L’Accord de Déportation vers le Rwanda : Une Solution Controversée pour les Migrants Indésirables

La Ministre Britannique de l’Intérieur, Priti Patel et Vincent Biruta, Ministre Rwandais des Affaires étrangères, signent un accord permettant d’envoyer au Rwanda tous les demandeurs d’asiles et les migrants illégaux du Royaume-Uni.

La Grande-Bretagne a adopté cette semaine une loi controversée qui permettra de déporter des migrants indésirables vers le Rwanda. Cette décision, qui conclut des mois de débats houleux, a provoqué un tollé aussi bien au Royaume-Uni qu’à l’international. Au Rwanda, les opposants au président de longue date, Paul Kagame, déclarent que leur pays n’est pas apte à accueillir des demandeurs d’asile, tout en accusant le Royaume-Uni de se décharger de ses responsabilités.

L’accord, initialement conclu il y a deux ans avec le gouvernement rwandais, stipule que tout demandeur d’asile arrivant illégalement au Royaume-Uni sera renvoyé au Rwanda. Le Premier ministre britannique, Rishi Sunak, a annoncé que les premiers vols pourraient partir dès juillet. Du côté rwandais, la présidence exprime sa satisfaction de voir ce plan progresser.

Victoire Ingabire Umuhoza, critique virulente de Kagame et ancienne candidate à la présidence emprisonnée, a qualifié à RFI l’accord de déportation de « forme moderne d’esclavage », car le Rwanda est rémunéré pour accueillir des personnes indésirables au Royaume-Uni. Ingabire souligne que le Rwanda n’est pas prêt à héberger des centaines, voire des milliers de demandeurs d’asile, et met en lumière les défis internes tels que l’insécurité alimentaire, la malnutrition, la pauvreté, le chômage, le manque de logements et la répression.

Frank Habineza, une autre figure de l’opposition et président du Parti Démocrate Vert du Rwanda, a exprimé son désaccord avec cet arrangement sur le principe que les nations riches comme le Royaume-Uni devraient assumer leur responsabilité d’accueillir les réfugiés et ne pas les envoyer dans des pays tiers. Il a clairement affirmé son opposition à ces types d’accords, que ce soit avec le Danemark, le Royaume-Uni ou Israël.

Jusqu’à présent, le gouvernement britannique a versé au Rwanda l’équivalent de 256 millions d’euros pour accueillir les migrants, un montant qui sera suivi d’au moins 175 millions d’euros supplémentaires au cours des trois prochaines années. Le Royaume-Uni paiera également au Rwanda 176 000 euros supplémentaires pour couvrir les frais de chaque personne réinstallée, selon une évaluation du Bureau National de l’Audit du Royaume-Uni, qui estime que la politique pourrait coûter au total environ 700 millions d’euros.

À Kigali, les autorités ont passé les deux dernières années à préparer des logements pour les personnes déportées du Royaume-Uni, avec des installations construites ou rénovées grâce aux fonds britanniques, y compris l’auberge Hope de 100 lits, qui reste vide.

Le gouvernement britannique soutient que la loi aura un effet dissuasif, décourageant les demandeurs d’asile potentiels de tenter de traverser de la France du Nord à l’Angleterre du Sud par bateau. Boo Adam, un migrant soudanais de 26 ans, témoigne de son choc après avoir appris l’accord alors qu’il se trouvait à Calais, en France, malgré un périple de plus de 5 000 kilomètres à travers six pays.

Cette politique pourrait également déclencher de nouveaux défis juridiques de la part d’organisations caritatives, de militants et de juges qui affirment que le Rwanda n’est pas une destination sûre. La Cour Européenne des Droits de l’Homme, qui avait bloqué la première tentative de déportation du Royaume-Uni en juin 2022, pourrait de nouveau intervenir pour arrêter les vols.

Avec les élections générales prévues plus tard cette année au Royaume-Uni, le gouvernement de Sunak pourrait être remplacé. Les opposants de gauche ont dénoncé à plusieurs reprises cette politique, tout comme les agences des Nations Unies, les organisations de surveillance des droits de l’homme et les organisations de réfugiés. Si élue, le parti travailliste de l’opposition promet d’abandonner le projet et de rechercher plutôt un accord avec l’Union européenne pour renvoyer certains migrants vers l’Europe continentale.