Vendredi de gratitude: Hommage à Seth Sendashonga

Seth Sendashonga

Par Mukundente Ariane

C’était son anniversaire hier, le 27 Mai, il aurait eu 70 ans. Je vous présente, chers amis, Mr. Seth Sendashonga, un fils du pays parti très jeune à l’âge de 46 ans. Je lui dédie ce vendredi de gratitude pour ses qualités d’homme politique hors du commun avec ces qualités qui ne font jamais bon ménage avec ce métier de politicien: intégrité et honnêteté. 

Personne ne m’avait parlé de Mr. Sendashonga, c’est à travers un documentaire et une émission de radio j’ai découvert l’homme, longtemps après sa mort (plus de 15 ans). J’ai été impressionné par son parcours et ses motivations pour chaque décision qu’il a prise dans sa vie. C’était une personnalité publique connu de tous, mais laissez-moi vous partager l’homme que j’ai découvert et pourquoi c’est un exemple pour la société rwandaise. 

Mr. Sendashonga est né le 27 mai 1951 à Rwamatamu dans l’ancien préfecture de Kibuye. Après ses études au Collège Officiel de Kigali, il continue à l’Université National du Rwanda (UNR) en sciences économiques et sociales. À l’UNR il devient président de l’association générale des étudiants rwandais (AGER) et commença à critiquer les manquements du régime de Habyalimana juste quelques années après sa prise de pouvoir en 1973. 

On s’arrête ici quelques minutes! Voilà, ma première admiration pour cet homme. Cela semble anodin pour certains, mais pas pour moi qui croit à la démocratie et à un état de droit. 

Critiquer le pouvoir est un acte de santé démocratique et de patriotisme car on le fait pour le l’amour de son pays. J’ai été frappé par ce jeune homme tout juste au début de ses vingtaines qui avait un sens inné de la démocratie. Il s’était insurgé contre l’instauration d’un seul parti, le MRND, alors qu’il voulait la vraie démocratie avec plusieurs partis. Menacé par le pouvoir, il s’exila avec sa femme au Kenya. Ça doit être le plus jeune réfugié politique de cette époque. Il faut beaucoup de courage et de tenir à ses convictions profondes pour fuir à cet âge dans un pays étranger dont on ne parle pas la langue. Il était jeune et intelligent, il aurait pu faire comme les jeunes de son âge: vivre la vie trépidante du campus et profiter de sa jeunesse. Mais, par souci de démocratie, il a choisi la galère.

Vers les années 1980, le Rwanda étant calme avec une paix relative, il y eut quelques réfugiés du Burundi et d’ailleurs dans les pays limitrophes qui reviennent vivre au Rwanda. Sendashonga est approché par le gouvernement Habyalimana pour lui demander de rentrer au Rwanda, mais il refusa. Pour lui, les conditions d’un état de droit ne sont pas remplies. C’est un ainsi qu’en Septembre 1990 avec 33 personnes, il est signataire d’une lettre « appel des 33 intellectuels » pour demander au Président Habyalimana d’instaurer le multipartisme suite au discours de la Baule de Mitterrand qui appelle les pays africains à la démocratisation. En 1991, il rejoint le mouvement du FPR. 

Dans une émission de radio, sa femme a raconté comment il a été sollicité par plusieurs partis, dont le MDR de Twagiramungu. Mais, Sendashonga a choisi FPR, parti d’exilés Tutsi de 1959 pour montrer que l’unité entre les différentes ethnies est possible et qu’ils peuvent aspirer ensemble à un bon projet très noble: instauration d’un état de droit. Un autre arrêt, ici! En voilà, selon moi, une raison d’élever cet homme au rang de panthéon national. Quand j’ai entendu ça, j’ai voulu connaître l’homme. Quel grandeur d’âme! C’était l’exemple d’un homme qui avait vraiment dépassé les ethnies sans faire semblant. Vous pensez que c’est encore un petit geste anodin. Il suffit d’observer notre société, chaque personne est catégorisée dans sa case propre. Aller à contre-courant des croyances populaires demande beaucoup de courage. Ce geste a allumé quelque chose à moi et j’ai pris une décision ce jour-là : le jour où je choisirai un parti politique, il ne sera jamais identifié à une des ethnies, même si les deux ethnies y seront représentées. Ce sera un parti complètement neutre et connu comme tel. Bien évidemment, avoir dépasser les ethnies n’est pas la seule raison qui l’a poussé à choisir le FPR, il avait été séduit aussi par la plateforme de ce parti. 

Malheureusement, le mariage ne durera pas longtemps avec la victoire de son parti en 1994. Ils ont lutté ensemble pour accéder au pouvoir, mais ils ne parviendront à la savourer ensemble. Nommé Ministre de l’intérieur en 1994, il démissionna après une année seulement. Il avait dénoncé les tueries de la population Hutu par son parti. Plusieurs lettres qu’il avait écrit au Vice-Président d’alors, Paul Kagame, sont restés lettres mortes. N’en pouvant plus il jeta l’éponge. Ce fut une décision très difficile à prendre, car ça mettait en doute son jugement de départ de choisir le parti du FPR, car il avait plusieurs choix. 

Finalement il se décida et s’exila encore une fois pour les mêmes raisons: absence de pays de droit. Il retourna au Kenya, presque au double de son âge de son premier exil. C’est début vingtaine qu’il s’était exilé pour la première fois et c’est après vingt ans encore, qu’il reprenait le chemin de l’exil. Malheureusement, il ne parviendra pas à s’en sortir comme avant. Il échappa au premier assassinat en 1996, mais le deuxième l’emporta. Les auteurs ne furent jamais identifiés, mais quelques années plus tard, le Président Kagame mentionna dans un de ses discours qu’il devait mourir. Jusqu’à maintenant il n’y a jamais eu justice pour sa famille. Mort prématurément, il n’aura jamais l’occasion de voir ses enfants grandir ni avoir la joie d’être grand-père. 

Mr. Seth Sendashonga était un grand démocrate qui mérite sa place parmi nos héros. Des hommes démocrates sont des denrées très rare dans la société rwandaise. En avoir un et le perdre si tôt, a été une grande perte pour le Rwanda. Ce sont les hommes du calibre de Sendashonga intègres et honnêtes que le Rwanda a besoin pour l’émergence d’un pays de droit. 

Alors, chers amis, rendons hommage à homme grandeur nature qu’est Seth Sendashonga. Il sera toujours une fierté et un exemple pour tous les Rwandais, mais surtout pour sa famille. À propos de la famille, je salue son frère Bisarinkumi qui fut parmi les 33 signataires aussi, si je me rappelle bien. Comme quoi, la démocratie est une affaire familiale. Il fut mon professeur de chimie et titulaire de ma classe à l’UNR. Il était le seul qui rendait visite aux familles voisines dont certains membres avaient été emprisonnés dans la période ‘’d’ibyitso’’.   

Intwari ntizipfa zirasinzira! Seth Sendashonga, yubahwe!