Échange Tendu entre Paul Kagamé et Antony Blinken sur le Génocide Rwandais

Le secrétaire d'État américain Antony Blinken rencontre des ministres africains au siège des Nations Unies, le 18 mai 2022. © 2022 Eduardo Munoz/Pool Photo via AP

Le 7 avril 2023, à l’occasion du trentième anniversaire de la tragédie du génocide rwandais, un échange tendu a émergé entre le président rwandais Paul Kagame et le secrétaire d’État américain Antony Blinken, exacerbé par un message controversé publié sur les réseaux sociaux. Ce dernier, par un tweet diffusé à la fin de la journée de commémoration, a semblé diluer l’identification des Tutsis comme principales victimes des massacres de 1994, en incluant plusieurs ethnies parmi les déplorés. Cette formulation a suscité l’ire de Kagame qui a reproché à Blinken un manque de respect envers la mémoire spécifique des victimes Tutsi.

« Quand il s’agit du jour de la commémoration, qui est le 7 avril, auriez-vous la gentillesse de commémorer avec nous et de vous arrêter là ? », a déclaré Kagame, exprimant une frustration évidente face à la perspective de critiques étrangères tout au long de l’année. « Il y a 365 jours dans une année. Donnez-nous ce 7 avril, commémorez avec nous et ensuite, vous pourrez passer les 364 jours restants à nous blâmer pour tout ce que vous n’aimez pas chez nous », a-t-il ajouté lors d’une conférence de presse.

Cette réaction fait écho à des tensions antérieures. Selon Kagame, un accord aurait été conclu il y a une décennie avec les États-Unis, qui stipulait que le gouvernement américain s’abstiendrait de critiquer la manière dont le Rwanda commémore le génocide. Néanmoins, les propos de Blinken ont ravivé des critiques sur la gestion par le Rwanda de sa propre histoire, particulièrement en ce qui concerne le rôle du Front Patriotique Rwandais (FPR), dirigé par Kagame, dans la mort de milliers de Hutus avant, pendant, et après le génocide, aussi bien au Rwanda qu’en République Démocratique du Congo (RDC) voisine.

D’autre part, la situation sécuritaire dans l’est de la RDC reste une source de préoccupation majeure. Kagame a défendu l’action du M23, affirmant que ce groupe lutte pour les droits des Tutsis congolais, avec environ 100 000 personnes ayant fui vers le Rwanda suite à des attaques récentes. En février, les États-Unis ont appelé le Rwanda à retirer ses troupes de l’est du Congo, soulignant pour la première fois le soutien de Kigali au groupe rebelle M23.

Malgré les relations amicales entre le Rwanda et de nombreux dirigeants occidentaux, l’influence de Kagame et sa gouvernance sont de plus en plus scrutées, à la fois pour sa gestion des récits historiques et pour son implication dans les conflits régionaux. Cette tension montre que, même après trois décennies, les plaies du génocide rwandais restent douloureusement ouvertes, et la lutte pour le contrôle de la mémoire historique est loin d’être résolue.