Lorsque madame Kagame prie…

Question à un million : vous vous croyez puissant, mais vous êtes constamment boudé par plus puissant que vous. Que faites-vous ? Faire appel aux services des grands lobbyistes pour régler votre cas et vous décharger de cette frustration. Vous dépensez alors des millions, mais rien n’y fait. Vous emprisonnez un juriste pour fléchir la position de la superpuissance… Toujours rien. En désespoir de cause, vous envahissez votre voisin, espérant voir la diplomatie du monde entier venir vous supplier. Au lieu de cela, c’est l’inverse qui se produit : on vous coupe les vivres et vous vous faites sermonner par le grand maître. Que vous reste-t-il comme solution ? Crier votre colère partout où vous le pouvez avant d’envoyer votre femme prier… Voilà présentée, d’une façon schématique, l’équation que doit résoudre le général Kagame dans ses relations avec l’Amérique de Barack Obama.

Depuis ses années d’espion en Ouganda (mais aussi en Tanzanie et à Cuba) et son court stage aux Etats-unis, l’actuel président rwandais croyait avoir toute l’administration américaine dans sa poche. Par une entreprise de culpabilisation efficacement menée, il a su rallier à sa cause un important défenseur : le couple Clinton. Pendant qu’officiellement madame la secrétaire d’état assurait (assistée de Susan Rice) l’intouchabilité du régime afande, monsieur Clinton (relayé par Tony Blair) sillonnait le monde en vantant les mérites d’une dictature qui fait passer les Rwandais pour des choses et les diplomates congolais pour des pauvres apprentis. Les temps changent toutefois. Madame a cédé la place, Susan Rice a été rattrapée par sa partialité et l’on annonce un John Kerry « pacifiste ».

La lune de miel qui a vu les Etats-unis assister Kagame dans ses massacres au Congo est en donc train de ne devenir qu’un lointain souvenir. N’eût-été l’immunité accordée par Barack Obama à l’homme fort de Kigali, ce dernier aurait déjà eu à répondre aux questions d’un juge quelque part dans une juridiction de l’Oklahoma. Le président américain qui n’ignore pas que ce dossier risque d’emporter le dictateur africain s’en méfie désormais comme de la peste. Malgré les innombrables visites effectuées annuellement aux Usa, Kagame n’est plus le bienvenu à la maison blanche. Révolues les largesses des Bush. Il ne se contente guère que des grands meetings avec ses concitoyens dans des célébrations qui n’apportent pas grand chose au pays à part des factures à mettre sur le dos du contribuable rwandais. Le pauvre !

Gêné dans cet ostracisme, Kagame a ainsi tout tenté. Tout. La dernière ruse en date se nomme Jeannette Kagame, sa propre femme. Sous prétexte de participer au National breakfast prayer, l’épouse du dictateur a été faire entendre la voix aujourd’hui déconsidérée de l’Afandie. Elle a ainsi mis un point d’honneur à s’afficher avec l’épouse du sénateur démocrate Bill Nelson (Faute de grives, on mange des merles) et de prononcer un discours éminemment cynique. Elle a en effet parlé de réconciliation comme pour faire oublier que son mari ignorait délibérément le sens de ce mot. Sinon une autre dame serait, elle aussi, libre de mouvement. Libre, Ingabire servirait davantage son peuple et oeuvrerait à la réconciliation de ce dernier mieux que les déplacements outre-atlantiques de madame la présidente. Et Kagame ne le sait que trop bien.

Pour plus d’une mission délicate, il a (déjà) fait appel au savoir-faire féminin. Rose Kabuye a ainsi accepté le sacrifice qui a permis de faire face aux accusations du juge Bruguière. La regrettée Aloysie Inyumba a été de toutes les missions de recrutements/retournements des personnalités auxquelles s’intéressait l’Afandie. Louise Mushikiwabo fait actuellement ce qu’elle peut pour restaurer une confiance gâchée par les appétits criminels au Congo. Hier encore c’est Jeannette Kagame qui fut l’envoyée spéciale de son président de mari auprès de Museveni pour faire oublier les casseroles qui traînaient suite aux bains de sang de Kisangani et la fuite des officiers Karegeya et Kayumba. Ayant ouvertement misé sur Mitt Romney, Kagame ne sait vraiment pas à quelle prière se vouer…

Cecil Kami