Feuille de route pour un avenir prometteur du Rwanda : une proposition de réforme de la gouvernance actuelle répondant à la réalité d’aujourd’hui

Par The Rwandan Analyst

Introduction

Mme INGABIRE Umuhoza Victoire et Me NTAGANDA Bernard, présidents de deux partis politiques rwandais d’opposition à savoir le Dalfa-Umurinzi et le PS-Imberakuri ont conjointement publié une feuille de route dans laquelle ils mettent en évidence les défis sociaux, économiques et politiques qui prévalent au Rwanda et proposent des mécanismes respectifs. Selon le titre en soi, les politiques rwandaises dans ces secteurs semblent anachroniques et méritent d’être révisées pour résorber les entraves qui handicapent leur mise en œuvre efficace. Le présent article s’efforce d’évaluer les forces et la faisabilité de cette feuille de route lancée par ces deux formations politiques ; mais avant cette analyse, il s’avère bienséant de brosser un aperçu du contenu de cette feuille de route.

1.La feuille de route en bref

Outre son introduction et sa conclusion, la feuille de route suggérée par les patrons des deux partis politiques d’opposition porte sur six parties à savoir les motivations de la feuille de route, la solution proposée, les parties prenantes, la mise en œuvre, les résultats attendus et son calendrier.

1.1.Motivation de la feuille de route

Après l’accession au pouvoir par le Front patriotique rwandais (FPR) en 1994, il a été tenu, de 1998 à 1999, des consultations nationales pour discuter de la manière dont le Rwanda pourrait résoudre ses problèmes d’unité nationale, de démocratie, de justice, d’économie et de sécurité. Les résultats de ces consultations constituent les philosophies directrices de la gouvernance mise en œuvre par le FPR au cours des deux décennies. Parmi les réalisations du RFP figurent le maintien de la sécurité dans tout le Rwanda, la mise en place de structures gouvernementales et la réforme de la législation régissant les activités de l’État. Cependant, la démocratie consensuelle imposée par le FPR s’est transformée avec le temps en une dictature déguisée qui réprime les dissidences politiques, restreint le pluralisme et les libertés publiques ainsi que les violations des droits de l’homme et de l’état de droit. Concernant l’unité et la réconciliation, il existe encore des divergences de vues entre les Rwandais, en particulier en ce qui concerne la commémoration des victimes des crimes de guerre commis avant, pendant et après le génocide contre les Tutsis. Le programme de développement qui visait à transformer le Rwanda en un État à revenu intermédiaire d’ici 2020 inspiré par une économie rationnelle – dénommé Vision 2020 n’a pas atteint ses objectifs et le COVID-19 a exacerbé la détresse économique actuelle du Rwanda.

1.2.Solutions proposées

Il est proposé un dialogue inter-rwandais pour engager le gouvernement et les voix dissidentes à l’intérieur et à l’extérieur du pays dans des discussions coopératives, constructives et positives pour définir des mesures et comment celles-ci peuvent être mises en œuvre pour réformer la gouvernance de notre pays afin qu’elle soit conforme aux réalités d’aujourd’hui. Ces discussions devraient couvrir quatre sujets principaux qui sont considérés comme étant à l’origine de l’instabilité dans notre pays, mais qui, s’ils sont gérés efficacement, pourraient restaurer la bonne gouvernance au Rwanda.

 1.2.1. Processus politique inclusif

Le système politique actuel présente tous les signes d’un système d’État à parti unique où un parti domine toutes les structures de l’État, notamment en décidant qui devrait être autorisé à concourir avec le parti au pouvoir lors des élections politiques ou même devrait être enregistré en tant que parti politique. Pour relever ce défi, il est grand temps d’établir un processus politique inclusif qui soit ouvert et permette une libre compétition politique au Rwanda

1.2.2. Réconciliation

Il est proposé de poursuivre la commémoration du génocide contre les Tutsis et en même temps de prendre des actions et des mesures qui permettent aux Hutus qui ont perdu leurs proches dans d’autres massacres commis de se sentir inclus dans la mémoire de la nation ; en d’autres termes il importe de transformer le passé malheureux du Rwanda en une histoire meilleure et inspirante en mettant en œuvre une forme d’amnistie pour tous les crimes commis au Rwanda. Pour qu’une telle amnistie soit possible, les Rwandais doivent établir une compréhension commune de tous les crimes commis contre eux entre le début des années 1990 et les années 2000.

1.2.3. État de droit et droits de l’homme

Au cours des dernières décennies, le Rwanda est reproché d’être responsable des violations des droits de l’homme de toutes sortes entraînant des préjugés parmi les Rwandais selon lesquels ceux qui s’opposent aux politiques ou aux actions mises en œuvre par le régime en place sont rapidement qualifiés d’ennemis de l’ État; scepticisme entre les Rwandais vivant à l’étranger et à l’intérieur du pays, ainsi qu’entre l’opposition et le Gouvernement ; l’absence de culture du dialogue avec ceux qui ont des idées divergentes ; manque de respect des droits de l’homme ; l’absence de liberté d’expression ; l’absence de participation politique. Il est grand temps d’engager un débat constructif sur la manière dont le respect des droits humains fondamentaux et l’état de droit doivent être restaurés et rendre l’espace politique inclusif au Rwanda.

1.2.4. Développement durable et prospérité partagée

Nous pensons que lorsque les réformes de gouvernance, émanant du dialogue proposé entre le gouvernement et les voix dissidentes, auront été mises en œuvre, cela renforcera immédiatement l’image de marque du Rwanda en tant que meilleur endroit pour faire des affaires. En retour, cela permettra à davantage d’investissements de circuler dans le pays qui contribuera au développement durable au Rwanda

1.3.Les parties prenantes de la feuille de route

Cette feuille de route a suggéré les parties suivantes comme parties prenantes de ce projet.

• Gouvernement rwandais ;

• Les organisations de l’opposition et de la société civile (y compris celles opérant à l’intérieur du Rwanda et en exil) ;

• La communauté internationale

1.4. Mise en œuvre de la feuille de route

Pour que la feuille de route proposée réussisse, il est nécessaire de mettre en place une commission – composée d’hommes politiques, de religieux et de membres de la société civile inclusifs – qui planifiera et mettra en œuvre de manière approfondie la feuille de route ; pourra impliquer les Rwandais de l’intérieur et ceux vivant à l’étranger dans la mise en œuvre de la feuille de route et va élaborer un budget pour la feuille de route 

1.5. Résultats attendus de la Feuille de route

La mise en œuvre d’un tel programme contribuera à transformer le passé malheureux du Rwanda en un avenir meilleur et inspirant ; planifier un avenir meilleur et inclusif pour la jeune génération de Rwandais ; susciter une unité et une réconciliation authentiques et durables entre les Rwandais ; garantir une sécurité durable pour le Rwanda ; parvenir à un développement durable au Rwanda ; positionner le Rwanda comme un pays incontestablement inventif et un modèle de réconciliation dans la région et sur le continent africain ; changer l’état d’esprit des Rwandais par lequel ils seront encouragés à focaliser leurs efforts et leur créativité ainsi que leur savoir-faire sur la vision du développement durable au Rwanda ; encourager les jeunes nés ou élevés à l’étranger à retourner au Rwanda et ainsi contribuer à faire du Rwanda un pays prospère et mettre fin aux  raisons qui poussent les gens à exercer leurs activités politiques en dehors du Rwanda et motivent des rebellions avec l’intention de prendre le pouvoir au Rwanda par la voie des armes. Tous les membres de la diaspora rwandaise souhaitant retourner au Rwanda le feront librement sans craindre d’être maltraités pour leur opinion, entre autres, ce qui permettrait aux Rwandais intéressés par la politique de s’y lancer en rivalisant avec le parti au pouvoir proposant leurs idéaux et en appliquant des actions pacifiques et intelligentes qui sauvegardent et appuient le développement réalisé.

1.6. Chronologie

La feuille de route devrait être exécutée pendant et tout au long du mandat présidentiel restant du président en exercice du Rwanda (c’est-à-dire au cours des trois prochaines années). Ainsi, le président sortant quittera ses fonctions avec l’héritage d’avoir résolu les problèmes faisant fuir les Rwandais de leur pays et fortifié la stabilité à long terme au Rwanda.

2.Analyse

A travers les lignes qui suivent, nous comptons évaluer le contenu de la feuille de route en prenant en considération les lignes politiques du pays et de la réalité locale.

2.1.Le contenu

La feuille de route publiée par les deux personnalités politiques reflète une série de vrais défis qui entravent entre autres la réconciliation effective ; le respect des droits civils et politiques des Rwandais et le progrès économique du pays. En effet, tout analyste objectif des politiques rwandaises d’unité et de réconciliation; de l’état de droit et de son programme économique peut facilement constater que les bilans positifs des autorités rwandaises sont pour la plupart agrémentés pour impressionner les pays étrangers, la communauté internationale et les bailleurs de fonds alors que la réalité du terrain est alarmante. Les relations sociales rwandaises sont théoriquement bonnes mais le divisionnisme ethnique est toujours entretenu par les lois rwandaises sur l’idéologie du génocide qui sont promulguées pour ne menacer que les Hutus ; la commémoration des pertes humaines de la période sombre du pays est unilatérale alors que même les Hutus ont perdu leurs proches à un effectif non négligeable. Le régime opprime toujours les opposants et commet une série de crimes dont la torture ; les assassinats ciblés ; les disparitions ; emprisonnements à l’issue de procès politisés ; etc. Le pluralisme au Rwanda est une politique de façade parce que les partis réunis dans le forum politique ne peuvent pas contredire les vues du FPR et sont contraints de toujours faire passer ses vues.

Les programmes économiques du Rwanda ont dévié les facteurs réels de développements en mettant de côté l’agriculture alors que les 90% de la population survivent de ce secteur ; les industries sont rudimentaires ; des fonds sont détournés de manière informelle pour financer des renseignements et des armes contre ses propres citoyens considérés comme des ennemis.

Conclusion

Les idées de la feuille de route sont louables et quiconque n’est pas subjectif peut les apprécier. Mieux encore, l’impact de cette feuille de route est intéressant pour les victimes de la dictature rwandaise et la communauté internationale qui avait soif d’un programme logique des partis d’opposition et peut aider à le mettre en œuvre. Néanmoins, le régime rwandais ne peut les considérer car elles émanent de ses opposants et sont absolument opposés à sa politique. La question de la commémoration bilatérale est déjà considérée comme une idéologie du double génocide ; l’exclusion politique est jugée par les maîtres du pays comme une stratégie pour éviter les détracteurs ; les politiques économiques choisies par l’État servent davantage les intérêts égoïstes de la clique qui  gouverne car la misère dans laquelle vit la population ne les intéresse guère.