Jean-Luc Habyarimana évoque les derniers moments avec son père, trente ans après.

Il y a trois décennies, Jean-Luc Habyarimana partageait des instants précieux et intimes avec son père, l’ex-Président rwandais Juvénal Habyarimana. Ce fut un moment de profonde connexion entre le père et le fils, un souvenir qui restera gravé dans la mémoire de Jean-Luc. Alors âgé de 18 ans, il était loin de s’imaginer que ces moments seraient les derniers en compagnie de son père.

Les accords de paix d’Arusha, signés en août 1993, marquaient une étape cruciale pour le Rwanda. Sous la pression internationale, ces accords attribuaient une part significative du pouvoir au Front Patriotique Rwandais (FPR), incluant la moitié des forces armées et un tiers du gouvernement et du parlement. Ces dispositions devaient mener à des élections générales, dans un contexte marqué par les violences attribuées au FPR depuis 1990.

Jean-Luc rappelle la stratégie brutale du FPR après sa défaite en octobre 1990. En se réorganisant en guérilla, le FPR a adopté une tactique de terre brûlée, massacrant des milliers de paysans et provoquant un exode massif. Plus d’un million de personnes ont fui la terreur instaurée par le FPR, exacerbant les tensions dans le pays.

La sécurité de la famille Habyarimana était devenue une préoccupation majeure. En 1993, Jean-Luc et sa sœur ont été envoyés étudier en Égypte, une décision prise après que plusieurs services de sécurité étrangers aient alerté sur les risques d’enlèvement par le FPR. Lors de leur retour au Rwanda pour les vacances de Pâques 1994, ils ont été confrontés à un climat de peur, nécessitant des mesures de sécurité renforcées pour chacune de leurs sorties.

Le 3 avril 1994, Jean-Luc et son père ont entrepris un voyage vers Gisenyi, partageant des moments de conversation et de complicité. Ce trajet, durant lequel Juvénal Habyarimana conduisait et Jean-Luc l’accompagnait, est devenu un souvenir cher à Jean-Luc, témoignant de la transmission de valeurs entre un père et son fils.

À Gisenyi, un déjeuner avec des amis et des figures importantes, dont le diplomate camerounais Jacques-Roger Booh-Booh, représentant de l’ONU, a été l’occasion d’un sombre avertissement. Booh-Booh a confié à Juvénal Habyarimana que Paul Kagame, le leader du FPR, avait l’intention de l’éliminer. Pour Jean-Luc, cette révélation a marqué le début d’une tragédie qui allait plonger le Rwanda dans une profonde crise.

Trente ans plus tard, Jean-Luc Habyarimana se remémore ces instants avec émotion, réfléchissant sur les événements qui ont suivi et la voie de la destruction choisie par le FPR et son chef. Ces souvenirs, loin d’être de simples récits personnels, offrent un aperçu des tensions et des tragédies qui ont précédé l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire du Rwanda.