Procès en Appel de Béatrice Munyenyezi : Nouveaux Témoins et Preuves Suscitent la Controverse

Le 12 septembre 2024, l’affaire Béatrice Munyenyezi a repris devant la Cour d’appel spécialisée dans les crimes internationaux et transfrontaliers, située à Nyanza. Béatrice Munyenyezi, détenue à la prison de Nyarugenge, conteste une condamnation à perpétuité prononcée par la Cour intermédiaire de Huye pour son rôle présumé dans le génocide de 1994.

Cependant, cette audience a pris une tournure inattendue. En effet, Béatrice Munyenyezi et son avocat, Me Bikotwa Bruce, ont découvert que le parquet avait récemment ajouté de nouvelles preuves à son dossier, y compris des témoignages inédits. Selon Me Bikotwa, ces ajouts — représentant plus de 150 pages — n’ont été versés au dossier que 20 jours avant l’audience, mettant ainsi la défense dans une position délicate. Ces nouveaux éléments incluent, entre autres, des témoignages de personnes déjà interrogées lors du premier procès, ainsi que des documents académiques que la défense n’avait pas eu l’occasion de consulter.

Face à cette situation, l’avocat de Munyenyezi a sollicité un délai supplémentaire, demandant plus d’un mois pour enquêter sur ces preuves. « C’est nous qui sommes affectés par cette situation, et il est hors de question que l’affaire soit précipitée », a plaidé Me Bikotwa devant la Cour. Il a également rejeté la proposition du parquet visant à organiser une audience préliminaire pour garantir la sécurité des témoins, arguant que cela ne ferait que retarder encore plus le procès.

Le ministère public a confirmé l’introduction de nouvelles preuves et a reconnu que la défense devait avoir suffisamment de temps pour les examiner avant de poursuivre l’audience sur le fond. Le parquet a cependant défendu l’idée d’une audience préliminaire en affirmant que la sécurité des témoins était une priorité.

Après délibération, la Cour a partiellement accédé aux demandes de la défense en accordant un délai pour permettre à Béatrice Munyenyezi et à son équipe de préparer une réponse adéquate aux nouvelles preuves. La Cour a également pris en compte la question de la protection des témoins, mais a décidé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une audience préliminaire pour cela.

Ce procès en appel est suivi de près, non seulement en raison des nouvelles preuves et des témoins, mais aussi à cause des incohérences relevées lors du premier procès. Par exemple, plusieurs témoignages ont affirmé que Béatrice Munyenyezi étudiait à l’université au moment des faits, alors qu’il est prouvé qu’elle n’avait pas encore terminé ses études secondaires. D’autres éléments embarrassants ont également été soulevés, notamment l’accusation selon laquelle Munyenyezi aurait supervisé des barrages routiers à Butare, alors même qu’elle était enceinte de plusieurs mois à l’époque. De plus, certains observateurs s’interrogent sur la logique de ces accusations, soulignant que Munyenyezi, originaire du nord du Rwanda, aurait eu peu d’influence dans la ville de Butare, une région dominée par des intellectuels du sud, où les habitants du nord n’étaient pas bien accueillis.

Certains analystes suggèrent que Béatrice Munyenyezi paie aujourd’hui pour ses liens familiaux. En effet, elle est l’épouse de Shalom Ntahobari et la belle-fille de Pauline Nyiramasuhuko, tous deux condamnés par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) à Arusha.

Après avoir vécu aux États-Unis, Béatrice Munyenyezi a été extradée vers le Rwanda en 2021. Elle continue de clamer son innocence, niant toute participation aux crimes dont elle est accusée. Ce procès en appel sera crucial pour déterminer si ces nouvelles preuves et témoignages renforceront ou affaibliront les accusations portées contre elle.