Kigali- 8 septembre 2024, une nouvelle polémique a éclaté sur le front de la gestion des migrations en Europe. L’Allemagne pourrait utiliser les infrastructures construites par le Royaume-Uni au Rwanda pour traiter les demandes d’asile, alors que la question des migrants continue de dominer les débats en Europe. Cette initiative a été mentionnée par Joachim Stamp, un représentant du parti Free Democratic Party (FDP), un parti minoritaire membre de la coalition gouvernementale en Allemagne.
Ces bâtiments, construits dans la capitale rwandaise, Kigali, dans le cadre d’un projet controversé de l’ancien gouvernement britannique conservateur, devaient initialement servir à accueillir les demandeurs d’asile renvoyés du Royaume-Uni. Bien que le gouvernement britannique ait suspendu ce programme sous l’administration travailliste, l’idée a ressurgi du côté allemand, alimentant les spéculations et les critiques.
Une Initiative Source de Controverse
Le Chancelier allemand Olaf Scholz, bien que souvent réservé dans ses déclarations publiques, avait exprimé des réticences quant à l’externalisation des dossiers d’asile dans d’autres pays. Ce scepticisme repose en partie sur les complexités juridiques et éthiques entourant de tels arrangements, soulignant les risques liés au traitement des demandes d’asile en dehors de l’Allemagne.
Malgré ces préoccupations, la pression politique ne cesse d’augmenter en Allemagne. En particulier, l’Alternative für Deutschland (AfD), un parti d’extrême droite, continue de gagner du terrain avec ses positions fermement opposées à l’immigration, exacerbant le sentiment anti-migrant. C’est dans ce contexte que l’idée de Joachim Stamp a été introduite, avec un potentiel soutien de l’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR) pour superviser un tel projet.
Des Parallèles avec le Royaume-Uni
L’ambassadeur allemand au Royaume-Uni, Miguel Berger, s’est empressé de distinguer ce projet de celui qui avait été proposé par Londres. « Il n’y a aucun plan allemand d’expulser des demandeurs d’asile au Rwanda. Ce dont nous parlons, c’est du traitement des dossiers d’asile en conformité avec les lois internationales et en collaboration avec des agences internationales », a-t-il affirmé.
Le projet britannique, quant à lui, prévoyait d’envoyer les demandeurs d’asile au Rwanda sans possibilité de retour au Royaume-Uni, une approche sévèrement critiquée par de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme. Les personnes acceptées dans le cadre de ce programme auraient été autorisées à rester au Rwanda, tandis que celles dont les demandes auraient été rejetées auraient dû chercher d’autres pays d’accueil.
Une Épreuve de Force Politique
Cette nouvelle proposition allemande intervient à un moment où Berlin cherche désespérément à gérer un afflux constant de migrants, en particulier en provenance des frontières orientales de l’Europe. Ce sujet est devenu un point central du débat politique en Allemagne, avec des élections régionales récentes qui ont vu une montée en puissance de l’AfD.
L’idée de traiter les dossiers d’asile à l’étranger pourrait être perçue comme une tentative de réponse à ces pressions, mais elle reste politiquement et juridiquement complexe. Scholz a déjà averti que des questions légales majeures restent en suspens concernant la faisabilité d’un tel programme.
Une Infrastructures Déjà Prête
D’un autre côté, au Rwanda, les infrastructures sont déjà en place. En avril 2024, des responsables à Kigali avaient confirmé à la BBC que les centres étaient prêts à accueillir des migrants. Ces infrastructures avaient été financées par le Royaume-Uni dans le cadre de son plan initial, qui avait alloué près de 220 millions de livres sterling (environ 390 milliards de francs rwandais) pour ce projet. Cependant, avec l’abandon du programme britannique, des questions ont été soulevées quant à la récupération de ces fonds.
Le Rwanda, pour sa part, a déclaré qu’il n’avait aucune obligation de rembourser cet argent, affirmant qu’il avait rempli ses obligations dans le cadre de l’accord initial.
Une Initiative à Fort Risque
Pourtant, cette proposition allemande, bien qu’elle puisse sembler pragmatique face aux défis actuels, pourrait s’avérer politiquement explosive. Le programme britannique, lui, avait fait l’objet de nombreuses contestations judiciaires et n’avait finalement jamais vu un seul migrant être envoyé au Rwanda. Les critiques avaient pointé du doigt non seulement les implications humanitaires, mais aussi les coûts faramineux et les problèmes logistiques d’un tel transfert.
Le projet allemand pourrait, lui aussi, rencontrer des obstacles similaires. Le traitement des demandes d’asile à l’étranger soulève des questions fondamentales sur les droits des demandeurs d’asile et les responsabilités des États européens face à la crise migratoire mondiale. La décision de l’Allemagne de suivre cette voie, ou non, pourrait avoir des répercussions majeures non seulement sur sa propre politique intérieure, mais aussi sur les relations internationales concernant la gestion des migrants.