Réaction du RNC sur la tenue de la compétition UCI 2025 au Rwanda

Cher Monsieur David Lappartient

Président de l’Union Cycliste Internationale

De votre Tweet que 2025 sera l’année de l’ Afrique et que l’UCI se rendra à Kigali. Les critiques sur votre position sont aussi disponibles sur Mondiaux 2025 : Le choix du Rwanda critiqué, Lappartient répond (orange.fr) ; mais notre position comme parti d’ opposition Rwandaise est la suivante.

Rwanda National Congress (RNC) – Parti politique d’opposition au pouvoir en place au Rwanda tient à exprimer sa profonde indignation face à votre position selon laquelle la compétition UCI 2025 se tiendra au Rwanda au mépris de tout tollé concernant les violations des droits de l’homme par le président rwandais Paul Kagame et son système. La politique de mensonge du gouvernement du Front patriotique rwandais (FPR) qui continue de salir l’image du Rwanda et des Rwandais à cause du style de leadership autoritaire du président Kagame, dont vous êtes peut-être parmi les grands admirateurs et partisans contre toute décence humaine devrait vous ramener à la raison. Le Rwanda a échoué à la fois dans les sports et dans la politique internationale. Deux exemples peuvent vous éclairer si vous êtes ouvert à ce débat.

(1) Dans les sports

Depuis son arrivée au pouvoir, le FPR a choisi la stratégie du mensonge et la corruption pour se prévaloir de succès indus à tout prix, afin de se faire des éloges qui ne sont pourtant pas méritoires. Nombre d’exemples ont été enregistrés :

Samedi le 18 septembre 2021, RNC et le monde entier ont assisté à un scandale spectaculaire dans lequel, l’équipe nationale de volleyball du Rwanda a été disqualifié et éliminée du championnat d’Afrique des Nations de volleyball après que la Fédération Africaine de Volleyball ait découvert que parmi les joueurs de l’équipe nationale du Rwanda, quatre femmes, qui étaient des meilleurs, étaient de nationalité brésilienne ayant acquis la citoyenneté rwandaise pour convenir au Championnat quelques jours avant son début sans respecter les règles internationales pour changer de nationalité sportive. (Voire le site Rwanda disqualified from Africa Volleyball Championship over ineligibility (insidethegames.biz)

C’est un évènement qui a couté très cher au people rwandais sur le plan éthique et moral, diplomatique et économique. RNC déplore que le peuple rwandais soit obligé de payer le prix des 4 joueurs brésiliens qui s’élève à $40 millions de dollars, et rembourser à la fédération internationale de volleyball la somme totale de 400 milles dollars américains qui a été versée au compte du gouvernement rwandais pour couvrir toutes les charges du championnat. C’est une honte, une humiliation pour notre pays, qui pourtant se connait d’avoir des femmes et hommes physiquement aptes de remporter les jeux s’ils étaient bien entrainés. On se demanderait comment un Président d’un pays aussi pauvre comme le Rwanda, se permet le luxe de donner $40 millions à Arsenal (Does Arsenal’s Visit Rwanda shirtsleeve deal remain a ‘compelling fit’? | Football | The Guardian) et autant à Paris Saint Germain (Rwanda inks deal with PSG football club to promote tourism (france24.com) au lieu d’investir ces fonds pour développer le sport au niveau national!

Le régime de Kigali est devenu célèbre dans la manipulation des statistiques pour tromper l’opinion international. Le FMI et la Banque mondiale découvrent constamment des disparités dans les rapports statistiques sur l’économie du Rwanda. Récemment, le régime de Kigali s’est targue d’une augmentation économique de 20% pendant que la population majoritaire trouve difficilement un seul et maigre repas par jour!

RNC se joint à tout le peuple rwandais pour condamner énergétiquement votre décision et support pour tenir le championnat de cyclisme au Rwanda en 2025 malgré l’extravagance, la corruption et la malhonnêteté qui caractérisent le régime du FPR, qui sont pourtant contraire à l’éthique de tout sport.

(2) En politique et diplomatie internationale, ça va du mal au pire comme l’exprime Mr. Johan Swinnen, Ancien Ambassadeur de Belgique au Rwanda. L’entièreté de son analyse est trouvable sur le lien vous fournit mais pour votre intérêt, voici le texte de l’ analyse. Brussels-Kigali: a crisis that must open up prospects (carte blanche) – Belgium – LeVif .

« Le Rwanda est trop important, certainement pour la Belgique, pour donner lieu à une relation maladivement convulsive, estime l’ancien ambassadeur belge Johan A. Swinnen. Ni l’arrogance ni l’indulgence n’ont leur place dans cette relation. »

La condamnation du Belge rwandais Paul Rusesabagina par la justice rwandaise et la réaction critique de notre ministre des Affaires étrangères Sophie Wilmès ont provoqué un conflit diplomatique entre Bruxelles et Kigali. La réunion prévue à New York a été rapidement annulée par le collègue rwandais Biruta.

L’intention de Wilmès était cependant parfaitement légitime et justifiée. Il est approprié pour deux pays qui entretiennent de bonnes relations de discuter à un niveau politique élevé dans le cas où une divergence d’opinion menace de mettre en péril la sérénité des relations. La réaction de notre vice-premier ministre au verdict est le prolongement logique des préoccupations exprimées par la diplomatie belge depuis l’arrestation controversée – par enlèvement – de notre compatriote Rusesabagina, et tout au long du procès. Les droits de la défense n’ont pas été garantis. Le condamné n’a pas bénéficié d’un procès équitable.

L’annulation de l’entretien a été annoncée par Kigali avec une référence cinglante au
« mépris » (contempt) que la Belgique aurait tendance à montrer envers son partenaire rwandais.

Ni l’attitude rwandaise ni le langage utilisé n’ont leur place dans une relation normale, et certainement pas lorsque l’option d’un entretien serein était sur la table, afin de clarifier les positions et d’éviter les « crises cumulatives ». Même en diplomatie, les discussions franches et respectueuses peuvent être utilisées au titre de bonne thérapie.

Mais le président Kagame et ses partisans ne semblent pas très enclins au dialogue, une fois de plus. Peut-être n’en sont-ils pas capables non plus. Ils fuient le débat approfondi où les mots des uns et ceux des autres, les arguments et les contre-arguments, sont patiemment et calmement expliqués et pesés. Trop souvent, nous devons nous contenter d’une attitude témoignant de faiblesse intellectuelle et morale : des attitudes dénigrantes et arrogantes, des slogans et de la propagande, des reproches et des accusations, des mensonges ou des histoires tronquées. Les observateurs sont de moins en moins nombreux pour apprécier un discours lamentablement réducteur et amer.

En fait, le verdict et les tribulations qui l’accompagnent produisent aussi des effets que nous ne devrions pas trop regretter pour autant. Peu à peu certaines choses deviennent plus claires. L’indulgence, voire la flatterie, avec lesquelles les réalisations du régime Kagame ont été applaudies, font désormais place à de sérieux doutes, voire à un jugement critique. Des aspects plus sombres du même « modèle » deviennent plus difficiles à étouffer ou à maquiller. Bien que les masques de Kagame soient tombés et que les oeillères des admirateurs aient disparu depuis un certain temps déjà, beaucoup disent aujourd’hui : ça suffit. Kagame doit être rappelé à l’ordre et rendre des comptes, tant pour son passé que pour ses pratiques actuelles, qui bafouent les droits de l’homme. Le complexe de culpabilité de la communauté internationale pour son comportement négligent pendant le génocide, que Kagame a habilement exploité, approche de sa date d’expiration.

Il ne doit pas être agréable pour certains dirigeants politiques belges, qui ont cru et agi avec des réflexes prudents, voire complaisants, face à la situation préoccupante du Rwanda, de devoir subir le comportement insultant d’un leader d’un pays ami et de ne récolter que du mépris. De telles frustrations sont également susceptibles de se manifester dans certains secteurs de notre société civile, dans quelques medias et ong, voire même dans certains milieux académiques. Le président Macron a peut-être négocié des accords intelligents à Kigali en échange d’une attitude soumise envers le dictateur rwandais, mais cela n’explique pas le fait qu’une grande partie de l’intelligentsia française se plie aux diktats de la propagande rwandaise. La parodie de procès de Rusesabagina provoquera, espérons-le, un tant soit peu de remous et d’indignation là-bas aussi.

Le temps n’est-il pas venu de se libérer des représentations politiquement correctes, de la pensée unique et polarisante concernant le génocide rwandais, et de s’opposer aux effets pervers d’une telle approche ? N’est-il pas temps que les Rwandais et les non-Rwandais puissent dire ce qu’ils ont sur le coeur, poser des questions légitimes ou simplement s’opposer à des récits colportés et à des politiques répréhensibles sans être systématiquement mis aux bans des négationnistes et des divisionnistes ?

Le Rwanda et l’Afrique sont trop importants pour être les victimes d’un débat pollué où il n’y a pas de place pour la nuance, le questionnement, l’écoute, le respect.

Je ne me sentirai jamais empêché de continuer à dénoncer les forces négatives qui ont provoqué et perpétré le génocide, et à souligner les aspects positifs de la reconstruction du pays, mais je continuerai également à m’opposer aux indignations sélectives qui relativisent ou banalisent les violations des droits de l’homme, en arguant que le Rwanda a subi des calamités bien pires il y a 30 ans et connaît aujourd’hui des taux de croissance spectaculaires. En toute honnêteté, nous devons nous demander si le génocide a livré tous ses secrets et si les statistiques rwandaises ont été épargnées de tout embellissement cosmétique.

Le Rwanda est trop important, certainement pour la Belgique, pour donner lieu à une relation maladivement convulsive. Ni l’arrogance ni l’indulgence n’ont leur place dans cette relation. Les Belges et les Rwandais doivent comprendre qu’un dialogue mûr, dans un esprit de respect mutuel, offre les meilleures opportunités. Investir dans le respect conduit à une relation de confiance, dans laquelle les aspects positifs et moins positifs peuvent et doivent être mentionnés, avec tact, nuance et volonté d’écoute, même si une certaine assertivité s’impose, à l’occasion. Veillons surtout à ne pas tomber dans le piège où le mépris et le dédain peuvent prospérer.

Johan A. Swinnen
Ancien ambassadeur au Rwanda (1990-94) Auteur de « Rwanda, mijn verhaal » (Polis, 2016)

Le RNC espère que vous, Monsieur David Lappartient, vous ne faites pas parti des «partisans» ou même de l’arrogance et l’indulgence de Monsieur Kagame dont décrie Monsieur Swinnen.

Pour toute information, veuillez contacter le docteur Etienne Mutabazi, Porte-parole du RNC au numéro +27671172724 ou sur [email protected]