RWANDA: Une législation à mesure!

Le Président rwandais, Paul Kagame

Par RUGEMINTWAZA Erasme

Quand on parle de législation d’un Etat, on pose ipso facto le problème de l’institution du pouvoir politique et civile. Car en fait c’est par la législation c’est-à dire à la fois l’acte législatif et le système des lois édictées que s’opère la mise en œuvre de l’exercice de la souveraineté qui à son tour détermine le rapport du peuple avec le pouvoir. Souvent le peuple, qui naturellement dans des républiques démocratiques est souverain, est pris au dépens de caprices des princes et assujetti par les lois qui sont taillées à mesure du Gouvernant! La législation dans ces Etats-Hommes, n’est plus le garant des « Liberté et Égalité » qui sont les plus beaux « biens » du monde. Nous nous proposons ici, de faire une tout petite analyse diachronique de la législation du Rwanda dans ces 27 ans du régime du FPR-Inkotanyi. Mais tout au départ une législation qui semble être guidée par une équation posée par deux mesures : Comment préserver un régime minoritaire Tutsi qui est en même temps « victime et bourreau» et maintenir son fondateur Paul Kagamé?

Une constitution tâtonnante, charriant les tares de l’éthnisme!

Naturellement la fin ultime de l’autorité politique dans le domaine da la loi, est d’avoir une puissante législation c’est-à-dire des lois et des règlements, qui protègent et conservent ce qui appartient à toute la société, une législation qui limite le pouvoir  et tempère la domination de chaque membre de l’Etat et garantit ainsi les « biens » communs d’un Etat digne de ce nom, que sont la « Liberté et l’Egalité ». A part ces « biens » universellement reconnus à la gente mortelle, la législation plonge ses racines dans l’histoire de la société dont  elle émane. Or, le Rwanda est un pays  mille fois meurtri par les avatars sociaux qui ont été à la base des confrontations qui ce sont souvent transformées dans d’horribles  massacres inter-ethniques le long de son histoire. La décennie de 1990-2000, fera son record dans cette rivalité atavique entre Hutus et Tutsis. A côté des massacres des Tutsis de 1994 par le Gouvernement à dominance hutue, massacres pour lesquels l’actuel Gouvernement d’Union Nationale a fait feu de tout  bois pour les faire qualifier de Génocide contre les Tutsis, il y a l’autre face de ce Génocide, les massacres des Hutus pour lesquels le nouveau maître du pays, le FPR,  ne ménage aucun effort pour les faire taire,  les faire passer  et qualifier comme bon lui semble.  Cette attitude un peu délétère du nouveau Gouvernant ne fait qu’ouvrir toutes les vannes de la haine ethnique et crée une bombe à retardement. Le législateur dans une telle société meurtrie comme le Rwanda, devrait dépasser l’ « ego individualiste », ce niveau de grande avidité où la personne est quasi exclusivement centrée sur ses propres besoins et désirs au détriment de la communauté. Le législateur ne doit être en « auto-affirmation » permanente, il doit plutôt se hisser au  niveau de l’« individu individualiste », mûrir en humanité et commencer à remarquer la présence et la dignité des autres. Ici on développe la conscience avec les autres. Le législateur, en tant que membre de la société doit donner forme à une société, où la parole est nuancée, la société où il y a acceptation de la critique et les remises en cause,  la société ou le besoin compulsif d’avoir toujours raison s’estompe car l’ego devient de plus en plus transparent à l’être essentiel. Une société où l’oreille attentive commence à se développer en même temps qu’une parole juste, avec de moins en moins de mensonge.

Or ce qui anima et anime toujours le législateur du régime du FPR  est de se confirmer comme conquérant et vainqueur en érigeant l’hégémonie de l’ethnie Tutsi en victime et héro et l’assujettissement de l’ethnie Hutu bourreau et vaincu. Alors qu’il se réclame d’union nationale, et chante à tue-tête qu’il ne tolère plus le langage des ethnies, considérant que ce langage continuerait à raviver les avatars historiques et à faire exister une fausse réalité qui a tant  meurtri le peuple rwandais, c’est ce  même Gouvernement qui mena une croisade acharnée pour inscrire l’ethnie Tutsi dans le préambule dans Constitution, la loi la suprême du pays au grand dam de la communauté internationale! Les « amis » qui ont commencé à bouder et à bien percevoir l’image réelle du FPR, qui n’est autre qu’un régime minoritaire Tutsi qui doit se conserver à tout prix,  sont actuellement au ban, accusés d’immixtion dans la souveraineté d’un autre pays. 

Depuis le referendum de 2003 de la première constitution, qui naturellement devrait inaugurer la venue de la troisième république si ce n’est pas sa confirmation,  après la gestion du pays par une panoplie de textes dont le plus important était l’accord du FPR avec ses acolytes de partis d’opposition, la Constitution Rwandaise n’a jamais passé deux ans sans amendement. Certes, les amendements d’une loi, font partie de la pratique courante du législateur et  quelques fois s’imposent mais la fréquence vertigineuse, et plus encore de la loi suprême du pays, donne à penser!

Le  plus grand amendement eut lieu le 24 décembre 2015 par la voie référendaire. Ce fut un grand virement politique qui fait couler beaucoup d’encre et de salives, de sang mêlées. L’image réelle de Paul Kagamé, longtemps attendu se fit au jour. Et beaucoup commencèrent à se poser la question de savoir si on ne s’achemine par vers une monarchie constitutionnelle! Car le referendum a  mis à nu le système du FPR-Inkotanyi qui sa targue d’avoir de fins politiques ou Kagamé lui-même, qui ne peut pas se trouver un remplaçant après 22 ans de pouvoir, jusqu’à pousser la population paysanne et inculte dans le rues vers le Siège du Parlement pour réclamer le changement de la Constitution et du fameux article 101, qui empêchait le seul homme capable de diriger le Rwanda à briguer un troisième mandat! Cet  amendement est plus que jamais une des étapes importantes vers l’intronisation de Kagamé comme président à vie ou  comme Roi dont la famille constitue ipso facto la lignée directe née pour régner! Ainsi la formule magique d’une république démocratique, devient au Rwanda: la Loi de Kagamé, par Kagamé et pour Kagamé! Si Kagamé deviendra  sage pour céder  la place à quelqu’un d’autre  qui n’est pas sa fille propre Kagamé Ange, en 2034, il aura régné 40 ans sur le pays. Imaginez surtout les hécatombes qu’il aura faites, parmi les rwandais et les voisins! Voilà une constitution qui a deux mesures : le Tutsi et Kagamé! Aux autres de s’en confectionner la leur!

Des lois impartialement fragiles et évanescentes!

Dans cette logique despotique de la loi suprême, il est bien prévisible que les lois organiques, les lois et divers décrets qui en émanent portent son empreinte. Ainsi l’interprétation des lois existantes sera faite au prisme de la philosophie de la constitution. Quelques cas nous révèlent les faits probants et abjects de la législation rwandaise.

  • Les places qui sont faites pour les individus

Quand le FPR a conquis le pays, le Général-Major Paul Kagamé préféra le poste de Vice-Président de la République en même temps Ministre de la Défense. Apparemment c’était une sorte de formation politique avant de prendre les commandes de la haute magistrature du pays quand Bizimungu Pasteur sera forcé de quitter la présidence, après la disqualification unanime du Parlement lui reprochant de prendre des décisions stupides alors qu’il agissait sous la pression de son Vice, mais homme fort de Kigali. Quand Paul Kagamé devint président en remplaçant le président anéanti, le portefeuille de vice-président disparut. On peut en déduire que Paul Kagamé ne voulait aucun Vice qui pourrait interférer dans sa prise de décision.  On remarque assez nettement  que le portefeuille de la vice-présidence a été, d’une façon très égocentrique, créé pour lui, pour s’accoutumer à la présidence avant de s’en emparer d’une façon malicieuse. Il déclara le poste de Vice-présidence sans importance, après avoir assouvi son aspiration à la présidence. 

Durant la réforme judiciaire de 2003/2004, le régime du FPR a sélectionné d’une part Aloysie CYANZAYIRE et Gérard GAHIMA respectivement pour les postes de Président et Vice-président de la Cour Suprême et, d’autre part, Jean de dieu MUCYO et Martin NGOGA comme Procureur Général et Procureur General Adjoint. Mais en se référant à la Constitution du 4 juin 2003, on remarqua vite que ces élus  ne remplissaient pas les conditions d’expériences de 15 ans, requises pour ces postes. Jean de Dieu MUCYO en avait 12 ans alors qu’Aloysie CYANZAYIRE comptabilisait 13 ans. Ainsi le premier amendement de la Constitution qui eut lieu, le 2 décembre 2003, 6 mois seulement après son adoption, et le second de 2005 se penchèrent sérieusement sur ce problème. Ainsi l’expérience pour ces postes tomba de 15 à 8 ans pour arranger la légitimité de ces hautes personnalités qui ont été indument investies. Au lieu de chercher d’autres hommes de loi qui puissent remplir des conditions le régime va maintenir ceux-là relativement inexpérimentés mais politiquement préférés.

On ne peut jamais oublier les interrogations, toujours vives, sur la suppression du  Ministère de l’Intérieur (MININTER), recréé pour le Général Patrick NYAMVUMBA qui fut supprimé, 6 mois après, quand celui-ci fut disqualifié par son Boss Paul Kagamé. On rapporte que les experts étrangers qui étaient loués ont replié bagages pour regagner leur pays. Tout un budget qui fut dilapide pour les caprices d’un  Président sans conseillers qui plutôt gère le pays à l’instar de cette fameuse royauté d’Abidishyi (béni-oui-oui) 

  • Les lois qui portent l’empreinte ethnique

Nous avons commencé notre petite réflexion en posant les bases d’une bonne législation, c’est celle-là qui est le garant des « biens » de la société que sont les «  libertés et égalités ». Mais au Rwanda il y a des lois qui sont édictées pour terroriser une partie de la population étant donné que la société rwandaise a été fatalement bipolarisée. Il y a le bon et le mauvais, il y a la victime et le bourreau, il y a Caen et Abel, il y a le Hutu et le Tutsi ces deux fils de Kanyarwanda de l’Ambassadeur Joseph NSENGIMANA, dans son menu recueil de poèmes, « Tous pour la Nation ». Qui est Caen, qui est Abel ? La fortune et les lobbies du FPR ont tranché : Le Hutu, jeune ou vieux a déjà cette étiquette de Caen sur le front. Un péché qui semble être originaire !

Ainsi il y a les lois pour le Hutu! La mauvaise application de la loi organique portant création des juridictions Gacaca a seulement ciblé les Hutus alors qu’ils ont eux aussi des griefs contre le régime en place. Aucun Tutsi ne se sentait réellement pas concerné ou inquiété par les  juridictions Gacaca. Une autre loi qui sema la terreur chez les Hutus, est celle fabriquée de toutes pièces pour poursuivre «le négationnisme et le révisionnisme du génocide ». Une manœuvre bien affûtée pour museler toute velléité contre le régime du FPR. Les Tutsis peuvent proférer, même publiquement, les injures contre le maudit Hutu, mais il ne sera jamais poursuivi même pou une simple contravention. Gare au Hutu qui imite son voisin même sous l’effet de l’alcool, c’est la geôle! Des lois qui font penser à l’Apartheid!

  • Une mauvaise interprétation de la loi

L’interprétation de la loi pour sa bonne exécution relève du pouvoir exécutif. Mais comme on le sait, le dénominateur commun de ces trois classiques pouvoirs, entre autre le législatif, le judiciaire et l’exécutif, est la loi. Un cas flagrant a été soumis au Sénat Rwandais en 2006, c’était la nomination, par le Président Paul KAGAME d’Alfred KALISA, ex-patron de la BCDI, condamné à dix ans de prison pour des malversations financières, corruption et détournement. Le président Paul KAGAME  le nomma en fait Ambassadeur du Rwanda en Angola pour laver ou mieux liquider son propre contentieux avec son gestionnaire. Paul Kagamé l’avait fait, sachant très bien qu’Alfred KALISA avait été condamné pour une peine de plus de 6 mois et qu’il ne pouvait plus être  employé dans le secteur public. En fait, dans la législation rwandaise, toute personne qui écope d’une peine de prison de plus de 6 mois ne peut plus servir dans le service public, à moins qu’il y ait accompli une procédure de réhabilitation. Alfred KALISA qui avait bénéficié d’une grâce présidentielle pour sortir de la prison ne pouvait pas plus être employé du public car la grâce présidentielle n’est pas une amnistie qui blanchit le casier judiciaire. Voici un exemple frappant ou le garant du  respect de la loi, le président Paul KAGAME enfreint à la loi, pour des intérêts personnels! Ce qui est pire dans l’affaire, est l’attitude du Sénat, législateur par excellence qui entérina la nomination en prétendant qu’avec la grâce présidentielle, le casier judiciaire est ipso facto vidé! Ce qui est archi-faux! 

A tout prendre, le pays est devenu la propriété privée de Paul KAGAME, car il ne daigne pas le moindre respect des lois : la constitution, et les lois organiques et décrets ne servent que pour ses intérêts personnels, ceux de sa tribut ou sa clique. Cette main mise sur tous les pouvoirs tant législatifs, judiciaires et exécutifs, Paul KAGAME l’a bien démontré à maintes occasions ; ce qu’il ne cache même pas dans ses discours. Il ne cache pas de dire qu’il dirige le Rwanda comme une entreprise où ses intérêts priment. C’est ce qu’il  répéta, le 30 avril 2021, dans les congrès du FPR quand il compara le Pays à sa maison. Et c’est la philosophie longtemps ressassée par pas de mal de hauts cadres du FPR, qui considèrent le Rwanda comme le butin de leur aventure. Ainsi les Rwandais sont devenus de vrais prisonniers dans leur propre pays qui est devenu une entreprise  privée, une maisonnée de Paul Kagamé. Les Rwandais ne voient plus ce qui se passe  dans le monde réel. Ils sont dans une espèce de caverne où ils voient miroiter des reflets tordus de la réalité. Mais toujours est-il que quand les législateurs s’efforcent de ravir et de détruire les choses qui appartiennent en propre au peuple, ou de le réduire en esclavage, sous un pouvoir arbitraire, ils s’attirent le courroux de ce peuple, qui dès lors est absous et exempt de toute obéissance à leur égard. Donc toutes les fois que la puissance législative violera cette règle fondamentale de la société et soit par ambition, ou par dérèglement, ou par corruption tâchera de se mettre ou mettre d’autres en possession d’un pouvoir absolu sur les vies, sur les libertés, et sur les biens du peuple, par cette brèche qu’elle fera à son crédit et à la confiance qu’on avait prise en elle, elle perdra le pouvoir que le peuple lui avait remis. A bon entendeur, salut!

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