NIGER-ONU-RWANDA: L’ONU ordonne la suspension de l’expulsion de 8 Rwandais par le Niger

Par RUGEMINTWAZA Erasme

C’est une guerre à coûteaux tirés qui s’engage entre l’Organisation des Nations Unies (ONU) et ses membres le Niger et Rwanda. Une guerre qui engage toutes les subtilités diplomatiques et juridiques où perdre semble ne pas être permis. Quels sont les tenants et les aboutissants des cette joute diplomatique autour de 8 Rwandais que le Niger chasse de son sol après seulement 3 semaines de leur réinstallation?

Un bref rappel

Le 15 Novembre 2021, L’ONU et la République du Niger passent un accord relatif “A la réinstallation des personnes libérées ou acquittées par le Tribunal Pénal International Pour le Rwanda ou le Mécanisme International appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux Pénaux”, désormais “Mécanisme”.

L’article premier dudit accord stipule, dans son alinea 2 :

 » Le présent Accord régit la procédure relative à la reinstallation des personnes libérées ou acquittées suivantes sur le territoire de la République du Niger:
1) Jérôme-Clément Bicamumpaka
2) Prosper Mugiraneza
3) Tharcisse Muvunyi
4) Anatole Nsengiyumva
5) André Ntagerura
6) Alphonse Nteziryayo
7) François Xavier Nzuwonemeye
8) Innocent Sagahutu
9) Protais Zigiranyirazo ».

Ces 9 personnes à l’exception de JC Bicamumpaka qui resta à Arusha pour des raisons de santé, ont atterri sur le sol nigérien, le 06/12/2021 et ont réçu les Permis de résidence du Gouvernement du Niger, comme résident permanent, en accord avec l’Accord.

Mais une semaine après leur arrivée au Niger, le Gouvernement Rwandais, par le biais de sa Représentante Permanente auprès de l’ONU, Mme Valentine Rugwabiza juste le 13/12/2021, souleva le problème du transfert de ces Rwandais dans le Conseil de Sécurité de l’ONU allégant que son pays n’a pas été informé.

Par une activité intense et subtile, Kigali avec l’aide de la France va obtenir l’Ordre d’expulsion de ces Rwandais du territoire nigérien. L’arrêté du Ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation du Niger du 27 Décembre 2021, juste trois semaines seulement sur le sol nigérien, expulsait les 8 Rwandais du sol nigérien. Ce fut l’ahurissement du monde entier surtout que les raisons, très honnêtes pourtant, invoquées par le Niger, ne figurent pas dans l’Accord comme cause de modification ou cessation de l’Accord: des raisons diplomatiques!

Les faits

Le Niger: manque de clairvoyance

Le 24/12/2021, le Niger a usé des tours malicieuses pour retirer les permis de résidence qu’il a volontairement donnés à 8 Rwandais pour leur réinstallation sur son sol en accord avec l’Accord signé avec l’ONU. Tromper une une personne dont vous êtes chargée de protéger pour l’exposer au danger ceci relève de l’abus de confiance et ce la non-assistance de la personne en danger. Pire encore les mettre à résidence surveillée est une pire séquestration. Tout ceci porte prèjudice à sa crédibilité en tant qu’Etat. Il ne fallait pas tromper ces gens, faire ainsi dévoile le manque de raison qui tienne. Ceci faisant, le Niger a de son propre gré rompu l’Accord sans respect aucun des procédures prévues. Les raisons diplomatiques que le Niger a invoquées sont inconnues mais l’on sait que l’Ordre d’expulsion est le résultat de la diplomatie rwandaise par le biais de la France pour des intérêts purement géopolitiques. Ainsi en acceptant l’influence étrangère, le Niger une fois de plus jette le discrédit sur son indépendance souveraine.

Mais ce qui est pire c’est sa volonté pernicieuse de faire fi des procédures prévues dans l’Accord pourvoyant les voies et moyens de « Modification » comme prévue dans l’article 10: « Le Présent Accord peut être modifié, après consultation entre les Parties, et par consentement mutual écrit, de celles-ci. » Ou l’article 11 stipulant que « Tous les différends, controverses, litiges découlant du présent Accord ou s’y rapportant sont reglés par négociation ou par un moyen mutuellement convenu. »

L’on apprend par le biais de Jeune Afrique du 29 Décembre 2021, que le côté nigérien indique que les Nations unies avaient assuré à Niamey que le Rwanda ne ferait pas problème de ce transfert. Or, après l’arrivée de ces Rwandais dans le pays, Kigali a exprimé son mécontentement. « Nous considérons que l’ONU nous a induits en erreur. C’est donc désormais à elle de leur trouver un point de chute » , commente une source officielle nigérienne.

Ici se pose toujours le problème du Gouvernement nigérien dans sa prise de décision. Toute décision oblige naturellement de péser le pour et le contre et d’analyser toutes les implications possibles. L’ONU ne pouvait pas s’imaginer la diablerie rwandaise de vouloir mettre en désarroi ces Rwandais, tout en escomptant les retourner dans le pays, plutôt le Niger pouvait bel et bien spéculer sur cette possible attitude de son ami le Rwanda!

Kigali en ébullition

Le régime du FPR-Inkotanyi a et aura toujours cette envie de mettre la main sur les dignitaires du régime qu’il a remplacé. Ceci semble être d’ailleurs une propension presque humaine: vouloir montrer au vaincu qu’il est vaincu! Mais Kigali s’active dans cette affaire pour des raisons profondes.

En fait d’aucuns constatent que le désir du Rwanda pour ces Rwandais n’est pas un rapatriement normal dans leur patrie, plutôt le régime de Kagame veut les utiliser pour renforcer sa narration, y compris la préparation du génocide, sans oublier l’attentat contre l’avion de Habyarimana Juvénal qui a déclenché le génocide. Leurs voeux arrachées au prix de leur vie vont consolider la narration du régime de Kagame. Ces deux facteurs, la préparation du génocide et l’attentat centre l’avion de Habyarimana sont les priorités du gouvernement du FPR-Inkotanyi car ils constituent des sujets de grandes controverses qui divisent la Communauté internationale et ainsi embête le régime.

C’est pour ce maccabre dessein que le gouvernement de Kigali fait feu de tout bois pour ramener ces Rwandais à Kigali. Tous les moyens sont beaux pour Kagame pour mettre la main sur ses opposants particulièrement les dignitaires du régime de Habyarimana. Ainsi Kigali vient de lancer une campagne d’intoxication par son propagandiste Tom NDAHIRO. On lit en fait sur son compte twitter un message parlant du Major Ntuyahaga qui a été ramené à Kigali après avoir purgé sa peine en Belgique. Il faut savoir que Major Ntuyahaga a été ramené à Kigali sans son consentement pour qu’un jour, dans une situation comme celle-ci, il serve d’exemple pour leurrer la Communauté internationale. Major Ntuyahaga est un guet-apens, un appât pour attraper les gens non avertis.

Comment réellement le FPR-Inkotanyi peut vouloir rapatrier sur son sol les gens qu’il traîte de criminels invétérés auxquels il donner conseil de faire attention, selon les dires de Mme Valentine RUGWABIZA. A-t-il un purgatoire pour purifier ces gens qu’il prend pour les cerveaux d’un génocide qui malgré son acceptation suscite toujours des controverses 27 ans après, où il a des fours crématoires pour leur arracher des voeux pour consolider sa narration? Miraculeusement, par le biais de son porte-parole Alain MUKURARINDA, le Gouvernement Rwandais a d’accepté le soir du 29/12/2021, qu’il a eu un rôle dans la décision du Niger, brandissant toujours l’exemple de Major Ntuyahaga qui a été envoyé par force au Rwanda par la Belgique.

L’ONU: Une obligation humanitaire

La Charte de L’ONU du 24 Octobre 1945 ainsi que et surtout la Déclaration Universelle ses Droits de l’Homme du 10 Décembre 1948 sont des outils ou mieux des instruments de garantie des droits humains. Or ce que le Niger a fait, non seulement enfreind l’Accord qu’il a signé mais également est en profonde contradiction avec l’esprit de L’ONU: garantir les droits humains. C’est pour cette raison que les Tribunaux onusiens se sont vite saisis de l’affaire pour essayer de remettre en ordre le remue-menage ou le chaos provoqué par l’Ordre nigérien d’expulsion des 8 Rwandais.

Ainsi ce 30/12/2021, malgré la période de congé, le Juge Président du Mécanisme International appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux Pénaux, Carmel Agius envoie publiquement les instructions au Registraire :

« INSTRUCTION AU REGISTRAIRE

DANS L’AFFAIRE DE FRANÇOIS-XAVIER NZUWONEMEYE PROSPÉRER MUGIRANEZA
PROTAIS ZIGIRANYIRAZO
[…]
CHARGE le Greffier de continuer à s’engager avec les autorités compétentes du Niger, y compris conformément aux procédures prévues par les articles 2 et 11 de l’Accord, et de prendre toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que l’arrêté d’expulsion n’entraîne aucun préjudice aux droits fondamentaux des personnes relocalisées;

CHARGE le registraire de me fournir des mises à jour fréquentes sur la situation au fur et à mesure qu’elle évolue, y compris par le biais de documents publics conformément à la Règle 31(B) des Règles, le cas échéant;

DEMANDE au Greffier de transmettre les Requêtes et la présente Instruction, ainsi que tout autre document public déposé devant le Mécanisme concernant cette affaire, à tous les conseils reconnus par le Mécanisme comme représentant actuellement les Personnes acquittées ou libérées, ainsi qu’à l’un des personnes agissant pro se en rapport avec cette affaire ; et

DEMANDE au Greffier de transmettre également les Requêtes et la présente Instruction, ainsi que tout autre document public déposé devant le Mécanisme concernant cette question, au Bureau des affaires juridiques des Nations Unies. »

Dans la même foulée de réactions et toujours par le Juge Président Carmel Agius, ce 30 Décembre 2021, il émet un autre document dont la teneur est la suivante:

« ORDONNANCE TRANSMETTANT LES REQUÊTES AU JUGE DE SERVICE POUR LA BRANCHE D’ARUSHA

DANS L’AFFAIRE DE FRANÇOIS-XAVIER NZUWONEMEYE PROSPER MUGIRANEZA PROTAIS ZIGIRANYIRAZO
[…]
TRANSMET PAR LA PRÉSENTE les Requêtes au Juge Joseph E. Chiondo Masanche. »

Rappelons que Juge Carmel Agius est le Président du Mécanisme International appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux Pénaux est c’est bien lui, qui lors de la réclamation du Rwanda, dans la réunion du Conseil de Sécurité le 13/12/2021 , a souligné que le transfert de ces Rwandais s’est bien fait, avec le respect de l’Accord signé entre le Niger et L’ONU.

Le Juge de Permanence à Arusha, Joseph E. Chiondo Masanche, en plein pouvoir lui conféré par le Juge Prêsident, a ainsi donné l’Ordre au Gouvernement Nigérien de suspendre l’expulsion de ces 8 Rwandais pour une période de 30 jours ouvrables. En voici le contenu:

« ORDRE A LA REPUBLIQUE DU NIGER DE SUSPENDRE L’ORDONNANCE D’EXPULSION DES PERSONNES RELOCALISEES ET ORDRE DE SOUMISSIONS

DANS L’AFFAIRE DE FRANÇOIS-XAVIER NZUWONEMEYE PROSPER MUGIRANEZA PROTAIS ZIGIRANYIRAZO ANATOLE NSENGIYUMVA ALPHONSE NTEZIRYAYO ANDRÉ NTAGERURA
[…]
CHARGE le Greffe de signifier la présente ordonnance au Niger;

INVITE le Gouvernement du Niger à fournir, dans les 30 jours suivant la signification du présent arrêté, des observations écrites concernant la validité de l’arrêté d’expulsion et sa conformité avec l’accord de réinstallation;

ORDONNE au Niger de suspendre l’Arrêté d’Expulsion et d’autoriser les Personnes Réinstallées à rester sur son territoire, conformément aux termes de l’Accord de Réinstallation, en attendant le jugement définitif de cette affaire;

CHARGE le Greffier de signifier la présente ordonnance à toutes les personnes déplacées, y compris Muvunyi et Sagahutu, et à tous les conseils reconnus comme les représentant actuellement;

CHARGE le registraire de déposer des observations, dans les 30 jours suivant la présente ordonnance ; et

RESTE SAISIE de l’affaire. »

Conclusion

Voici la guerre diplomatico-juridique qui se passe entre L’ONU et son propre membre le Niger qui n’est qu’une marionette dont les ficelles sont entre les mains de Kagame et Macron. L’ONU, comme garant des droits humains ne devraient pas céder aux futilités politiques pour trahir son esprit et condamner les gens au lieu de les protéger. Gardons un oeil dessus.