La petite fille qui rêvait d’Opéra

Imaginez que vous rêviez de devenir chanteuse d’opéra, quand vous n’étiez encore qu’une petite fille, chez vous au Moazambique. Imaginez que votre talent soit reconnu et que vous soyez envoyée à l’étranger pour étudier dans l’une des écoles les plus prestigieuses au monde. Imaginez qu’un des enseignants de cette fameuse école, quelqu’un qui est censé élargir votre horizon, vous dise sans ambages que les Africains ne peuvent pas chanter l’opéra. Cette remarque raciste vous déstabiliserait-elle et vous empêcherait-elle d’apprendre le chant, prouvant ainsi leur point de vue ? Ou défieriez-vous ces idées préconçues et deviendriez-vous la première Africaine noire chanteuse d’Opera?

Aujourd’hui, je suis inspiré par Stella Mendonça du Mozambique. Stella est née en août 1970 à Nampula, une province du nord-est du Mozambique. Aussi loin qu’elle s’en souvienne, Stella voulait devenir musicienne classique, mais elle savait qu’elle devrait aller étudier à l’étranger si cela devait arriver. Elle s’est appliquée et Dieu a entendu ses prières. À l’âge de 15 ans, Stella a obtenu une bourse pour aller étudier au Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon, en France!

Ce n’était pas facile de quitter son pays et sa famille alors qu’elle n’était encore qu’une adolescente, mais Stella savait que c’était la seule voie vers son rêve. Quand elle a débarqué en France en 1985, la jeune fille pensait que son plus grand défi allait être de s’adapter à une nouvelle culture et une nouvelle langue. Elle était consciente qu’il n’y avait pas beaucoup de Noirs dans son domaine, mais cela ne la troublait guère car elle avait confiance en son talent. Imaginez donc son choc quand un des enseignants de l’école a affirmé qu’elle ne pouvait pas chanter l’opéra « parce que la forme de la tête des Africains noirs affecte la résonance »! Non, mais! Pouvez-vous vous imaginer ça? Dans les années quatre-vingt?

Plutôt que de la décourager, ce commentaire raciste l’a poussée à travailler encore plus dur. « J’étais très contente de lui prouver le contraire ».

Ses efforts ont porté leurs fruits. Stella a complété ses études à Lyon puis au Conservatoire de Paris avec succès et décroché une License en histoire de la musique et une Maitrise en études vocales. Pendant ses études, elle a pu travailler avec les meilleurs professeurs et suivre de nombreuses classes de maître, affinant à la fois ses compétences musicales et interprétatives.

Après ses études en France, Stella intègre le «Studio di belcanto» à Berne, en Suisse, l’école du grand Maestro Dennis Hall. Dennis Hall fut tellement impressionné par son talent, qu’il continua à la coacher pendant plusieurs années. Quand il a pris sa retraite en 2002, il lui a même demandé de reprendre en main son école de voix !

La carrière de Stella sur scène évoluait également à toute vitesse. Stella a commencé en jouant des rôles secondaires, mais il ne fallut pas longtemps avant que son impressionnant Soprano ne la propulse sur le devant de la scène. En 1998, la jeune chanteuse d’origine africaine fait ses débuts dans le rôle principal de «The Merry Widow» de Franz Lehar. C’était un succès triomphal!

Depuis cette prestation, Stella ne reçoit plus que des offres pour des rôles principaux, rôles jamais joués auparavant par des Africains sur la scène mondiale. Stella est tour à tour ‘Mimi’ dans « La bohème » de Giacomo Puccini, ‘Bess’ dans « Porgy and Bess » de George Gershwin et, en 2001 et 2002, une magnifique ‘Aïda’ dans la version concert de « Aïda » de Giuseppe Verdi, l’un des plus grands opéras de tous les temps!

Mais Stella ne voulait pas en rester là. Bien qu’elle ait réalisé son rêve d’enfance et se produisait sur les plus grandes scènes du monde, Stella rêvait de ramener l’Opéra chez elle.

Consciente que l’Afrique est pleine de jeunes talents qui n’auront jamais la même chance qu’elle a eu quand elle n’était encore qu’une petite fille et tout le long de sa carrière, Stella décide de fonder SONÇA international, une organisation à but non lucratif vouée à la promotion de l’éducation artistique en Afrique.

En 2002, à travers sa fondation, Stella collabore avec le chanteur d’opéra Mark Jackson pour adapter « Carmen ». Stella a ensuite produit l’opéra elle-même dans son pays d’origine et joué le rôle principal lors des représentations dans les principales villes du Mozambique. Beaucoup de ses compatriotes n’avaient jamais vu d’opéra auparavant, et encore moins un opéra avec une fille du Mozambique qui dirigeait la représentation!

En 2013, Stella Mendonça et son amie Sonia Mocumbi, les deux seules chanteuses d’opéra internationales du Mozambique, ont uni leurs forces avec l’Université pédagogique de leur pays (Universidade Pedagógica) pour créer, à Maputo, une école de musique: MUSIARTE. Cette école, rebaptisée plus tard Conservatoire de Musique et d’Art Dramatique offre une éducation musicale aux enfants mozambicains dès leur plus jeune âge, même dès l’âge de trois ans. L’école propose des cours de piano, voix, violon, guitare, percussions, instruments à vent, théorie de la musique, formation à l’écoute et chœur d’enfants. Les enfants les plus doués peuvent auditionner et intégrer la chorale de l’école. Ce bel ensemble de talents de tous les âges, VOCALIS, a commencé à conquérir les publics de par le monde, suivant ainsi les pas de leur bienfaitrice. Le répertoire de VOCALIS s’étend du classique au jazz et un mélange de chansons africaines traditionnelles.

Stella travaille en ce moment sur un projet qui lui tient beaucoup à cœur: le premier Opéra avec une histoire Mozambicaine. Depuis quelques années, Stella et son équipe œuvrent sur l’adaptation du roman «Terra Sonâmbula» (Terre Somnambule) de l’auteur Mozambicain Mia Couto. Le livre, qui a reçu plusieurs prix et a déjà été adapté au cinéma, raconte l’histoire de Muidinga, un réfugié orphelin, perdu au beau milieu de la guerre civile au Mozambique, à la recherche de sa mère.

Et ne croyez pas que Stella ait pris sa retraite de chanteuse d’Opéra, non messieurs dames! En plus de diriger une fondation internationale, une école en Suisse et une autre au Mozambique, d’adapter des opéras pour le public africain et de diriger un projet de création d’un opéra purement Mozambicain, la Cantatrice continue de se produire en Europe, aux États-Unis et en Afrique!

Félicitations pour votre contribution à l’héritage de l’Afrique, Stella! Et merci d’avoir ouvert la voie à d’autres enfants africains qui rêvent de suivre vos pas. Nós estamos orgulhosos de você! 

Um’Khonde Habamenshi