Même sans nourrir aucune sympathie pour l’actuel président du Burundi, quiconque suit les événements de ce pays depuis avril dernier pourrait se demander pourquoi certains milieux occidentaux (les politiques, les médias, etc.) affichent un acharnement presque maladif envers l’homme et son régime.
Tout a commencé par l’annonce du parti au pouvoir désignant Pierre Nkurunziza, le président sortant du Burundi, comme son candidat aux futures élections. Ce fut alors un tollé de protestations de la part de l’opposition, vite relayées par les médias internationaux. Ceux-ci soulignaient que cette candidature était tout simplement anticonstitutionnelle car Nkurunziza ne peut pas se présenter pour un troisième mandat étant donné qu’il vient d’en exercer deux. Le camp Nkurunziza arguant quant à lui que la Constitution du Burundi stipule que le président est élu au suffrage universel pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Or, Pierre Nkurunziza n’a été élu qu’une seule fois (en 2010) au suffrage universel. C’est alors que ses détracteurs ont changé leur fusil d’épaule et d’évoquer l’Accord d’Arusha qui stipule que le président ne peut pas exercer plus de deux mandats, mais sans préciser le mode de scrutin.
A ce stade, tout esprit de bonne foi pouvait espérer que cette question d’interprétation des textes de loi devait être tranchée par l’instance habilitée à savoir la « Cour Constitutionnelle » du Burundi. Effectivement, la Cour fut saisie et rendit son arrêt comme quoi la candidature de Pierre Nkurunziza était tout à fait régulière et ne violait en rien la Constitution. Peine perdue : profitant du fait qu’un des sept juges de la Cour, pour des raisons politiques, s’est installé dans un pays voisin pour violer le secret des délibérations, l’opposition, relayée par les médias internationaux, cria au scandale en dénonçant la soumission de cette Cour à l’Exécutif, alors que jusqu’ici, elle était respectée par tous pour son indépendance. Par ailleurs, désormais, la primauté doit revenir à l’Accord d’Arusha qui, selon eux, est supérieur à la Loi fondamentale du Burundi à savoir la Constitution, postérieure à cet Accord mais qui s’en est inspiré.
Entretemps, des jeunes désœuvrés de certains quartiers de Bujumbura étaient recrutés et mobilisés pour dresser des barricades, brûler des pneus et des véhicules des particuliers, lyncher ceux qui sont soupçonnés d’appartenir au parti au pouvoir. Tous ces actes sont largement couverts par les médias internationaux qui les présentent comme « …des manifestations populaires et pacifiques contre le président Nkurunziza et qui paralysent tout le pays ! ». En même temps, les agents de l’ordre sont présentés comme des milices du parti au pouvoir qui sont chargées de réprimer dans le sang ces « manifestations pacifiques ». Curieusement, ceux qui donnent des ordres à ces jeunes, ceux qui leur donnent des « per diem », et fournissent les moyens financiers pour assurer leur ravitaillement sur les barrages…se trouvent soit à l’étranger, soit dans les représentations diplomatiques à Bujumbura. En tout cas, ils sont introuvables sauf…sur les réseaux sociaux et sur des radios internationales.
Le paroxysme sera atteint quand le 13 mai, profitant du séjour du président Nkurunziza en Tanzanie pour un sommet régional, quelques militaires tentèrent d’opérer un coup d’Etat. Bizarrement, l’annonce de la destitution du président Nkurunziza fut faite sur une radio privée financée par les ONG étrangères et par d’autres personnalités médiatiques connues dans le renversement ou la déstabilisation des régimes dans le tiers monde. La joie des opposants qui avaient jubilé à l’annonce de ce coup d’Etat sera de courte durée, car deux jours après, les conjurés reconnaissaient eux-mêmes l’échec du putsch. Entretemps, le lien entre les soi-disant manifestants, les putschistes et les milieux occidentaux était clairement établi.
Mais, même après des échecs aussi retentissants comme ce putsch raté, ceux qui ont décidé de déstabiliser le Burundi (pas nécessairement des Burundais d’ailleurs) ne désarment pas. Malgré que Nkurunziza a accédé à la demande des chefs d’Etat de la région de reporter les dates des élections, cela n’a suffi pas à calmer les excités. Ils sont parvenus à faire fuir deux des membres de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), vers le Rwanda, privant ainsi cette institution du quorum requis et donc rendant impossible la tenue de ces élections. Le gouvernement burundais ayant alors prouvé qu’il pouvait pourvoir, dans les délais et légalement, au remplacement des deux commissaires déserteurs, les opposants et leurs relais occidentaux ont brandi une nouvelle menace : la communauté internationale ne devrait pas reconnaître les résultats issus de ces élections.
Le plus explicite est l’ancien ministre belge des Affaires étrangères et actuel eurodéputé Louis Michel. Ce grand admirateur du modèle rwandais dans la région a récemment déclaré qu’il fera tout pour que le gouvernement issu des élections prévues au Burundi ne soit pas reconnu. Mais là où sa position fait froid dans le dos, c’est quand il appelle instamment à ce qu’une action armée soit lancée au Burundi pour chasser le président Nkurunziza qu’il juge illégitime.
Louis Michel s’en prend à Pierre Nkurunziza qu’il a accusé d’avoir violé l’accord d’Arusha. Or, avec le temps, le monde entier sait que l’accord d’Arusha a été largement mis en application et que c’est la Constitution qui est la Loi Fondamentale du Burundi. Cette Constitution a été interprétée favorablement par la juridiction nationale compétente. Louis Michel se place au dessus de la Cour Constitutionnelle. Mais au delà de cette considération juridique, on est quand-même troublé de voir un homme d’Etat dicter d’avance quels doivent être les résultats des élections à organiser au Burundi.
Décidément, la crise burundaise révèlera bien plus de choses qui dépassent le simple cadre du Burundi. Quant aux politiciens burundais, ils n’y voient que feu, car plongés dans des querelles et autres basses manœuvres pour se partager le « gâteau ».
Jane Mugeni
14/06/2015