« Lâchera-t-elle ou ne lâchera-t-elle pas ? » Victoire Ingabire Umuhoza n’abandonne pas. Contre vents et marées, contre conspirateurs, accusateurs et moqueurs, contre kidnappeurs et tueurs de ses partisans, Mme Ingabire signe et persiste, elle n’abandonnera pas son poste d’opposante au régime du FPR actuellement en place au Rwanda. Depuis sa libération, le 15 septembre 2018, à la lumière des épreuves auxquelles elle a été soumise en raison de sa persistance à faire de la politique active, beaucoup étaient pourtant persuadés qu’elle céderait du terrain. Elle le dit, c’est la « guerre d’usure » déclarée à son égard qui la pousse à s’acharner. Cette guerre, elle est en train de la gagner petit à petit et renforce sa stature d’opposante la plus redoutable au pouvoir, en affichant l’assurance d’une future présidente de la République rwandaise.
Ingabire est une figure résiliente et aguerrie de la politique rwandaise. Elle est la seule qui a eu le courage de quitter son confort occidental pour se jeter dans « la gueule du loup » en allant affronter le FPR sur son propre terrain, au Rwanda, malgré le poste prestigieux qu’elle occupait aux Pays-Bas. Le FPR a pourtant trahi sa crainte de la menace grandissante qu’elle représentait, en bloquant l’inscription d’Ingabire lors des élections présidentielles de 2010. Le général Kagame et ses partisans se méfient de cette femme charismatique, et ils ont raison de la craindre car elle défie tous les adages. À celui qui a dit, en s’adressant à Ingabire, « mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose », on entend plutôt les sages intonations d’un « mentez, mentez et la vérité sortira ». Ainsi, quand on prend acte de l’artillerie lourde déployée par les acolytes du pouvoir pour l’abattre, on devient curieux. Qui est-elle au juste? Et pourquoi fait-elle si peur au pouvoir?
Il était une fois une femme de fer
Ceux par qui le scandale arrive ne prennent pas de gants. Sous l’œil bienveillant du pouvoir qui téléguide tout à distance, le déversement de haine que doit subir Ingabire est impressionnant. Les élites du Rwanda, grandes comme petites, frappent fort depuis sa sortie de prison du 15 septembre 2018 en faisant étalage d’accusations les plus abjectes, mais rien n’y fait. La femme de fer ne fléchit pas. Une à une, elle a décousu les accusations portées contre elle, preuves à l’appui. Enfant de génocidaire? Quel mensonge éhonté! Son père a été emprisonné par le régime Habyarimana en 1990, accusé d’être un partisan du FPR. En 1996, sous le régime de ce dernier, il est nommé bourgmestre (maire) de la commune Kibilira. Plus tard, on l’emprisonnera pour l’écarter du siège de député qu’il convoitait. Nulle part dans son dossier, il n’a été accusé de quoi que ce soit et surtout pas d’avoir participé au génocide contre les Tutsis. Quatre années de détention pour avoir voulu obtenir un siège de député ! Et c’est là le supposé crime évoqué par les ennemis d’Ingabire qui défendent la thèse selon laquelle son père aurait été emprisonné pour génocide ! C’est à se demander la définition du génocide par le FPR.
Et sa mère, Thérèse Dusabe ! Que n’avons-nous pas déjà entendu à son sujet ? Les plus créatifs dans la calomnie la plus abjecte l’ont déjà accusée d’avoir fracassé des bébés tutsis contre les murs de son dispensaire de Butamwa. On lance de pareilles accusations (d’une telle violence qu’on ne s’y habitue jamais) dans le seul but de frapper l’imaginaire des rescapés du génocide contre les Tutsis, afin de les rallier à la cause du mouvement cherchant à diaboliser, et par là même, discréditer, Mme Ingabire. Mais la forteresse érigée entre Ingabire et la population rwandaise (y compris les rescapés du génocide) commence à s’effriter et à présenter des failles. Les accusations de génocide, de négationnisme et de minimisation du génocide contre les Tutsis n’attirent plus que les sbires du pouvoir, en témoigne la récente nomination de Jean Mahoro, qui a survécu au génocide à l’âge de 3 ans, au poste de porte-parole de Dalfa Umurinzi. Le reste de la population connaît trop bien ce disque pour l’avoir maintes fois entendu (la créativité faisant ici largement défaut, il faut le reconnaître), une utilisation du génocide contre les Tutsis pour discréditer et écarter les adversaires.
Le régime actuel du Rwanda et ses troubadours peuvent bien inventer ce qu’ils veulent sur Mme Ingabire, son étoile ne va jamais pâlir. Bien au contraire, chaque injure ou attaque proférée à son encontre devrait lui attirer un capital de sympathie accru de la part de la population. Plus on la vilipende, plus elle est digne et reste à la hauteur et ce, même si elle est affligée de cette déculturation qui traverse actuellement la société rwandaise. Son leadership a été prouvé maintes fois. Au plus fort de la crise du COVID-19, alors même que la population criait famine suite aux restrictions sévères exigeant de « rester à la maison », Mme Ingabire semblait être la seule figure publique à se soucier des plus vulnérables en l’absence, remarquée, du général Kagame. Alors que son parti n’est pourtant pas encore officiellement enregistré, elle s’est distinguée en prenant véritablement les choses en main pendant la crise. On pourrait même avancer que dans son rôle affirmé d’opposante au régime en place et par ses actions tangibles, elle est parvenue à faire ombre au gouvernement qui ne manque pourtant pas de moyens, que ce soit l’argent récolté par le Fonds Agaciro ou les millions de dollars déversés par le FMI pour combattre le Covid-19.
Une dame à l’allure présidentielle
Le pouvoir en place ne sait plus comment la faire taire. A titre d’exemple, elle n’a pas mordu à l’hameçon lorsque le 17 mai 2020, la radio en ligne my250TV appelait publiquement à son assassinat, un appel, suivi d’une multitude de tweets plus haineux les uns que les autres. Une toute autre personne s’inquiéterait, et pour cause, considérant qu’on joue avec ses nerfs en tuant et en faisant disparaitre certains de ses collaborateurs. Mais ce que ses détracteurs ignorent, c’est qu’Ingabire ne prend pas la politique à la légère. Elle sait très bien à qui elle a à faire. Parmi ses détracteurs se trouvent des gens qui n’ont ni foi ni loi. À voir comment ils dirigent les affaires de l’état (par le recours à la peur et à la politique de la terre brûlée), il est évident qu’ils restent aveugles à la détresse et au désespoir de la population rwandaise et c’est sur ce point que Mme Ingabire, grâce à son charisme et à ses qualités d’écoute, attire l’attention. Elle a un discours rassembleur, apaisant, poli, constructif et posé. En bref, un discours digne d’une chef d’État qui pourrait toucher toutes les couches de la population rwandaise, petits comme grands, riches comme pauvres, hutus, tutsis comme twas.
Cette attitude de femme d’État d’une grande capacité et d’une grande envergure est en train de renforcer ses liens avec la population rwandaise qui la remarque de plus en plus dans son rôle de leader affirmé de l’opposition. Mme Ingabire est bien ancrée dans sa position, comme rarement vu avant elle.
L’un des subterfuges utilisés par le régime en place pour la combattre est de tenter de l’associer à des groupes terroristes. C’est sur cette base que sa maison a été saccagée par le pouvoir , à la recherche de preuves qui pourraient l’incriminer. Mais Ingabire reste de marbre. « Vous voulez faire une perquisition ? Entrez, Monsieur ! Je n’ai rien à cacher, prenez tout ce que vous voulez», a-t-elle dit suite à ces perquisitions. Son attitude face à ces attaques lancées à son encontre ne manque pas de surprendre. Elle reste une citoyenne modèle qui appelle au respect de la loi, des institutions et même des autorités. Jamais, on ne l’entendra manquer de respect à ses adversaires. De même, elle n’a jamais perdu son calme au point de se lancer dans les insultes et les calomnies. Que ce soit pour le pouvoir en place ou même pour l’opposition, la stratégie d’Ingabire surprend. Elle montre à tout ce beau monde comment faire de la politique, la vraie : par un discours positif et apaisant, une attitude de proximité sincère avec les gens qui ne feint pas de s’occuper de leurs préoccupations ; par le respect des lois du pays et les droits humains; et enfin, par la recherche du bien commun plus que les intérêts personnels.
Enfin, une politicienne rwandaise digne de ce nom! Il était temps. Le Rwanda en avait bien besoin. Longue vie à Mme Ingabire Umuhoza. Elle est Ingabire ou « don », Umuhoza ou « consolatrice » et la victoire pour le peuple rwandais.
Article d’opinion soumis pour publication par Marcelline Nduwamungu.