Par Erasme Rugemintwaza
Depuis le 27/12/2021, les 8 Rwandais relocalisés sur le territoire nigérien suite à un accord Niger-ONU, sont dans la tourmente suite à l’Ordre d’expulsion émis par ce Gouvernement d’accueil, le Niger. Cette affaire de 8 Rwandais acquittés ou libérés par le Tribunal d’Arusha va activer une joute intense politico-juridique entre le Niger et l’ONU sans publier les lobbies visant à les envoyer au Rwanda.
Ces 8 Rwandais sont des grand dignitaries de l’ancien régime renversé par le FPR-Inkotanyi en 1994. Leurs profiles poussent Kigali à une intense activité diplomatique non pas pour un rapatriement social plutôt politique.
Il s’agit de:
1. Zigiranyirazo Protais : C’est le beau-frère du Président Habyarimana Juvénal. Il est le frère d’Agatha Kanziga, l’épouse du président Habyarimana. L’homme était surnommé “Z”. Il a été préfet de la préfecture de Ruhengeri pendant plus de 10 ans. En 2008, il a été reconnu coupable de crimes de génocide, et plus tard en appel en 2009, il a été acquitté;
2. Major François-Xavier Nzuwonemeye : Il était le Commandant du Bataillon de Reconnaissance ;
3. André Ntagerura : Il est devenu le Ministre des Transports et des Communications en 1994. Il a été accusé de crimes de génocide dans l’affaire dite de Cyangugu, mais a été acquitté en appel en 2006 ;
4. Prosper Mugiraneza : Ancien Ministre de la Fonction Publique. Il a été reconnu coupable de crimes de génocide par le tribunal d’Arusha, mais a ensuite été acquitté en appel en 2013 ;
5. Lt Col Anatole Nsengiyumva : Il était Commandant du secteur opérationnel de Gisenyi.
6. Lt Col Alphonse Nteziryayo : Ancien Préfet de Butare ;
7. Lt. Col. Tharcisse Muvunyi : Ancien Commandant de l’Ecole des Sous-Officiers de Butare (ESO);
8. Capt. Innocent Sagahutu : Il était le Comandant-adjoint du bataillon de reconnaissance.
L’Affaire fut un grand défi entre deux Parties, l’ONU est le Niger, au départ inégales. D’une part il y a le Gouvernement du Niger qui ne voulant pas perdre son ami le Rwanda enfreind gravement l’Accord en allégant des raisons diplomatiques sans aucun respect des procédures pourtant pourvues dans l’Accord. D’autre part il y a l’ONU, qui se réveille de son congé avec tout un arsenal d’instruments juridiques et aux yeux de tout le monde valides, pour protéger ces personnes dûment réinstallées sur le sol nigérien. Ainsi, le 30 Décembre 2021, les Tribunaux Pénaux se penchent sur dossier en étudiant les Requêtes des ces personnes mises en danger par l’Arrêté d’expulsion et font, à leur tour le recours grâcieux auprès du Gouvernement du Niger. Ainsi le 31/12/2021, le Juge de Permanence à Arusha, Joseph E. Chiondo Masanche, en plein pouvoir lui conféré par le Juge Président des Tribunaux Pénaux à La Haye, Carmel Agius, a ainsi donné l’Ordre au Gouvernement Nigérien de suspendre d’Arrêté l’expulsion de ces 8 Rwandais pour une période de 30 jours ouvrables. Le libellé du l’Ordre est le suivant:
« ORDRE A LA REPUBLIQUE DU NIGER DE SUSPENDRE L’ARRETE D’EXPULSION DES PERSONNES RELOCALISEES ET ORDRE DE SOUMISSIONS
DANS L’AFFAIRE DE
FRANÇOIS-XAVIER NZUWONEMEYE PROSPER MUGIRANEZA PROTAIS ZIGIRANYIRAZO ANATOLE NSENGIYUMVA ALPHONSE NTEZIRYAYO ANDRÉ NTAGERURA
[…]
CHARGE le Greffier de transmettre la présente ordonnance au Niger;
INVITE le Gouvernement du Niger à fournir, dans les 30 jours suivant la transmission de la présente ordonnance, des observations écrites concernant la validité de l’arrêté d’expulsion et sa conformité avec l’Accord de réinstallation;
ORDONNE au Niger de suspendre l’Arrêté d’Expulsion et d’autoriser les Personnes Réinstallées à rester sur son territoire, conformément aux termes de l’Accord de Réinstallation, en attendant le jugement définitif de cette affaire;
CHARGE le Greffier de transmettre la présente ordonnance à toutes les personnes relocalisées, y compris Muvunyi et Sagahutu, et à tous les conseils reconnus comme les représentant actuellement;
CHARGE le Greffier de déposer des observations, dans les 30 jours suivant la présente ordonnance ; et
RESTE SAISIE de l’affaire. »
Selon les informations qui parviennent au The Rwandan et des sources sûres, le Gouvernement du Niger vient, ce 3 janvier 2022, d’accepter l’Ordre émanant des instances juridiques de l’ONU et de suspendre l’Ordre d’expulsion pour 30 jours enfin de débattre de ce dossier épineux. D’aucuns se demandent déjà si les les raisons diplomatiques, qui ont été invoquées par le Niger dans l’Arrêté d’expulsion ne risquent pas de changer tout et ainsi voir ces 8 Rwandais prendre une autre destination: ou le Rwanda, ou La Haye!
Il s’agit d’une suspension et non d’une abrogation de l’arrêté ministériel.
Les intéressés ont d’abord formé un recours gracieux auprès du Premier Ministre en conformément à la loi du Niger, je subodore en référé. De choses l’une, soit le Premier accédera à leur demande c’est-à-dire abrogera l’arrêté d’expulsion, soit il s’arc-boutera sur sa décision implicitement ou explicitement. Dans les deux cas, les huit Rwandais pourront former un recours en cassation. Comme il s’agit d’une décision administrative, la plus haute juridiction compétente est le Conseil d’Etat.
Les intéressés ont invoqué la supériorité du droit international sur la loi nigérienne et demandé conséquemment le respect, par l’Etat Nigérien, de l’accord passé entre celui-ci et l’ONU.
L’Etat Nigérien s’est manifestement incliné devant la demande de l’ONU.
En suspendant l’exécution de l’arrêté ministériel pour le délai de trente jours, imparti par l’ONU, l’Etat Nigérien a reconnu la supériorité du droit international sur la loi nigérienne.
Par conséquent, l’issue heureuse sera l’abrogation de l’arrêté en question.
Mais le monde entier connaît la nature du régime Kagame : un régime dictatorial et sanguinaire. Aussi nom de l’Etat Rwandais, Kagame a maintes fois dit qu’il n’accorde aucune valeur juridique aux décisions du TPIR. Pour lui et les siens, les décisions qui ont été rendues par le TPIR concernant ces huit Rwandais ne sont que de vulgaires papiers et ceux-ci sont conséquemment génocidaires des Tutsi. Enfin, devant le Conseil de sécurité de l’ONU, l’Ambassadeur du Rwanda à l’ONU a été sans vergogne limpide. Selon ses propres dires, ces huit Rwandais en liberté constituent une menace pour la sécurité du Rwanda et corrélativement du régime Kagame puisque l’Etat Rwandais = Kagame et Kagame= Etat Rwandais.
Il est de notoriété que Kagame dispose d’une très haute expertise dans l’élimination par tous moyens de toute personne considérée comme constituant un danger pour lui et son régime, le tout en toute impunité et peu importe le prix à payer. Les exemples sont très notoirement nombreux.
Il s’ensuit que le Niger ne présente aucune sécurité pour ces huit Rwandais.
Il n’y a qu’une et une seule solution idoine et définitive au problème posé : les Etats, au surplus membres de l’ONU, où résident les membres de leurs familles doivent leur délivrer des visas d’entrée sur leurs territoires pour qu’ils puissent rejoindre les leurs et leur accorder ensuite le statut de réfugiés politiques.
Or le constat macabre et incompréhensible est que comme Kagame et les siens, alors que ces huit Rwandais ont été acquitté par le TPIR ou purgé leurs peines en application du statut institutif du TPIR qui a été créé par ces mêmes Etats entre autres, ces Etats les qualifient de génocidaires des Tutsi et constitutifs d’une menace pour l’ordre public. Bref, ils sont criminels et aucun visa ne peut être leur être délivré et/ou ils ne peuvent nullement leur accorder le statut de réfugié politique (voir la décision étonnante et édifiante du Conseil d’Etat Français, Affaire Nzuwonemeye FX).
Que doivent faire les associations et les partis politiques d’opposition en exil ?
Ils doivent, par des manifestations, informer les publics de ces Etats des agissements de leurs dirigeants qui, pourtant, crient sur les toits que leurs pays sont des Etats de droit et donnent des leçons aux dictateurs africains et approuvent en même temps leurs agissements criminels contre leurs propres citoyens comme en témoigne l’entrée du Président Français, Emmanuel Macron, dans le club des amis de Kagame). Les Rwandais ont écouté les propos cyniques de Macron lors de sa visite à son ami Kagame : les massacres des Hutu ou génocide des Hutu sont une pure invention. Il faut rappeler que la France a participé à la rédaction et à l’adoption de la résolution 955 du Conseil de Sécurité de l’ONU qui a créé le TPIR. Cette résolution dit « génocide » sans autre précision quant à l’ethnie des victimes rwandaises. Par conséquent, nulle part dans cette résolution est mentionné : génocide des Tutsi. L’esprit et la lettre de la résolution est claire : il s’agit du génocide des Rwandais, Hutu, Tutsi et Twa. Nul peut faire dire à cette résolution ce qu’elle ne dit pas, même s’il s’agit du Président de la République Française, membre permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU. Le Président Français et tous ceux qui parlent de génocide des Tutsi font dire à l’ONU ce qu’elle n’a pas dit. C’est regrettable et incompréhensible.