Le maillon faible et le nain.

Il ne s’agit pas d’un titre de quelque fable que ce soit, mais bien de la perception, presqu’une conviction largement partagée au sein des (politiciens) rwandais. La France et la Belgique sont devenues, après le génocide rwandais, les nations les plus méprisées au pays de Gihanga. La première paie en effet le prix de ce que l’ex-locataire de l’Élysée appela des « graves erreurs » et une « forme d’aveuglement ». Tout ce qu’entreprend la France est désormais entaché de suspicion aux yeux du pouvoir rwandais, au point d’organiser, au sein même de l’Hexagone, une campagne médiatique tendant à discréditer l’armée française. Quant à la Belgique, il s’agit d’un contentieux qui remonte très loin dans l’histoire et que rien ne pourra solder. Preuve : la récente expulsion d’un sous-officier membre de l’ambassade de Belgique au Rwanda.

France et Belgique sont donc hors-jeu et, sans le dire officiellement, les afande qui dirigent le Rwanda n’attendent de ces deux pays qu’une éternelle repentance, une docilité face à toutes les actions politiques initiées par le général Paul Kagame. A la France il faudra trouver, à chaque majorité, des personnages au profil de Bernard Kouchner, c’est-à-dire des admirateurs invétérés du démiurge Kagame et qui, inconditionnellement, serviront de cheval de Troie au sein de la classe politique française. Des hommes et femmes de média qui, comme Maria Malagardis, se transformeront volontairement en caisse de résonance des thèses totalitaires du pouvoir de Kagame. Que cela passe par la guéguerre Usa-France ou par la culpabilisation à outrance des Français, le bras de fer engagé par l’Afandie restera une des ses thèmes de mobilisation pour bien endormir le peuple et prolonger ses jours.

reynders-avec-kagameNon seulement la France a humilié Kagame et son empoisonneur-en-chef en les « coffrant » à Paris en 1992, mais aussi, sollicitée pour une aide militaire, elle n’a fourni qu’une dizaine de fusils d’assaut au Front patriotique rwandais qui avait lancé l’invasion du Rwanda. Bernard Kouchner et les diplomates qu’il mettra en place sous Sarkozy auront donc beau faire mille et une courbettes, la France ne pourra jamais faire oublier ce crime de lèse-Kagame. Pire, tout est aujourd’hui mis en œuvre pour entretenir le souvenir de leur opération Turquoise. Celle-ci n’a-t-elle pas tronqué la victoire de l’armée de Kagame sur les forces génocidaires ? Rancunier, le maître du Rwanda est également conscient du « décrochage » français : la plupart des indicateurs de ce pays (en tant que puissance économique) sont inquiétants et en font de plus en plus le maillon faible dans la cour des grands. Dans leur auto-flagellation légendaire, les Français titrent régulièrement « La France n’a plus les moyens de ses ambitions ». A braver donc…

Le cas de la Belgique est beaucoup plus compliqué. Ce pays restera, aux yeux de beaucoup, celui qui cristallise toutes les frustrations que ressentent les Rwandais par rapport à l’Occident. Plus que la France, la petite Belgique n’a aucun moyen de se défaire du boulet qu’elle traîne au pied depuis la colonisation. Aux yeux des actuels vainqueurs, elle a « aggravé » son cas en les rendant apatrides par l’exil subséquent à la Révolution de 1959. Au lieu de se racheter 35 ans plus tard, la Belgique préféra retirer ses troupes, abandonnant ainsi des milliers de vies aux machettes des diables que l’Enfer avait lâché sur les collines rwandaises. Les contritions de Guy Verhofstadt, pas plus que les louanges-adoration de Louis Michel ne sauront apaiser la rancœur des Rwandais vis-à-vis de la Belgique. Car les vaincus ont eux aussi des griefs à adresser à cette monarchie en voie de disparition… mais ça, c’est une autre histoire.

Tout récemment, le faiseur de pluie et de beau temps au Rwanda rappelait à ceux qui voulaient l’entendre qu’il serait désormais défiant. La mise en garde visait en effet tous ceux qui avaient critiqué l’agression de la RD Congo par le Rwanda via les bandits du M23. Très timidement et surtout très tardivement, la Belgique a rejoint la liste de ces bailleurs du Rwanda qui ont symboliquement sanctionné l’ingérence afandienne au Congo. L’affront a tellement été mal pris à Kigali que chaque occasion était mise à profit pour se découvrir un anti-impérialisme qui fait sourire en pensant à Kagame s’acoquinant avec les néo-cons de George W. Bush. Hors de lui, Kagame a sorti toute son artillerie rhétorique pour dire tout le mal qu’il pensait des ses alliés, ceux-là mêmes qui l’ont intronisé et qui continuent à le materner.

Ne voyant pas les bailleurs revenir sur leur décision de couper une partie de l’aide qu’ils croyaient définitivement acquise (Ils nous doivent ça parce qu’ils nous ont abandonné en 1994), les stratèges de la diplomatie de Kagame essaient aujourd’hui de briser le front occidental. Ils commencent ainsi par raviver leurs accusations contre la France (coupable de génocide!), ils narguent les États-Unis avant de faire marche arrière (affaire des drones) et maintenant, « faisons trembler la petite Belgique, faisons-là chanter »… Sénèque disait qu’« un nain a beau se tenir sur une montagne, il n’en est pas plus grand pour cela », sauf que dans ce bras de fer qu’engage l’Afandie, le nain risque d’être celui que l’on ne croit pas…

Cecil Kami