La France au Rwanda: De Mitterrand à Macron, une attitude ambiguë

Le réchauffement des relations diplomatiques et politiques, entre la France et le Rwanda de ces derniers temps, m’a poussé à me faire une réflexion sur le comportement de la France au Rwanda, depuis l’intervention militaire de la France au Rwanda, dès octobre 1990 à aujourd’hui. 

L’on peut légitimement se demander pourquoi la France a suivi la voie de l’humiliation face à un régime qui a choisi de montrer les muscles alors même qu’en théorie les forces sont inégales?

La France n’a pas encore reconnu son rôle dans l’instauration ou le maintient des différentes dictatures en Afrique (Gabon, Congo-Brazzaville, Togo, Bourkina-Fasso,…) ni sur dans l’assassinat de quelques leaders indépendantistes ou panafricanistes ( Thomas Sankara, Sylvanius Olympio,… ). La France n’a pas encore reconnu son rôle dans l’imposition de certains présidents comme Allasane Outtara en Côte d’Ivoire, elle n’a pas non plus reconnu son rôle dans la fabrication des crimes accusés à tort à l’encontre de l’ancien président ivoirien Laurent Gbagbo destitué chez lui par les militaires français déguisés en militaires ivoiriens aux ordres de Nicolas Sarkozy. Pour la petite histoire, Nicolas Sarkozy, alias Paul Bismuth, fait actuellement face à la justice dans plusieurs affaires dont le financement libyen de sa campagne présidentielle et l’affaire Bygmalion entre autres, alors que Laurent Gbagbo a été acquitté par la CPI! La France n’a pas non plus reconnu son rôle dans l’assassinat de Mouammar Kadhafi, assassinat qui a mis à genou le peuple libyen et l’a plongé dans dans une guerre civile interminable et a déstabilisé toute la région du Sahel avec son lot des groupes djihadistes et terroristes.

Alors pourquoi la France courbe-t-elle l’échine devant la petite dictature rwandaise allant jusqu’à sacrifier l’honneur de ses soldats ainsi que celui de ses citoyens assassinés  au Rwanda comme l’équipage du Falcoln 50 qui transportait l’ancien président rwandais Juvénal Habyarimana, son homologue burundais Cyprien Ntaryamira avec leurs suites, qui a été abattu au dessus de Kigali dans la nuit  du 06 avril 1994 ainsi que les deux gendarmes chargés d’interception des massages radio, Jean-Paul Maïer et Alain Didot, assassinet à kakiru en avril 1994 par un commando du FPR d’après le livre de Pierre Péan, « Noires Fureurs, Blancs menteurs»?

Pour bien comprendre certaines choses il m’a fallu lire le Rapport Duclert commandé par le président Emmanuel Macron et lui remis le 23 mars 2021 par le professeur Vincent Duclert; rapport qui a relancé les relations entre la France et le Rwanda et à la suite duquel les présidents français et rwandais se sot rendus mutuellement visite pour marquer ces retrouvailles. Rappelons au passage que le Rwanda avait rompu ses relations diplomatiques avec la France, suite à l’accusation et aux mandats d’arrêt émis contre des proches de Paul Kagame par le juge anti-terroriste Jean-Louis De Bruguière, dans le dossier de l’attentat contre l’avion du président Habyarimana au printemps 1994 au Rwanda. Avec la victoire du président Nicolas Sarkozy, un ami personnel de Paul Kagame en la personne de Bernard Kouchner, était devenu ministre des Affaires étrangères et avait conseillé au gouvernement rwandais de laisser faire un simulacre d’arrestation de l’une des personnes visées par les mandats d’arrêt émis par le juge Jean-Louis De Bruguière pour accéder au dossier et le détruire sans jamais se présenter autrement devant la justice. Ce rôle fut confié au Colonel Rose Kabuye, ancienne conseillère de Paul Kagame. Elle fut arrêtée en Allemagne le 09 novembre 2008 et livrée à la France pour être inculpée. Le stratagème fonctionna correctement et après que les avocats des 9 personnalités rwandaises accusées par le juge De Bruguière ont pu accéder au dossier, Rose Kabuye rentra dans son pays comme une héroïne, une Jeanne d’Arc rwandaise. La suite est connue: le successeur de Jean-Louis De Bruguière, Marc Tréviduc ainsi que ses successeurs les juges Nathalie Poux et Jean-Marc Herbaut, finissent par ordonner un non lieu, un  non lieu dont les motivations politiques ne sont pas difficiles à déceler.

Le Rapport Duclert est donc une suite logique au démantèlement du dossier de l’attentat.

Mais  ce qui m’a fait réfléchir sur ce comportement c’est qu’en lisant ce rapport, je me suis rendu compte de certaines choses étranges:

-La France n’a vraiment jamais voulu apporter une aide décisive aux Forces Armées rwandaises (FAR) pour qu’elles viennent au bout de la rébellion du FPR: les différentes demandes du président Habyarimana pour disposer d’une supériorité aérienne (hélicoptères) et des moyens d’artillerie, ont toujours été refusées,

-La France s’est toujours contentée d’empêcher l’effondrement des FAR, sans vouloir réellement qu’elles prennent le dessus,

-Même cette aide à demi-teinte accordée par le président Mitterrand au président Habyarimana était conditionnée à des concessions multiples et des avancées démocratiques que le président rwandais a toujours acceptées allant jusqu’à nommer un gouvernement d’opposition qui lui était hostile en temps de guerre,

-Contrairement à certaines rumeurs, ce n’est pas le docteur Nsengiyaremye Dismas, premier-ministre d’alors, qui a chassé les Français du Rwanda mais la France qui se cherchait une  sortie honorable, a offert ce départ au FPR tout en l’encourageant à une solution négociée avec le gouvernement rwandais,

-Les boîtes noires du Falcoln 50 abattu au dessus de Kigali avaient disparus de la circulation avant d’être retrouvées dans les placards des Nations Unies à New York, alors que ces boîtes avaient été récupérées par Paul Barril, un « mercenaire » français qui travaillait avec les services de renseignement extérieurs français,….

Tout ceci m’emmène donc à me poser sérieusement la question de savoir si la France n’est pas impliquée, elle ou certains de ses « agents », dans cet attentat qui est l’élément déclencheur du génocide, avec des plans qui auraient peut-être mal tourné?

En lisant le rapport Duclert, on a comme impression que même aux yeux de certains responsables français, Habyarimana apparaissait comme l’obstacle majeur à la paix et à la démocratisation du pays, ce qui, évidemment était une lecture biaisée.

Sinon, comment diantre, un grand pays comme la France, pays des droits de l’Homme peut-elle sacrifier la vérité judiciaire, sacrifier la vérité historique, sacrifier l’honneur de ses soldats et ses hommes politiques dans le seul but de normaliser les relations avec un pays qui n’a même aucun intérêt économique ou stratégique pour la France? Les accusations de participation au génocide ne résistent pas à l’analyse  et aux preuves et les menaces maintes fois brandies par le Rwanda d’inculper les haut responsables français pour génocide ou complicité de génocide n’auraient pas abouti à des condamnations devant un tribunal indépendant. Par contre, si le FPR possède des éléments qui vont dans le sens de ma supposition, cela peut faire l’effet d’une bombe et pousser le gouvernent Macron à tout faire pour normaliser les relations avec le Rwanda et enterrer une vérité qui risquerait de faire beaucoup de dégâts. 

J’espère que d’autres mèneront cette réflexion qui pourra conduire à une validation ou non de cette hypothèse. 

Emmanuel Mwiseneza, le 18 juin 2021