Adresse du ministre Muyej sur la situation globale relative aux solutions durables pour les réfugiés rwandais

Monsieur le Représentant du Gouvernement d’Afrique du Sud ;
Madame l’Assistante du Haut Commissaire Chargée de la Protection ;
Monsieur le Directeur du Bureau Régional du HCR pour l’Afrique ;
Distingués Invités ;

Qu’il me soit permis de m’acquitter d’un agréable devoir, celui de vous saluer et de remercier le Gouvernement sud-africain pour nous avoir offert l’hospitalité qui nous permet de nous entretenir à ce jour sur une situation considérée, à juste titre, comme celle étant à la base de la crise que connait, la République Démocratique du Congo, mon pays.

En effet, c’est depuis 1994 que la Communauté internationale a imposé à mon pays l’ouverture d’un couloir humanitaire pour la réception des réfugiés, des militaires et des hommes armés rwandais. Cette situation a entrainé des guerres successives avec comme conséquence la dispersion de ces réfugiés à travers le pays.

Depuis l’invocation de la clause de cessation du statut de réfugié par le Gouvernement rwandais, la position de la République Démocratique du Congo est demeurée inchangée. Elle a été communiquée aux instances du HCR en marge de la 63ème session du Conseil exécutif du HCR, tenue à Genève en octobre 2012.

A cette occasion, le délégué du Gouvernement de mon pays a fait part au Directeur Afrique et au Haut Commissaire de l’impossibilité d’appliquer cette clause.

L’Accord Tripartite signé à Kigali, le 17 février 2010, et ses modalités pratiques, signées à Goma, le 30 juillet 2010, n’ont jamais été mis en œuvre par une Commission Tripartite réunissant la République Démocratique du Congo, pays d’asile, la République du Rwanda, pays d’origine et le HCR.

Cette Tripartite, qui devait se tenir sur invitation de la République du Rwanda, avait pour objectif la mise en place d’un plan d’opération sur le rapatriement volontaire et organisé des réfugiés rwandais vivant en République Démocratique du Congo.

Les perspectives de la pacification de l’Est du pays, qui s’annoncent avec la mise en place de la Brigade d’Intervention neutre en vue de neutraliser les forces négatives opérant dans les zones du Nord et du Sud Kivu, peuvent faciliter la relance de l’enregistrement et du rapatriement des réfugiés rwandais dans leur pays d’origine.

Nous croyons fermement au niveau du Gouvernement de la République Démocratique du Congo que le moment est venu pour mettre fin à cette situation de réfugié qui a trop duré et éviter de créer une situation d’irréguliers et d’apatrides par l’invocation de la clause de cessation.

Ainsi, le Gouvernement de la République Démocratique du Congo sous l’impulsion du Président de la République, Chef de l’Etat, Son Excellence Joseph Kabila Kabange, propose, pour ce faire, les étapes ci-après :

Organiser en urgence une réunion tripartite RDC-Rwanda-HCR en vue de l’évaluation et de la mise en œuvre effective de l’Accord Tripartite signé à Kigali, le 17 février 2010, et ses modalités pratiques, signées à Goma, le 30 juillet 2010 ;
Procéder, avec l’appui de la communauté internationale, à l’enregistrement de tous les réfugiés rwandais vivant en République Démocratique du Congo tant dans les zones accessibles telles que Katanga, Equateur, Kasaï Oriental, Sud-Kivu/Uvira, que dans celles d’accès difficiles comme le Nord-Kivu et le Sud-Kivu, notamment dans les groupements de Kigoma, Mukundu, Kijaga, Katala, Lulenge, Ngaja, Binza, Bukoma, Bishisha, Bapere, Batangi, Bakano, Wanyanga, Ruberiki, Bahunde et à Masisi ;
Prononcer la clause de cessation après la mise en œuvre de l’Accord Tripartite et de ses modalités pratiques en vue de permettre à tous les réfugiés rwandais ayant opté pour le rapatriement de rentrer dans la sécurité et la dignité dans leur pays d’origine.

A cet effet, les statistiques officielles provisoires des réfugiés rwandais vivant en République Démocratique du Congo se présentent, à ce jour, de la manière suivante :

Ville de Kinshasa : 67 personnes ;
Katanga : 598 personnes ;
Kasaï Oriental : 1.584 personnes ;
Equateur : 287 personnes ;
Nord-Kivu : 106.013 personnes ;
Sud-Kivu : 18.988 personnes.

Soit un total de 127.537 réfugiés identifiés sur le territoire congolais.

Pour nous permettre de disposer des statistiques fiables, harmonisées et définitives de tous les réfugiés rwandais vivant sur le sol congolais, le Gouvernement de mon pays pense qu’il est indispensable de procéder à l’enregistrement exhaustif de ces réfugiés, avec l’appui de la communauté internationale, en l’occurrence le Haut commissariat des Nations unies pour les Réfugiés et ses partenaires.

Concernant l’intégration locale, entendue comme statut légal alternatif, le Gouvernement de mon pays tire les leçons malheureuses de l’invocation de la clause de cessation du statut de réfugiés angolais au 30 juin 2012. A ce jour, 23.000 réfugiés, candidats au rapatriement volontaire, attendent toujours leur rapatriement, tandis que plus de 30.000 réfugiés candidats à l’intégration locale vivent en illégalité sans aucun document, faute de moyens du HCR.

Ces réfugiés devront se conformer à la législation congolaise en vigueur et la République Démocratique du Congo envisagera la mise en place de cette politique après le rapatriement des candidats au retour car, faut-il le rappeler, l’acquisition de la nationalité congolaise a des exigences strictes que toute personne doit individuellement remplir pour en bénéficier.

Mesdames et Messieurs,

Au nom du Président de la République, Chef de l’Etat, Son Excellence Joseph Kabila, et du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, Son Excellence Augustin Matata Ponyo, ainsi qu’au nom de la délégation qui m’accompagne et en mon nom personnel, je réitère mon remerciement au Gouvernement sud-africain pour l’accueil chaleureux et l’intérêt qu’il ne cesse de porter dans la recherche des solutions aux problèmes qui se posent à mon pays. J’ai dit, je vous remercie.

Fait à Pretoria, le 18 avril 2013
Richard MUYEJ MANGEZE