenantes, et la mise en œuvre de mécanismes internationaux pour garantir la sécurité des civils et empêcher la résurgence de la violence.
Les attaques contre les FDLR illustrent la complexité des alliances militaires dans l’est de la RDC et la difficulté pour le président Tshisekedi de concilier les attentes internationales avec les réalités locales. Entre naïveté et opportunisme, sa stratégie semble s’appuyer sur une vision simpliste de la situation, ignorant les dynamiques profondes qui continuent d’alimenter l’instabilité dans la région des Grands Lacs.