STRATEGIES DE SORTIE DE GOMA : UN AGENDA EN CINQ POINTS

La communauté internationale (entendez: les puissances occidentales) doit mettre pression sur Kagame afin que sa création et proxy, le M23, se retire de la ville de Goma .Le Président Kabila subit des pressions énormes pour qu’il engage des pourparlers avec le M23, pour écouter leurs doléances. Comme nous l’avons déjà dit, les problèmes de l’Est de la RDC sont en partie une affaire congolaise liée aux faiblesses internes ; mais dans cette guerre en cours, ils sont aussi largement dus à la situation politique à l’intérieur du Rwanda et à la crise des droits humains dans ce même pays. Si la communauté internationale demande à Kabila de parler à une organisation créée et soutenue par le Rwanda, ne serait-il pas logique de mettre pression sur Kagame pour qu’il écoute les revendications légitimes des Rwandais toutes ethnies confondues, aussi bien de l’opposition pacifique qu’armée? Kagame a complètement fermé l’espace politique au Rwanda, emprisonné, tué ou contraint à l’exile des leaders de l’opposition politique, des journalistes et les défenseurs des droits de l’homme.

Au Rwanda, une clique exclusivement composée d’officiers militaires Tutsi dirige le pays d’une main de fer au nom du Président Kagame et sa famille. Il s’agit des officiers comme James Kabarebe, Charles Kayonga, et le fameux Jack Nziza que le Rapport du Groupe d’Experts de l’ONU a cité comme étant le cerveau de la rébellion M23.Ce sont ces mêmes officiers que Kagame a utilisés pour abattre l’avion qui a couté la vie aux Présidents du Rwanda et du Burundi le 6 Avril 1994. Ce sont ces mêmes officiers que Kagame a utilisés pour assassiner le Président Laurent Kabila de la RDC en 2001. Ce sont ces mêmes officiers qui sont au cœur des crimes abominables commis contre les Hutu au Rwanda et en RDC, tels qu’ils sont décrits dans le Rapport Mapping de l’ONU et dans d’autres rapports.
Nous sommes dans une période à hauts risque et escalade aussi bien au Rwanda que dans la région des Grands Lacs. Au Rwanda nous sommes probablement à 2 ou 3 ans d’un évènement majeur qui pourrait facilement dégénérer en guerre civile. Le régime est devenu illégitime, intransigeant, et agressif. Le pouvoir est entre les mains du Président Kagame et sa femme, et une poignée d’officiers militaires Tutsi qui dirigent le gouvernement formel et le pouvoir occulte. Le Président Kagame et ses généraux (James Kabarebe, Charles Kayonga et Jack Nziza) se sont sans cesse tournés vers la RDC, la dernière aventure étant le M23, ayant elle-même un fort potentiel de dégénérer en une guerre civile totale qui pourrait facilement embraser la région. Beaucoup de gens au Rwanda, en RDC, dans la région des Grands Lacs, en Afrique et la communauté internationale ne voient le bout du tunnel de la crise actuelle en RDC.
Bien que la situation actuelle à l’Est de la RDC ait une composante congolaise, la saga du M23 est émanation du Rwanda (et dans une moindre mesure de l’Ouganda). On ne peut pas résoudre, une fois pour toutes, le problème posé par le M23 sans prendre en considération le Rwanda et sa propre crise politique, et réexaminer le soutien aveugle des occidentaux aux Présidents Kagame et Museveni. Si on n’introduit pas des innovations dans la manière d’arrêter des politiques et actions qui étaient les initiatives diplomatiques, politiques et celles liées à l’aide, le retrait de la ville de Goma sera une mesure temporaire et futile, car nous devons nous attendre à la résurgence d’une série de conflits violents.
La communauté internationale, notamment les Etats Unis et le Royaume Unis, devraient prendre en considération les cinq mesures suivantes pour faciliter la fin de l’actuelle crise en RDC de façon durable:

Mise en place immédiate d’un groupe de contact pour diriger un processus de paix à deux voies (RDC et Rwanda). Le groupe de contact comprendrait: Etats Unis, Royaume Uni, France, Belgique Afrique du Sud, Ouganda et Tanzanie. Les Etats Unis et le Royaume Uni sont des éléments clé car, jusqu’à présent, c’est tout ce qui préoccupe le Président Kagame. Les deux puissances occidentales ont toujours protégé Kagame contre tous les appels pour sa reddition des comptes en ce concerne ses aventures incessantes et couteuses en RDC, les droits de l’homme, et le manque de liberté politique au Rwanda. La Belgique et la France étaient des alliés des régimes précédents au Rwanda, et ont certainement appris quelques leçons en ce qui concerne ce pays. La Tanzanie a une mémoire institutionnelle depuis sa facilitation du processus de paix d’Arusha. L’Afrique du Sud est un acteur régional important. L’Ouganda devrait être inclus pour la simple raison que laissé de côté, il pourrait tout gâcher.

Le groupe de contact devrait être sérieusement franc vis-à-vis de Kabila, Museveni et spécialement Kagame. Hier, quand j’écoutais la Présidente de l’Union Africaine Madame Zuma et la Secrétaire d’Etat Madame Clinton, j’ai été attristé et écœuré par le fait que ni l’une ni l’autre ne pouvait avoir le courage d’appeler un chat un chat, nommer le Rwanda et mettre Kagame à nu. En jeune médecin, j’ai appris que la voie de la guérison nécessite de dire au patient quel est le diagnostic, et l’aider à s’approprier l’initiative du processus de guérison. Mesdames Zuma et Clinton ont mis en évidence la maladie qui ronge le système international: quand cela te convient il faut te taire ou dissimuler la vérité. Et Kagame adore cela! Collectivement, le groupe de contact peut avoir une influence substantielle. Les membres du groupe de contact comprennent la dynamique du pouvoir actuel au Rwanda. Ils comprennent les conséquences de maintenir le statu quo et l’inaction au Rwanda, en RDC, dans la région des Grands Lacs, ainsi que les conséquences sur la paix et la sécurité internationales. Il est possible que les Etats Unis et le Royaume Uni soient focalisés sur leurs intérêts sécuritaires en Somalie et au Soudan, et qu’ils soient sujets au chantage de Kagame et Museveni. Mais l’échec d’agir équitablement dans la région des Grands Lacs risque de créer plus d’ennemis en Afrique. Ceci pourrait être contre-productif et dangereux.

Le groupe de contact devra avoir une interaction directe avec des Rwandais, Congolais et Ougandais qui luttent pour la liberté et la justice. Une communauté internationale timide qui ne prend pas soin du peuple africain, et qui ne voit les intérêts d’un pays qu’à travers les yeux de Kagame, Kabila et Museveni est une recette des conflits et catastrophes cyclique. Des milliers de groupes civiles et politiques en appellent au changement dans ces pays, mais la réaction est la même: ces dirigeants sont des acteurs indispensables! Dans le cas du Rwanda, le Président Kagame devrait accepter, sans condition, d’engager des pourparlers avec l’opposition armée et non armée. On fait la paix avec les ennemis et les opposants. La communauté internationale devrait soutenir les efforts destinés à la promotion de dialogue, de .l’unité, de la réconciliation et la guérison authentiques au Rwanda et en RDC, et dans leurs différentes diasporas. C’est un non-sens de dépenser des millions de dollars dans des projets de développement quand beaucoup de citoyens au Rwanda comme en RDC se retrouvent marginalisés.

4. Les africains et le reste de la communauté internationale doivent s’assurer que ceux qui ont commis des crimes abominables d’abus des droits de l’homme, de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de génocide répondent de leurs actes. Plus précisément, les Etats Unis et le Royaume Uni devraient mettre fin à la protection du Président Kagame et ses officiers qui ont commis des crimes graves au Rwanda et en RDC. Ceux de la Banque Mondiale, FMI,DFID, USAID et les autres donateurs qui disent aux Rwandais que Kagame est très bien à cause de son utilisation efficace de l’aide envoient un mauvais message d’autant plus qu’un développement sans droits n’est que fictif et éphémère.

5.Etant donné que l’Union Africaine et les Nations Unies se sont condamnés à être des observateurs inefficaces dans les tragédies congolaise et rwandaise, elles devraient au moins conjointement convoquer d’urgence une conférence ayant pour agenda d’examiner un “Plan Marshal” pour la région des Grands Lacs afin de motiver les dizaines de millions de jeunes et femmes sans emploi qui sont en même temps victimes et outils des acteurs étatiques et non étatiques. Les nations Unies et l’Union Africaine devraient disponibiliser des ressources pour financer la participation de la société civile et de l’opposition à la conférence. Maintenant que la communauté internationale demande à Kabila d’écouter les revendications du M23, on est en droit de se poser la question de savoir quand est-ce que l’Union Africaine et les Nations Unies vont écouter les revendications des peuples africains?

D’ici peu, il sera certainement demandé à la MONUC, une mission scandaleusement couteuse, d’abandonner une opération trop embarrassante. Comme à l’accoutume, le peuple congolais, à l’instar des peuples rwandais et somaliens aujourd’hui comme dans le passé, continuera à lutter pour sa survie. Le défi de résister la tentative du Rwanda (et de l’Ouganda) de promouvoir la sécession et le pillage des ressources de la RDC est une première au Congo. En tout état de cause, tous les rwandais, voisins de la RDC, africains et la communauté internationale devraient s’investir dans la recherche des mesures préventives avant qu’il ne soit trop tard. Une fenêtré d’opportunité existe, mais elle se referme rapidement. Nous devons agir avec innovation, ensemble et maintenant.

Theogene Rudasingwa
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