Droit de réponse à la carte blanche «Rwanda: oui au dialogue, non au révisionnisme»

Par Charles Ndereyehe

Cité dans la carte blanche de Lætitia Tran Ngoc, « Rwanda : oui au dialogue, non au révisionnisme », parue sur notre site le 18 avril 2018, Charles Ndereyehe nous prie de diffuser le droit de réponse suivant :

Dans un article intitulé « Rwanda: oui au dialogue, non au révisionnisme » publié en date du 18 Avril 2018 dans votre journal par «Lætitia Tran Ngoc, chercheuse indépendante» mon nom a été mentionné laissant planer l’idée que je serais révisionniste/négationniste. Pire encore la chercheuse qui se dit indépendante affirme sans réserve que, je cite: «…Charles Ndereyehe, toujours recherché pour son rôle dans le génocide perpétré contre les Tutsis…» fin de citation. 

En foi de quoi je vous demande de publier mon droit de réponse conformément aux lois en vigueur en Belgique.

1. Je n’ai jamais été négationniste ou révisionniste. Que ça soit moi personnellement ou les organisations auxquelles j’ai appartenu ou j’appartiens, nous reconnaissons le génocide perpétré contre les Tutsi. Le Rassemblement pour le retour des réfugiés et la Démocratie au Rwanda (RDR) a reconnu le génocide des Tutsi, il y a 21 ans, dans son congrès extraordinaire tenu à Namur le 16-17 Aout 1997; Les Forces démocratiques Unifiées (FDU-Inkingi) par la voix de sa président Mme Victoire Ingabire Umuhoza ont officiellement déclaré notre position sur le génocide des Tutsi, et la Cour Africaine de droits de l’homme et des Peuple à Arusha a par ailleurs statué que son appel pour la justice de toutes les victimes de la tragédie rwandaise quels que soient la nature où l’auteur du crime ne constitue pas le déni du génocide ou le négationnisme. Le programme politique de la Plateforme P5, qui comprend aussi de rescapés du génocide, est très claire sur le génocide commis au Rwanda. 

2. Mes articles publiés sur Jambo, un concerne « Victoire Day » où je dénonce les arrestations et détentions arbitraires d’opposants politiques, un autre concerne « Les politiques agricoles du FPR durant les 23 ans de son règne » où je critique la mauvaise politique agricole qui a causé une famine chronique au Rwanda. Je défie la chercheuse Laetitia d’expliquer comment les critiques du régime de Kigali deviennent des propos négationnistes ou révisionnistes.

3. La chercheuse se contente de véhiculer sans réserve les affabulations du gouvernement du FPR à justifier « le harcèlement, l’arrestation et abus d’opposants politiques, de défenseurs des droits de l’homme et d’individus perçus comme une menace pour le contrôle du pouvoir ». Tout d’abord le gouvernement Rwandais connait bien mon adresse et mon numéro de téléphone. Après le refus à plusieurs offres du FPR pour collaborer avec son régime, le gouvernement rwandais s’est adressé à plusieurs reprises au gouvernement de mon Pays, les Pays-Bas, en m’accusant des crimes que je n’ai jamais commis. Après la création des FDU-Inkingi, le FPR m’a placé en 2005 sur la liste Interpol. Le dossier était vide. Ma collaboration avec les avocats de la défense des prisonniers d’Arusha et mes interventions durant les conférences qu’ils ont organisé à la Haye et à Bruxelles, autour du thème “TPIR-defense heritage” en 2009 et 2010, ont fait déborder le vase. La croisade contre moi s’est ensuite intensifiée depuis la décision de Victoire Ingabire Umuhoza de lancer les défis à Kagame au Rwanda en 2010. Elle voulait inscrire les FDU-Inkingi comme Parti pour pouvoir participer aux élections présidentielles. Mon dossier fut donc introduit auprès des autorités néerlandaises. Il s’en est suivi qu’en 2012 le service d’immigration des Pays-Bas a voulu me retirer la nationalité et le passeport. Comme nous vivons dans un Etat de droit, j’ai eu recours au Tribunaux. J’ai gagné le procès sans appel en 2015.

4. S’agissant de la liste d’Interpol sur laquelle je figurerai, il est de notoriété publique que le secrétariat d’Interpol n’est pas habilité à trancher sur le fond. Au nom de la sacro-sainte souveraineté des Etats membres, Interpol ne juge que la forme. Le fait donc de figurer sur la liste d’Interpol ne signifie pas forcément qu’on soit coupable. La justice allemande s’est dernièrement prononcée sur un dossier similaire et n’a eu d’autre choix que de relaxer le prévenu qui avait été arrêté sur mandat d’arrêt rwandais. Il est connu que le régime utilise ces mandats à des fins politiques.

La chercheuse qui se réclame « indépendante » aurait dû avoir la délicatesse d’appliquer le principe de « présomption d’innocence » et, avec un peu d’efforts, elle aurait découvert que je ne suis pas un criminel qui se cache quelque part. Elle saurait également que le FPR publie régulièrement des listes sauvages contre ses opposants et forme des délateurs qui se professionnalisent dans des faux témoignages. 

Par ailleurs , force est de constater qu’aujourd’hui, face à l’avalanche de preuves sur les responsabilités directes des hauts dirigeants actuels du Rwanda dans le génocide contre les Tutsi et autres crimes contre l’humanité, ils déploient des efforts immenses pour faire diversion, notamment en continuant de faire porter le chapeau à d’autres. Les dirigeants rwandais et leurs sponsors espèrent ainsi, retarder, le plus longtemps possible, la tenue d’un dialogue inter-rwandais hautement inclusif et l’ouverture de l’espace politique.

J’ose espérer que la chercheuse « indépendante » Lætitia Tran Ngoc, n’est pas tombée dans ce piège de stratégie de désinformation.