By The Rwandan Lawyer
Introduction
Ngeze Hassan, le rédacteur en chef du journal Kangura a passé les 2/3 d’emprisonnement qui lui permet de bénéficier de la libération conditionnelle comme les autres condamnés pour pouvoir bénéficier de cette faveur légale. Alors que d’autres détenus ont été libérés par l’IRMCT sans recourir au gouvernement rwandais, Ngeze Hassan a demandé que cette libération conditionnelle soit adressée au ministre rwandais de la Justice comme s’il attendait des autorités rwandaises une suite favorable mais le ministère rwandais de la justice a répondu par la négative décommandant sa relaxe. A travers les lignes qui suivent, nous envisageons d’analyser l’état de la question.
Les faits
Hassan Ngeze, né le 25 décembre 1957, est un journaliste rwandais surtout connu pour avoir diffusé de la propagande anti-tutsi à travers son journal, Kangura, qu’il a fondé en 1990.
Ngeze est surtout connu pour avoir publié les « Dix commandements hutus » dans l’édition de décembre de Kangura en 1990.
Analyse
Ngeze Hassan est perçu sous deux aspects ; d’un côté, c’est un journaliste médiatisant la haine interethnique en faveur des Hutus; de l’autre côté, c’est un agent infiltré du FPR avec une mission farouche de rendre difficile la gouvernance du régime hutu en termes d’échec à protéger tous ses citoyens aux yeux de la communauté internationale.
-Ngeze Hassan en tant que journaliste pro-hutu
Ngeze était le rédacteur en chef du magazine bimestriel Kangura, qui était initialement conçu comme un contrepoids au journal populaire antigouvernemental Kanguka.
En décembre 1990, Ngeze a publié les Dix Commandements Hutu (parfois appelés les Dix Commandements des Bahutu) dans son journal Kangura, qui faisaient des remarques désobligeantes sur les Tutsis en général et les femmes Tutsi en particulier. Avec les Dix Commandements Hutu, Ngeze a ravivé, révisé et réconcilié le mythe hamitique (les Tutsis étaient considérés par les Européens comme une « race hamitique » supérieure aux populations « négroïdes » d’Afrique subsaharienne en raison de leurs traits faciaux plus caucasoïdes ; c’est-à-dire l’idée que les Tutsis étaient des envahisseurs étrangers et ne devraient donc pas faire partie du pays à majorité hutue).
Ngeze a fui le Rwanda en juillet 1994 alors que le pays tombait aux mains du FPR. Il a été arrêté à Mombasa, au Kenya, le 18 juillet 1997 et condamné à la réclusion à perpétuité en 2003, par le Tribunal pénal international pour le Rwanda. En 2007, la Chambre d’appel du TPIR a annulé certaines de ses condamnations, mais en a confirmé d’autres. Il a également commué sa peine d’emprisonnement à perpétuité à 35 ans d’emprisonnement. Les charges de « complicité dans la commission du génocide dans la préfecture de Gisenyi ; incitation directe et publique à commettre le génocide par la publication d’articles dans son journal Kangura en 1994 ; complicité d’extermination en tant que crime contre l’humanité dans la préfecture de Gisenyi » ont été confirmées. Le 3 décembre 2008, il a été envoyé au Mali pour y purger sa peine d’emprisonnement.
-La requête adressée au mandataire général du Rwanda
Le gouvernement rwandais a toujours été en conflit avec le TPIR sur la lenteur de ses procès et sur certaines de ses décisions qui ont libéré certains anciens politiciens comme Mugenzi Justin, ancien président du PL ; Protais Zigiranyirazo l’ancien préfet de Ruhengeri et beau-frère de Habyarimana ; Prosper Mugiraneza et Andre Ntagerura anciens ministres, pour ne citer que ceux-là. Face à cette requête, tout analyste s’attendait à deux alternatives de la part de Kigali. Le gouvernement rwandais réagirait soit par le silence administratif comme s’il n’avait pas reçu la lettre soit rejeter officiellement la requête notamment à travers une réponse politique selon laquelle il n’était pas par ailleurs d’accord avec la sanction qui lui a été infligée, étant donné la gravité des faits et qu’il n’y a donc aucune raison de décider quoi que ce soit sur la pétition ridicule d’un criminel et c’est cette dernière alternative pour laquelle Kigali a opté en prétendant comme motivation que le requérant s’est méconduit car il ne s’est même pas repenti des exactions auxquelles il aurait contribué.
-Analyse de la réaction de Kigali
Le ministre de la Justice a répondu en recommandant que la demande soit rejetée, alléguant que NGEZE Hassan ne s’était pas bien comporté en détention. Personne n’est surpris par cette réaction. En effet, en dehors d’avoir toujours contesté les peines infligées aux condamnés pour génocide décidées par le régime du TPIR les jugeant moins sévères et recommandant la réclusion à perpétuité pour tous, le régime rwandais ne pouvait pas mieux réagir que cela. Par ailleurs, il reste une question non encore répondue à savoir si le minijust rwandais est habilité à contrôler le comportement des détenus du TPIR et à recommander leur libération ou le rejet de leur demande à ce sujet.
Conclusion
Le rejet d’une demande nécessitant un avis du garde des sceaux rwandais est plus politique que juridique ; tendance qui met toujours en péril le système judiciaire rwandais. En effet, sur le plan juridique, il appartient au pays dans lequel le détenu est détenu de décider de sa libération conditionnelle sur base du rapport de l’administration pénitentiaire sur la conduite du requérant. Par ailleurs, hormis les spéculations politiques et subjectives reflétées par ce rejet, il est douteux que les autorités judiciaires rwandaises aient effectué un suivi sur la méconduite alléguée du requérant durant sa captivité alors que l’on sait qu’elles ne font pas un tel suivi même pour les détenus internes où plus de 3000 personnes condamnées pour génocide qui exécutaient les travaux communautaires (TIG) ont fui le pays et ce phénomène a été découvert très tardivement. Somme toute, personne n’a été surpris par la position rwandaise ; tout le monde s’attendait à une telle réaction