Par Constance Mutimukeye
Hier je suis tombée du haut de ma naïveté en lisant beaucoup de post ou commentaires qui m’ont semblés porter beaucoup de rancœur et ce au nom de la réconciliation. Mon incompréhension fut totale, pourquoi les rescapés du génocide perpétré contre les Tutsi pensent que lorsque ils parlent à d’autres Rwandais, pour dire les choses sans ambiguïté : aux Hutu, ils font un acte de réconciliation ?
On peut échanger avec des personnes parce l’on apprécie ce qu’ils font, mais si en face la personne pense rendre une faveur à l’autre (le hutu) n’y a-t- il pas un problème ?
Je me suis interrogée sur ma démarche de réconciliation, où en suis-je?
▶️ J’ai besoin de me réconcilier avec les entités politiques suivantes : le MRND, les Interahamwe, le GIR, le FPR, l’APR/RDF. Pour les individus, je ai cette énorme chance de ne pas avoir les noms. Les Gacaca au Rwanda ayant rendu cette possibilité complément caduque pour ma famille (ils ont plus créé la confusion qu’autre chose).
▶️J’ai besoin de me réconcilier avec l’Histoire du Rwanda, que la version officielle inclut ce que j’ai vécu comme individu, cela fait partie des mes droits fondamentaux.
▶️J’ai besoin de me réconcilier avec l’État rwandais (umubyeyi wacu twese).
Dans ce sens quiconque pense me faire une faveur en me parlant, ou qui pense que le fait de me parler est un acte de réconciliation, pour moi c’est une démarche à sens unique (son sens).
J’ai pris mon cas comme exemple mais je pense que c’est valable pour beaucoup de gens. On ne peut se réconcilier qu’avec des personnes qui ont eu un rôle dans le malheur qui nous est arrivé ou à notre famille. Toute extension tombe à mon sens dans la stigmatisation collective. Je pense qu’il faut que l’on arrête de penser qu’un hutu qui parle à un Tutsi ou rescapé Tutsi qui parle à un un rescapé Hutu est un acte de réconciliation… Pour moi c’est un acte de bon sens, beaucoup plus de l’unité.
Hier j’ai réalisé que les Rwandais portent en eux une rancœur qui dépasse ce que j’aurais pu imaginer. Elle s’explique si on tient en compte les pages sombres de l’Histoire du pays. Face à un évènement, nous ne réagissons pas tous de la même façon.
Pour ma paix intérieure, je fais un vœu à Dieu de mettre sur mon chemin plus de personnes qui sont au même niveau que moi. Mets sur mon chemin les gens qui verront en moi la personne, l’individu et non un groupe ethnique. Hier j’ai eu peur de basculer vers la rancœur ethnique, je me suis souvenu de ces rescapés du génocide qui voient en moi l’individu, qui regarde mes actions avec cet angle, alors j’ai pu réaliser que les différentes prises de paroles étaient individuelles, elles reflétaient les personnes elles-mêmes, où elles en sont sur le chemin de leur concept de réconciliation.
Ma thérapie ce sont les auteurs des chansons ou des livres Rwandais, je ne les connait pas personnellement mais à chaque coup de blues lié aux divisions ethniques, leurs œuvres sont là pour me rappeler que « Nous gardons l’espoir pour le Rwanda ».
Dans mon cheminement, je suis à l’étape me pardonner et pardonner. La réconciliation sera possible lorsque je serai au Rwanda.
« La réconciliation nationale, cela ne signifie pas contraindre les gens à adhérer à une idéologie et se soumettre sans esprit critique à une nouvelle forme d’autorité »: Mgr André SIBOMANA