QUINZAINE DE LUTTE CONTRE LA CULTURE DU MENSONGE, DE L’INJUSTICE ET DE L'IMPUNITÉ AU RWANDA : Destructions des coopératives artisanales et paysannes

« Le mensonge donne des fleurs, jamais des fruits »

Dans son livre sur « La Stratégie du choc ou la montée du capitalisme du désastre » publié en 2008 chez LEMEAC Editeur, Madame Naomi Klein décrit assez bien le phénomène de « faire table rase » pour détruire ce qui existait et construire de nouvelles structures à la place des anciennes en vue de s’approprier les richesses d’autrui. Cette entreprise meurtrière avait un caractère scientifique et systématique pour imposer de nouveaux cadres soumis aux chefs militaires après l’élimination des anciens dirigeants de ces coopératives.

C’est pour mettre la main sur les coopératives rwandaises que les chefs militaires et politiques du Front Patriotique Rwandais (FPR) se sont attaqués aux deux principales coopératives que sont la KIAKA à Mahoko en commune Kanama, ancienne préfecture de Gisenyi au nord ouest et la COFORWA (Compagnie des Fontainiers du Rwanda) en commune Nyakabanda, ancienne préfecture de Gitarama, actuellement Muhanga, au centre du pays.

1.     L’assassinat des responsables de la KIAKA le 02/10/1998

L’assassinat de Monsieur Pierre Claver NZABANDORA, Directeur de la coopérative KIAKA (Coopérative regroupant tous les artisans de Kanama), vendredi matin le 2 octobre 1998, a été maquillé en « pillage » par les militaires de l’Armée Patriotique Rwandaise (APR). En effet, Mr Pierre Claver a été tué avec trois de ses principaux collaborateurs dans ses propres bureaux  à MAHOKO. Un des derniers dirigeants de KIAKA, rescapé de cette tuerie, André HABIMANA, Secrétaire du Conseil d’Administration (CA) et aide-comptable, a été arrêté et emprisonné par les militaires sous prétexte de mener des enquêtes.

Selon des témoignages complémentaires parvenus au Centre de Lutte contre l’Impunité et l’Injustice au Rwanda (CLIIR) le 14 octobre 1998, l’attaque visant à détruire totalement  la coopérative KIAKA s’est déroulée en plein jour comme suit :

Un groupe de 80 personnes environ, en tenue militaire semblable à celle de l’Armée Patriotique Rwandaise, a attaqué vendredi matin 2 octobre 1998 la coopérative KIAKA. Certains ouvriers de la coopérative, qui ont vite remarqué l’agressivité de ces assaillants, se sont dispersés dans les différents ateliers de la KIAKA.

Un témoin oculaire a affirmé avoir vu un assaillant tirer froidement et à bout portant sur le Président de KIAKA, Pierre Claver NZABANDORA, sans lui adresser la moindre parole. Les autres assaillants ont défoncé tout de suite les portes des bureaux pour s’emparer de tout l’argent disponible. Cette attaque, qui semble avoir été menée méthodiquement par des professionnels, n’a provoqué aucune intervention rapide de l’Armée Patriotique rwandaise alors qu’elle dispose d’un détachement important basé au bureau communal de KANAMA à quelques 500 mètres des ateliers de la KIAKA! L’Armée est intervenue longtemps après cette tragédie sanglante et le départ des malfaiteurs.

Les membres de la KIAKA tués lors de cette attaque sont les suivants :

– Mr Pierre Claver NZABANDORA, Président du C.A. et Directeur de la KIAKA        – Mr Gaëtan NANGWAHAFI, V/Président du CA et chef de la Section Traditionnel. – Mr FREDERIC, le nouveau chef-menuisier qui a remplacé feu Léop. Baryanishavu

– Mr MBABARE, menuisier expérimenté sur les machines à « tour »;

En plus de ces quatre principaux membres de la KIAKA tués, CLIIR déplore aussi la mort de trois personnes non encore identifiées qui se trouvaient près des bâtiments de la KIAKA au moment de cette attaque.

En plus de sa qualité de président de la KIAKA, Monsieur Pierre Claver NZABANDORA est un des témoins-clé du massacre de plus de 8.000 habitants de quatre secteurs de la commune Kanama qui avaient trouvé refuge dans la grotte de Nyakimana, afin d’échapper aux tueries commises par l’APR dans toute la région de GISENYI à partir d’août 1997. Monsieur Pierre Claver Nzabandora avait perdu ses quatre (4) enfants dans le massacre de la grotte de Nyakimana orchestré par les militaires de l’APR entre le 24 et 27/10/1997 juste après le massacre de plus de 300 personnes sur le marché de Mahoko (Kanama). Lorsqu’il a osé réclamer leurs corps aux autorités communales, il a été emprisonné, puis libéré suite à l’ébruitement de ce massacre dans plusieurs médias internationaux. Messieurs Justin et Hakizimana, chauffeur et artisan de la coopérative KIAKA, avaient été emprisonnés et relâchés dans les mêmes circonstances. CLIIR craint que la tuerie du 2 octobre 1998 visait tout simplement  à éliminer les derniers témoins gênants.

  1. Assassinat du Coordinateur de la COFORWA, sa famille et ses voisins :

Le Samedi 5 juillet 1997 dans la soirée 16 personnes ont été assassinées par des militaires en commune NYAKABANDA (préfecture Gitarama). En effet, deux familles Hutu ont été massacrées ainsi que leurs voisins ou amis qui étaient présents lorsqu’ils furent attaqués par des militaires APR.

  • M. NKUNDABATWARE Jean-Baptiste, Coordinateur de l’ASBL COFORWA tué lui aussi avec sa femme et ses cinq enfants. Dans la soirée du samedi 5 juillet, vers 20h30, les voisins entendirent des détonations chez Jean Baptiste NKUNDABATWARE. Les habitants qui assuraient la “ronde nocturne obligatoire” sont allés voir ce qui avait fait ce bruit. Ils ont vu cinq cadavres au sol et Nkundabatware abattu dans son fauteuil.
  • M. MUSABYIMANA Thaddée, Directeur de l’école secondaire privée “La Fraternité de Ndiza”, tué avec toute sa famille et d’autres personnes venues à leurs secours.
  • M. SEBAZUNGU Sylvestre, Inspecteur des Ecoles primaires de Nyakabanda.
  • Un certain SEBAZUNGU, un ami qui accompagnait Sylvestre Sebazungu et qui venait d’assister à des noces chez le nommé Musabyimana Théogène. Ils furent tués tous les deux à l’arme blanche par un groupe de malfaiteurs. Néanmoins, un voisin, qui a requis l’anonymat, a déclaré avoir vu une vingtaine de militaires vers 20h. Ces militaires descendaient la route qui conduit chez Musabyimana Théogène (où s’étaient déroulées les noces) et dans laquelle Sebazungu et son ami ont été tués.

En 2003, un autre employé de la COFORWA était assassiné :

  • RAMBA Léon Pasteur (40 ans), agent de Coforwa (Compagnons fontainiers rwandais), une ONG rwandaise oeuvrant dans l’hydraulique rurale a été tué dans la nuit du 29 au 30 décembre 2003, fusillé par deux hommes armés en uniforme militaire.

Les meurtres des dirigeants des coopératives s’inscrivaient dans le cadre d’un système planifié depuis longtemps et appliqué aux quatre coins du Rwanda dans l’intention manifeste de détruire certains secteurs de la société en s’en prenant aux personnes qui les représentaient.

 

Fait à Bruxelles, le 11/12/2014

matata

Joseph MATATA, Coordinateur du CLIIR