Le MR seul au gouvernement : quel impact sur les relations entre le Rwanda et la Belgique ?

Depuis la nomination par le Roi de Charles Michel et Chris Peeters comme Formateurs, la formule dite «  la suédoise », à savoir un gouvernement composé des partis néerlandophones NV-A, CD&V, Open VLD et du seul parti francophone le MR, s’impose et même ce futur gouvernement commence à prendre forme.

Ainsi donc, selon la règle  du jeu dans la répartition des postes dans un gouvernement fédéral, le MR, seul parti  francophone, va rafler les sept portefeuilles ministériels sur les 15  que la Constitution définit et qui sont attribués paritairement à chaque rôle linguistique, étant entendu que le Premier Ministre est supposé être linguistiquement « asexué » !

En clair, la moitié des postes ministériels du gouvernement fédéral seront occupés par les membres du parti MR. C’est une première dans un gouvernement de coalition comme la Belgique en a le secret. D’habitude, les partis politiques appelés au gouvernement étaient confrontés au dilemme de ne pas pouvoir placer tous leurs nombreux cadres souvent ambitieux mais aussi compétents par rapport aux quelques postes qu’ils obtenaient (deux  ou rarement  trois  ministères). Pour le MR, cette fois-ci, le problème se pose en des termes différents : les postes sont trop nombreux, et c’est une surprise car ce scénario n’était pas jusqu’il y a peu envisagé,  pour occuper sept postes ministériels avec tout ce qui va avec en termes de cabinets ministériels qui pourront cette fois-ci compter  des centaines voir des milliers de cadres tous militants du MR.

Alain Destexhe, avec un drapeau rwandais,  prêt à acceillir Paul KagameCette perspective (un gouvernement belge avec comme seul parti francophone qu’est le MR détenant la moitié des portefeuilles ministériels) agite une autre classe politique à 6.000 km de Bruxelles. En effet, à Kigali, dans les cercles restreints du régime du FPR de Paul Kagame, les spéculations vont bon train pour deviner qui occupera tel ou tel ministère dans le prochain gouvernement fédéral belge. Il faut rappeler que les liens entre le MR (anciennement PRL : Parti Réformateur Libéral) avec le FPR ne datent pas d’hier et ont toujours été très forts. Quand la rébellion du FPR venue d’Ouganda lança sa guerre de conquête en octobre 1990, le Parti Réformateur Libéral (PRL) d’un certain Jean Gol et Louis Michel sera l’un de ses soutiens en Belgique et en Europe et l’accompagnera jusqu’à sa conquête totale du Rwanda en 1994. Depuis lors, les ténors de ce parti jouent les lobbyistes du FPR en Europe et en Belgique comme Louis Michel qui, au Parlement Européen, anime un cercle baptisé « les amis du Rwanda » et ayant pour tâche de donner toujours une image idyllique du régime dictatorial de Paul Kagame, quelles que soient les critiques et d’où qu’elles viennent. Tout comme le député Alain Desetexhe qui, lors de la dernière campagne électorale, tenait des meetings à l’ambassade du Rwanda à Bruxelles.

Louis Michel et Paul Kagame chez le Comte Hervé de Liedekerke/Paris MatchAucun doute que dans l’attribution des portefeuilles ministériels, Kigali souhaite ardemment que le département des Affaires étrangères soit confié à un autre ténor du MR en lieu et place de Didier Reynders. Celui-ci étant en mauvais terme avec le « clan Michel », il s’était attiré les foudres de Kagame dans la gestion de la crise de la rébellion du M23 à l’Est de la RDC quand il n’avait  pas hésité à abonder dans le sens des experts de l’ONU qui accusaient le Rwanda de soutenir ce mouvement, contrairement aux dénégations de Louis Michel au Parlement européen. Il est donc « persona non grata » à Kigali. Le FPR espère que son partenaire au sein du futur gouvernement fédéral qu’est le MR aura toute la latitude la matière, profitant d’un risque probable d’« indifférence » des partenaires flamands qui seraient uniquement braqués sur des problèmes belgo-belges dans ce partage des portefeuilles ministériels, et qui, en plus, n’auraient  aucune expertise en matière des relations avec les anciennes colonies belges en Afrique.

Ainsi donc, aussi caricatural que cela puisse paraître, la situation sécuritaire dans la région des Grands Lacs où un régime des plus dictatoriaux du monde est soutenu, contre toute logique, par un des plus importants partis de Belgique qu’est le MR, parti d’un Louis Michel, coordinateur des lobbies pro- Kagame en Europe, sera analysée, sans aucun doute, dans le sens voulu par Kigali.

Jane Mugeni
05/08/2014

Source: musabyimana.net