Mes mots ont tari, car je reste profondément effaré face au silence complice du monde occidental devant des crimes graves et répétés que commet le régime rwandais. Je reste désorienté, car des intérêts économiques seuls ne peuvent justifier que l’on ferme les yeux devant des violations chroniques des droits humains. Ce qui est encore troublant, c’est lamanière dont les chancelleries occidentales appliquent la politique de deux poids deux mesures, rendant ainsi leurs discours inaudibles.
Le régime rwandais arrête, emprisonne, torture et tue son peuple et cela n’émeut personne. Depuis une trentaine d’années, ses crimes sont documentés, mais tous les rapports ne sortent jamais des tiroirs des grands bureaux des décideurs de la planète. L’on n’a qu’à voir ce qui s’est passé avec le rapport Mapping sur des crimes commis en RDC entre 1993 et 2003. Les violations qui y sont dénoncées peuvent être qualifiées d’actes de génocide, concluent les enquêteurs onusiens.
À plusieurs reprises, les barons du régime rwandais à commencer par l’actuel chef d’Etat se targuent d’avoir poursuivi et assassiné les opposants dans leurs pays d’exil. Parmi les assassinats qu’ils présentent comme des actes héroïques figurent celui de Seth Sendashonga, ancien Ministre de l’intérieur, tué à Naïrobi (16 mai 1998) et celui de Patrick Karegeya, ancien chef de renseignements extérieurs, mort étranglé dans un hôtel en Afrique du Sud (1er janvier 2014). Récemment (17 février 2020), le chanteur populaire rwandais, Kizito Mihigo, a été assassiné dans une station de police à Kigali, son seul tort étant de prôner la vraie réconciliation entre Hutu et Tutsi. Un autre acte odieux vient de se produire le 27 aout 2020 avec l’enlèvement à Dubaï, puis l’emprisonnement à Kigali de Paul Rusesabagina, ce sauveur de plusieurs centaines de Tutsi pendant le génocide et opposant très critique du régime rwandais.
Quand on voit, d’un côté, l’Occident s’émouvoir et demander des explications à la Russie sur l’empoisonnement de l’opposant russe (Alexeï Nalvany) et, de l’autre côté, continuer à fréquenter, voire à soutenir et à renforcer le régime criminel rwandais, on est totalement désorienté. Pour le cas de Paul Rusesabagina, si les circonstances n’étaient pas graves, on aurait envie de rire quand Kigali l’accuse d’être à la tête d’un mouvement politique qui a une branche armée. Car, si une telle accusation était fondée, on devrait commencer par organiser le procès de ce régime qui a accédé au pouvoir à la faveur des armes. Quant à l’Occident, il faut qu’il reste constant pour être audible et crédible, à moins que l’on me dise que réellement la vie des Noirs ne compte pas!
Maurice Niwese
15 septembre 2020