Rwanda : Yolande Makolo et la controverse sur la liberté d’expression face à Channel 4

Yolande Makolo

Les réactions de Yolande Makolo, porte-parole du gouvernement rwandais, à l’égard de la chaîne britannique Channel 4 pour avoir donné la parole à Victoire Ingabire et Ali Abdulkarim interpellent sur plusieurs plans. En effet, ces critiques, telles que rapportées par le journal rwandais IGIHE, mettent en lumière la rigueur avec laquelle le Rwanda gère les voix dissidentes, tant sur le plan national qu’international. L’interview de Channel 4, qui a mis en avant Ingabire, leader du parti Dalfa-Umurinzi non reconnu par le gouvernement rwandais, et Ali Abdulkarim, vice-président du groupe RNC, a servi de plateforme pour exprimer des préoccupations concernant des violations présumées des droits humains et une restriction de la liberté politique au Rwanda. La réponse de Makolo, qualifiant ces individus de criminels et leurs accusations d’infondées, mérite une analyse approfondie, surtout au regard des implications pour la démocratie et les droits de l’homme dans le pays.

D’une part, l’association faite par Makolo du RNC avec le terrorisme et la qualification d’Ingabire en tant que membre des FDLR posent question quant à l’équité des procédures judiciaires rwandaises. L’affirmation selon laquelle la condamnation d’Ingabire repose sur des preuves solides, y compris des aveux de co-conspirateurs et des éléments fournis par le gouvernement néerlandais, invite à un examen critique. Il est essentiel d’entreprendre une vérification indépendante des preuves et du déroulement du procès pour juger de la validité de ces affirmations, en tenant compte des accusations portées par des organisations de défense des droits de l’homme et des observateurs internationaux sur des procès politiquement motivés et injustes.

D’autre part, la manière dont Makolo justifie l’inéligibilité d’Ingabire à cause de son passé judiciaire illustre une tendance à l’exclusion des dissidents politiques, ce qui heurte les principes démocratiques fondamentaux. Bien que la nécessité d’intégrité dans les processus électoraux soit incontestable, l’usage sélectif de tels critères pour écarter des opposants politiques traduit une volonté de maintenir une homogénéité idéologique au détriment de la diversité des opinions.

La critique adressée par le gouvernement rwandais à Channel 4, accusée de légitimer des dissidents, s’inscrit dans une stratégie plus large de contrôle de la narrative nationale et de répression des contre-discours. En décréditant les médias internationaux et en diabolisant les opposants comme criminels ou terroristes, le pouvoir en place cherche à monopoliser le débat public, réduisant ainsi l’espace disponible pour une critique constructive et une opposition politique viable.

La polémique suscitée par l’interview de Channel 4 révèle non seulement les défis auxquels sont confrontés les dissidents rwandais, tant sur le sol national qu’à l’étranger, mais souligne également les efforts du gouvernement pour limiter la liberté d’expression au-delà de ses frontières. Cette tentative d’isoler et de marginaliser les voix de l’opposition, même dans l’espace médiatique international, reflète une approche gouvernementale qui pourrait saper les fondements de la démocratie et des droits fondamentaux au Rwanda.