01/10/1990-01/10/2022: 32 ans de malheurs pour le peuple rwandais.

Par Emmanuel Mwiseneza

La guerre commencée par le FPR en octobre 1990, était présentée comme une guerre pour le retour des réfugiés Tutsis des années 1959-1963 et 1973 et pour la liberté et la démocratie au Rwanda.

Dès cette attaque la société rwandaise fut divisée en plusieurs camps:

1. Presque tous les Tutsis de l’intérieur adhèrent à la cause du FPR même si certains ne s’affichent pas tout de suite,

2. Certains démocrates-humanistes Hutus adhèrent à la cause,

3. Certains Hutus adhèrent non pas par conviction mais par envie de revanche contre la Président Habyarimana,

4. Certains Hutus se montrent tout de suite hostiles car ils soupçonnent le FPR de cacher les véritables intentions de son attaque qui seraient plutôt la contre-révolution de 1959 et de ses acquis pour réinstaurer un régime revanchard et nostalgique de l’époque féodale.

Au fur du temps, certains changèrent de position jusqu’à considérer que ceux qui nous attaquaient étaient « nos frères ».

Le FPR avait bien peaufiné son plan. Il s’attela surtout à se montrer comme un mouvement rassembleur et surtout fit tout pour ne pas laisser entrevoir que c’était un mouvement de réfugiés Tutsis avant tout.

De façon habile, il recruta les Hutus surtout les Hutus du Nord, région du Président Habyarimana comme l’ancien président Pasteur Bizimungu ou encore l’ancien ministre de l’intérieur, le Col Alexis Kanyarengwe. Ces Hutus sont l’étendard d’un mouvement trans-ethnique. Lors de l’attaque de la prison de Ruhengeri le 22 janvier 1991, des prisonniers emblématiques comme le Major Théoneste Lizinde et le Capitaine Biseruka, furent libérés par le FPR qui les enrôla ensuite dans ses rangs.

Avec le temps, le régime du président Habyarimana subit l’usure de la guerre, la population déplacée à l’intérieur du pays approcha un million (camps de Nyacyonga,…) au plus fort de la guerre.

Les Accords d’Arusha, signés le 03 août 1993, entre le président Habyarimana et le président du FPR le Col Alexis Kanyarengwe, donnèrent un peu d’espoir. Un Hutu du Nord signe avec un Hutu du Nord, ce qui laissa sceptiques certains qui se demandèrent pourquoi les Tutsis du mouvement ne veulent pas se montrer aux commandes!

Mais très vite, la mise en place du gouvernement de transition à base élargie (GTBE) se révéla impossible. Beaucoup d’obstructions émanant du FPR, même si le MRND tente aussi de garder le contrôle ou de sauver les meubles.

Le 06 avril 1994, le FPR prit une décision historique qui allait bouleverser l’histoire du Rwanda et le faire basculer dans une catastrophe dont les effets se prolongent encore actuellement: l’assassinat du président Habyarimana ( et son homologue burundais et leurs proches). On peut dire tout ce qu’on veut, mais on sait qu’à Kigali dans les années qui ont suivi la victoire du FPR, les officiels et les militaires du FPR ne s’en cachaient pas et revendiquaient fièrement cet acte lâche. Ils ont commencé à nier cela lorsque le juge antiterroriste français Jean Louis de Bruguière a ouvert une enquête concernant cet attentat. Si pour des raisons de real politik, cette enquête a été abandonnée, elle devra un jour ou un autre reprendre pour donner une réponse à la question de savoir qui a assassiné le président Habyarimana, car cet assassinat n’est pas un acte anodin.

L’assassinat du président Habyarimana fut l’élément déclencheur du génocide contre les Tutsi, qui durera 100 jours et emportera entre 500 et 800 milles vies innocentes.

A côté de ce génocide contre les Tutsis, des massacres à grande échelle ont visé les Hutus, depuis le 1er octobre 1990, se sont poursuivi parallèlement au génocide contre les Tutsi et après celui-ci, se sont poursuivis au Congo (ex-Zaïre) en 1996-1997, se sont prolongés au Rwanda à l’époque dite des Abacengezi (1998-2000).

Au vu des documents et des témoignages disponibles actuellement, ces massacres constitueraient un génocide contre les Hutus et un tribunal ad hoc pourrait le confirmer.

Après les années 2000, le FPR s’attela à renforcer son pouvoir et sa mainmise sur toute la vie socio-économique du pays. Les procès Gacaca servirent à juger quelques responsables du génocide mais beaucoup les utilisèrent pour se venger contre les Hutus qui furent victimes de vindicte populaire, d’humiliation, de spoliation, d’emprisonnements arbitraires, d’expropriation,….

Les injustices, l’arbitraire, la brutalité du FPR contre la population se sont poursuivis jusqu’à aujourd’hui. Il a même commencé à s’attaquer aux rescapés du génocide contre les Tutsi dont certains ont été tués, d’autres ont été emprisonnés, ont pris le chemin de l’exil ou ont été réduits au silence.

Il est grand temps que cela s’arrête.

L’ouverture de l’espace politique est une nécessité vitale si nous ne voulons pas revivre les atrocités du passé, car, la démocratie permet de mettre à la tête du pays des dirigeants élus et ces dirigeants élus sont responsables devant leurs électeurs auxquels ils ne peuvent pas causer du tort. Dans un système démocratique, les dirigeants sont aussi responsables devant le parlement et grâce à une justice non partisane, ils répondent de leurs actes s’ils violent la loi.

Un tribunal pénal international devrait aussi voir le jour pour juger les criminels qui n’ont pas encore été jugés, que ce soit pour les crimes commis au Rwanda, que ce soit pour ceux commis en République Démocratique du Congo comme ceux répertoriés dans le rapport Mapping.

Un grand merci à tous ceux qui osent dénoncer toutes les injustices comme ceux qui s’ étaient réunis à Bruxelles le 1er octobre 2022 pour demander l’ouverture de l’espace politique au Rwanda ainsi que la mise en place d’un tribunal pénal international pour le Congo pour poursuivre les responsables des crimes répertoriés dans le Rapport Mapping.

Ceux qui ont contribué d’une façon ou d’une autre à la réussite de la manifestation et la conférence-débat qui a suivi trouvent ici mes remerciement.