Aucun enfant ne devrait étudier dans le noir

Imaginez que l’électricité soit si rare dans votre pays, la Côte d’Ivoire, que les enfants ne pourraient faire leurs devoirs dans la soirée qu’autour d’une lampe à pétrole ou sous les lampadaires publics. Imaginez que – étant conscient que sans une bonne éducation, les possibilités de sortir de la pauvreté sont limitées – cette situation vous perturbe, au point que vous décidez de prendre ce problème à bras le corps. Quelle solution apporterez-vous à ce problème qui affecte prêt de 70% de la population de votre pays et même du continent?

Aujourd’hui, je suis inspiré par Evariste Akoumian de Côte d’Ivoire. Evariste Trésor Akoumian est né le 15 septembre 1981 à Agnibilékrou, une ville située à 270 km au nord-est d’Abidjan, non loin de la frontière Ghanéenne.

Après son bac scientifique au Lycée moderne d’Agnibilékrou, Evariste rejoint la capitale ivoirienne pour étudier le droit à l’Université Felix-Houphouët Boigny d’Abidjan, l’université nationale de la Côte d’Ivoire fondée en 1963.

Une fois muni de sa Licence en droit, le jeune homme décide de poursuivre une carrière dans le monde des affaires, où il dégotera un poste dans une société spécialisée dans la vente de matériel informatique. Quelques années plus tard, il s’installera à son propre compte, toujours dans ce domaine de la vente de matériel informatique.

Son travail le menait à voyager souvent dans les zones rurales. Un jour, alors qu’il traversait un village à la nuit tombée, après une livraison d’ordinateurs dans une localité voisine, il a remarqué des enfants qui faisaient leurs devoirs autour d’une lampe à huile. A travers ses déplacements dans le pays, il avait déjà constaté le manque de couverture électrique du pays. Mais là, il voyait directement le handicap majeur que constituait cette situation pour l’éducation des enfants. Sans parler de l’impact sur leur santé.

« Je me suis dit qu’il fallait aider ces enfants, les rendre autonomes. Je trouvais ça injuste qu’ils n’aient pas les mêmes chances que ceux qui étudient dans les grandes villes.»

Le problème a continué à le hanter pendant qu’il vaquait à ses occupations professionnelles, se demandant quelle solution il pouvait y apporter. Il est évident qu’il n’avait aucun moyen de résoudre la crise énergétique de son pays, mais il pensait à autre chose, une solution qui toucherait directement les enfants, qui pourrait leur permettre d’avoir accès à la lumière en tout temps et ce sans effort.

Et puis un jour, il a eu un ‘Eureka!’ : pourquoi ne pas créer un cartable avec un panneau solaire?

« Comme on a du soleil à revendre en Afrique, pourquoi ne pas l’utiliser afin d’aider ces enfants à avoir de meilleurs résultats scolaires ? »

En 2016, le jeune homme crée une start-up, Solarpak, et se met à pied d’œuvre pour matérialiser son idée. Par chance, un ami lui prête des locaux à Cocody, non loin de la Faculté de Droit où il a fait ses études mais malgré ces économies sur le plan loyers, le projet engloutira toutes les économies qu’il avait mis à côté grâce aux profits de son business d’informatique. Cela lui prendra une bagatelle de 76.000 Euros – plus de 30 millions de francs CFA – et plus d’une année de travail avant de pouvoir passer une première commande de 500 cartables.

Chaque cartable est doté d’un panneau solaire et d’une lampe détachable qu’on peut alimenter à la batterie par un simple câble USB. Sur le chemin de l’école, l’écolier permet à la batterie de son sac de se recharger. Le Solarpak chargé en électricité permet d’avoir une autonomie de 4 à 5 heures pour la lampe LED.

Les sacs ne sont pas juste utilitaires. Evariste est conscient que la plupart des enfants de son pays n’ont jamais eu de ‘vrai cartables’ pour aller à l’école:

« Les enfants des zones rurales ont aussi le droit d’aller à l’école avec des cartables convenables et non pas des sacs ayant servi à emmagasiner du cacao ou du riz ! »

Le jeune homme est un entrepreneur avisé – comme le démontre le fait qu’il a eu le réflexe de breveter son invention dans plus de 150 pays dans le monde – mais Solarpak est avant tout une entreprise sociale:

« Notre combat, ce n’est pas de vendre ce sac à la population. Nous sommes une entreprise militante. Nous ne sommes pas là pour le profit. »

Son objectif majeur est d’aider les enfants à achever leur cursus scolaire, en leur offrant un minimum pour pouvoir faire leurs devoirs le soir et ainsi accroître leurs chances d’accéder à un emploi décent.

« Ces enfants n’ont-ils pas le droit de réussir? »

Il allie donc la parole aux actes: de son premier lot de 500 sacs, Evariste en offre 200 dans des écoles des villages de la périphérie d’Abidjan, zones où il manque d’éclairages publics.

N’étant pas un philanthrope aux poches profondes, comment fera-t-il marcher sa boite alors ? Son idée de chercher des partenariats avec des structures qui font la promotion de l’éducation afin qu’ils l’aident à atteindre le maximum d’enfant avec cette technologie.

Il présente son projet a tous les acteurs de la place, l’Etat, les ONG, les organisations des Nations-Unies. Tout le monde est emballé par son projet et ses cartables sont peu à peu distribué dans le pays.

Evariste ne compte pas s’arrêter à la Cote d’Ivoire car le manqué d’accès à l’électricité est un problème qui affecte tout le continent africain. Et d’autres pays dans le monde comme il le constatera rapidement à travers les commandes qui lui viennent même d’outre-mer.

C’est ainsi qu’en mars dernier, grâce à un partenariat avec le Ministère de l’Education nationale et de la Formation professionnelle de Haïti – oui vous avez bien lu, Haïti, terre de Toussaint l’Ouverture et des Fugees – et le bureau de l’Unesco à Port-au-Prince, Solarpak a fait un don de 1 000 sacs scolaires avec batterie solaire à nos cousins distants des Caraïbes.

« Ce pays est tant meurtri aujourd’hui, mais il a contribué à l’émancipation de beaucoup de Noirs à travers le monde ».

Comme vous pouvez l’imaginer, notre jeune inventeur a remporté plusieurs concours et reçu des prix qui ne font que l’encourager dans ce chemin qu’il a choisi. Ainsi, Evariste a reçu le 1er prix au concours de la Global Social Venture Competition (GSVC) francophone à Paris et a été l’un des finalistes de l’Edition Américaine de ce même concours. La GSVC donne aux étudiants et aux jeunes diplômés l’opportunité de transformer leurs idées en projets concrets pour répondre aux enjeux sociaux et environnementaux les plus pressants.

Evariste a également reçu de la Fondation Orange un prix de l’Entrepreneur Social de l’année, et de l’Association 3535 le prix jeunesse francophone 35.35 – un prix qui récompense chaque année 35 jeunes francophones de moins de 35 ans qui ont fait des réalisations exceptionnelles dans leurs communautés.

Cette année, Evariste a reçu le prix du mérite au Forum Afrique Expansion de Montréal et a été un des lauréats du prix African Prestigious Awards 2018. Il a été également parmi les finalistes du prix African Talent Awards 2018.

Evariste s’est fixé comme objectif d’atteindre 10 millions d’écoliers à travers le monde. Un autre objectif qu’il espère atteindre le plus tôt possible: fabriquer ses sacs en Côte d’Ivoire au lieu d’avoir à les commander en Chine comme c’est le cas aujourd’hui. Avec une usine locale, Evariste pourra non seulement aider les enfants à étudier dans un cadre plus serein mais il pourra aussi créer des emplois pour leurs parents.

« Je dis à tous ces jeunes d’avoir foi en eux, d’aller de l’avant, de vivre leurs rêves. Rien n’est impossible à celui qui croit. Tu as un rêve, il faut le vivre. »

Félicitations pour votre contribution à l’Héritage de l’Afrique, Evariste! #BeTheLegacy #WeAreTheLegacy #Mandela100 #UMURAGEkeseksa

Contributeurs

Um’Khonde Habamenshi
Lion Imanzi