François Soudan au Rwanda ou le degré zéro du journalisme

François Soudan est directeur de rédaction de l’hebdomadaire parisien « Jeune Afrique ».  Cet hebdomadaire est souvent désigné par dérision comme « Jeune à Fric » à cause de sa propension à décrocher des « contrats de communication » mirobolants mais immoraux surtout auprès des dictatures africaines, contrats dont François Soudan est souvent le maître d’œuvre.

En ce mois de janvier 2014, F. Soudan séjourne au Rwanda où il a été dépêché pour voler au secours de ‘‘son ami’’ Paul Kagame en participant à la campagne d’enfumage de l’opinion  pour la détourner des remous et surtout de l’indignation soulevés par l’assassinat du colonel  Patrick Karegeya égorgé par les agents du général-président dans un hôtel de Johannesburg dans la nuit du 31/12/2013  au 01/01/2014. C’est dans ce cadre qu’il vient d’écrire un article décrivant la résidence privée de l’ancien président Juvénal Habyarimana assassiné le 06/04/1994 que le régime actuel a transformé en « musée de l’horreur ».

En visitant ces lieux, le journaliste François Soudan ne s’est posé aucune question sur comment une résidence privée construite dans une parcelle que Juvénal Habyarimana avait acquise quand il était encore ministre et dans laquelle il a construit, à ses frais et  laborieusement, sa maison et dont la famille possède le titre de propriété, est devenue tout à coup après juillet 1994, « une résidence officielle du président » et donc propriété de l’Etat. L’admirateur et ami de Paul Kagame n’a pas trouvé étrange le fait que « le palais présidentiel » ait été construit sans qu’aucun article budgétaire ne soit voté à cet effet et qu’aucun service financier du pays n’ait payé la moindre facture à un particulier ou à une entreprise pour la construction de cette « résidence officielle » des présidents rwandais. François Soudan sait pourtant que cette maison est squattée depuis 1994 par les conquérants venus d’Ouganda comme ils l’ont fait à travers tout le pays mais que la spécificité de la propriété de Juvénal Habyarimana est que 20 ans après, elle reste squattée alors que la plupart des propriétés squattées ont été restituées à leurs propriétaires légaux.

Une visite guidée ou une séance de voyance ?

D’entrée de jeu, François Soudan commence par une contre-vérité énorme : selon lui, depuis avril 1994, rien n’a bougé dans cette villa de Juvénal Habyarimana, tout est resté en place. Le brave propagandiste croit que  tout le monde a oublié que dès juillet 1994, le pantin président hutu Pasteur Bizimungu a habité la maison de Habyarimana à Kanombe, histoire peut-être de l’exorciser, et que ce « hutu de service » y est resté plusieurs années. Le « musée » qu’a donc visité le journaliste F. Soudan en janvier 2014 a été réarrangé après le déménagement de Pasteur Bizimungu qui, naturellement, y avait modifié quelque chose. Le compte-rendu de la visite du journaliste laisse entendre que Habyarimana avait placardé sur chaque pièce de la résidence un écriteau indiquant sa destination car il reconnaît sans hésiter : la salle des réunions de l’« Akazu » ; la salle de torture avec une salle de bain pour la remise en forme des suppliciés ; la salle des devins, etc. Comment autrement, 20 ans après, saurait-il à quoi servait chaque salle avec autant de précisions allant jusqu’à savoir qui y tenait discours et ce qu’il disait (salle Akazu) ? Pourtant, tous ceux qui ont été hôtes de la famille Habyarimana dans cette villa de Kanombe n’avaient jamais décelé dans chaque salle qu’ils traversaient la destination que François Soudan croit avoir été le seul visiteur 20 ans après à constater dès le franchissement de la porte d’entrée. De toute évidence, le vertueux journaliste reprend à son compte le discours convenu et bien rodé du guide de « musée » comme partout au monde, et il le présente à ses lecteurs comme ses propres observations sur les lieux.

Dans ses fantasmes, plutôt son mépris envers les lecteurs, François Soudan revient sur les mythes qui ont été depuis belle lurette démystifiés et qui, même devant la justice,  se sont révélés plutôt comme des slogans de propagande que de réalités sociales. C’est le cas du terme « Akazu ». Il profite de l’occasion pour le recycler alors qu’il a été dégonflé. Devant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, Monsieur Protais Zigiranyirazo, qui était accusé notamment d’appartenir à « l’Akazu », une organisation criminelle qui aurait planifié le génocide, a été acquitté de tous les chefs d’accusation et le concept « Akazu » a été vidé de sa substance car ce n’était que du vent. Même un certain Michel Bagaragaza qui avait accepté de plaider coupable afin de charger les détenus notamment ceux accusés d’appartenir à cette organisation « Akazu » n’a pas pu en définir les contours (statuts, règlements,…), ni où et quand se tenaient ses réunions, qui les présidait et quel était l’ordre du jour…Et voilà que 20ans après, le brave journaliste de “Jeune à Fric” découvre, comme par hasard, après la fermeture du TIPR, le lieu où se tenaient les réunions de « l’Akazu » avec, espérons-le, des comptes-rendus de ces réunions !

« Heureusement que le ridicule ne tue pas » !

F. Soudan pousse le ridicule jusqu’à revendre la supercherie du FPR destinée à la consommation des non-rwandais car aucun Rwandais en âge de raison ne peut tomber dans le panneau. Il traduit le terme « INYENZI » par « cafards » pour clamer que les Tutsi étaient déshumanisés par les Hutu, alors que cet acronyme « INYENZI » était le nom que les combattants tutsi eux-mêmes, qui ont attaqué la jeune République Rwandaise de 1960 à 1968 à partir des pays voisins, s’étaient donnés, en référence aux guerriers tutsi du 19° siècle : INgangurarugo Yiyemeje kuba IngENZI : INYENZI.  Donc rien à voir avec les « cafards ». L’un des derniers Inyenzi, Aloys Ngurumbe, dans une interview donnée au journal pro-FPR Kanguka en février 1992, a précisé la signification de ce nom de guerre. Dans le livre écrit par l’un des idéologues du FPR, Antoine Mugesera, il apparaît aussi que le terme Inyenzi est un nom de guerre inventé par un certain Umutayi dans un camp en Ouganda dans les années 60.

Quelques interrogations en guise de conclusion

Pour détourner l’opinion qui commençait à se poser des questions sur les crimes commis par Paul Kagame, le journaliste François Soudan avait-il besoin de tomber si bas ? Est-il enfin au bout des arguments pour vendre l’image de son bailleur de fonds car visiblement il ne trouve plus que des anciens mensonges à recycler et à relancer ? A-t-il encore du respect pour ses lecteurs ou est-il simplement préoccupé par caresser l’égo du dictateur de Kigali quelles que soient les balivernes lancées dans son média ? Ce serait vraiment triste.

Jane Mugeni
30/01/2014

Source: Musabyimana.net